Étrange bibliothèque que celle retrouvée à Qumrân. Neuf cents rouleaux (et sans
Étrange bibliothèque que celle retrouvée à Qumrân. Neuf cents rouleaux (et sans doute davantage) retrouvés dans des grottes, certains roulés dans des jarres. Ils représentent un panorama éblouissant, partiellement inconnu jusque lors de la littérature juive du ier siècle, mais ils sont muets sur leur provenance, leurs auteurs, les conditions de leur copie ou de leur rédaction. C’est donc un épais mystère qui plane sur cette découverte, donnant naissance à des hypothèses nombreuses et contradictoires qui pourraient se résumer ainsi : soit les rouleaux ont été écrits sur le site de Qumrân et conservés dans les grottes voisines, soit les rouleaux ont été cachés dans les grottes pour être mis en sécurité par des gens venus d’ailleurs, de Jérusalem ou même de plus loin en Judée. Ce qui est avéré est que cette découverte lève le voile sur un vaste pan de la production écrite de la société juive des deux ou trois derniers siècles d’avant notre ère, jusque vers la première moitié du ier siècle de notre ère. BNF, Manuscrits, hébreu 1427 (plaque IV) © BNF / Photo Bruce et Kenneth Zuckerman, Marilyn Lundberg, and John Melzian, West Semitic Research Ces fragments sont les restes d’un rouleau qui contenait le Commentaire de Michée. Le commentaire, en hébreu péshèr, est un genre courant de la littérature juive : de nombreux rouleaux de Qumrân comportent ce type de textes, souvent en plusieurs exemplaires. D’autres fragments du Commentaire de Michée ont été retrouvés, ce qui a permis de restituer le texte. Les écrits de Qumrân dans le monde juif du ier siècle de notre ère Rédaction : Soizic Donin L’explication de ceci concerne le Maître de Justice qui est celui qui enseigne la Loi à son Conseil… La Judée et les communautés juives de la Diaspora au ie siècle de notre ère À quoi ressemble cette société lettrée de Judée au ier siècle ? Les éléments de réponse sont à chercher dans l’exploration des sources contemporaines plus que dans les manuscrits eux-mêmes. Ces sources proviennent des foyers culturels à l’extérieur de la Judée, dans les communautés prospères de la Diaspora. En Judée, la guerre et les révoltes contre les Romains, à partir de 66 jusqu’en 135, ont abouti à la destruction de Jérusalem et de nombreuses villes de Judée. Une quantité importante d’écrits a probablement disparu dans les incendies et les pillages. Si l’an 70 est un moment crucial dans l’histoire du peuple juif, cette période a aussi été un moment de rupture dans la transmission du patrimoine écrit juif de l’Antiquité. À Qumrân, des textes entiers, rédigés principalement en hébreu, complètement inconnus jusqu’alors, ont été retrouvés : ils n’ont donc été transmis ni par les communautés juives d’après la chute du Temple, ni par d’autres communautés lettrées, païennes ou chrétiennes. En revanche, deux œuvres écrites par des lettrés juifs de la Diaspora ont été copiées à travers le Moyen Âge : l’œuvre de Philon d’Alexandrie écrite dans la première moitié du siècle et celle de Flavius Josèphe composée à Rome à la fin du siècle, après la destruction de Jérusalem. Les écrits chrétiens, les Actes des Apôtres et les quatre Évangiles, peuvent à leur tour apporter des éclairages sur la Judée avant 70. La lecture de ces sources permet de voir se dessiner le paysage humain dans lequel les rouleaux ont été écrits : un monde juif lettré centré sur l’interprétation de la Loi et focalisé autour du Temple, qui est immergé dans l’environnement culturel hellénistique et se retrouve aux prises avec le pouvoir romain. Saura Nisibis afrique Mer Méditerranée Mer Noire Océan Atlantique égypte arabie Ca Mer du Nord arménie Mer Rouge Nil Tigre Euphrate Volga sicile chypre 1000 kilomètres espagne macédoine syrie palestine pannonie rhétie germanie gaules italie asie Milan Lyon Marseille Tarragone Valence Cordoue Carthage Rome Athènes Corinthe Thessalonique Ephèse Alexandrie Jérusalem Damas Tyr Antioche Tarse Thèbes Doura- Europos Tolède Cadix Trèves Bonn Cologne Naples Thèbes Delphes Bari Édesse Sinope Pergame Sparte colonies juives limites de l’Empire romain au iv¬ siècle axe de dispersion des juifs zones de forte implantation juive Vivant en Judée ou dans la Diaspora, les Juifs sont appelés en latin Judaei, qui a donné le mot « juif ». Au ier siècle, ils vivent pour la plupart dans l’Empire romain, à l’exception des communautés de Mésopotamie, sous la domination des Parthes. La Judée est devenue province romaine sous contrôle direct de l’empire depuis l’an 6 de notre ère, date à laquelle Auguste dépose l’héritier du roi Hérode. L’autorité est entre les mains du gouverneur romain qui réside à Césarée Maritime. Ponce Pilate, dont les Évangiles décrivent le rôle dans la crucifixion de Jésus, vers 30, est gouverneur de la province entre 26 et 36. Jérusalem mer morte mer méditerranée idumée Jourdain Lac de Tibériade Massada Nazareth 50 km Jéricho Bethléem Qumrân judée mont Garizim Acco Ptolemaïs Tyr galilée phénicie Césarée Maritime pays de moab samarie Yavné (Iamnia) Les interprètes de la Loi au ier siècle, en Judée et dans la Diaspora Cette société juive, en Judée comme en Diaspora, est incroyablement diverse et même divisée. Plusieurs courants sont identifiés par Flavius Josèphe sous les noms de pharisiens, sadducéens et esséniens qui ont chacun des perceptions différentes des deux piliers fondamentaux que sont la Loi et le Temple. L’interprétation de la Loi, autrefois l’apanage des prêtres, devient progressivement le domaine de compétence des scribes qui forment, à partir du iiie siècle avant notre ère, une nouvelle élite lettrée. Ils contrebalancent le pouvoir des prêtres qui continuent d’officier au Temple. Traditionnellement issus de l’ancienne aristocratie sacerdotale, les prêtres, au cours de la période hellénistique, se retrouvent nommés par le pouvoir politique et sont de ce fait discrédités aux yeux d’une partie de la population. Ainsi, les pharisiens ne reconnaissent pas l’autorité des prêtres en matière de transmission et d’interprétation de la Torah, contrairement aux sadducéens et aux esséniens. Or l’interprétation de la Loi est cruciale car les pratiques religieuses en découlent directement. Les interprétations étant variées, les pratiques elles aussi divergent. La circoncision est mentionnée par certains auteurs extérieurs au monde juif tel Tacite comme un signe distinctif : « Les Juifs instituèrent la circoncision des parties sexuelles pour être reconnus par cette différence » (Histoires, V, 5, 4), mais beaucoup de Juifs hellénisés ne la pratiquent pas. En revanche les règles concernant l’alimentation, la cachrout, semblent être globalement suivies : elles impliquent l’interdiction de consommer certains animaux parmi lesquels le porc, l’abattage rituel des viandes autorisées et la stricte séparation du lait et de la viande. Néanmoins certains groupes en Judée, comme les esséniens, pratiquent des règles beaucoup plus strictes. Les règles communes sont aussi la loi du repos du sabbat et le calendrier religieux spécifique auquel tous les Juifs, y compris ceux de la Diaspora, restent attachés. La connaissance de la Loi d’après Flavius Josèphe Ces règles de vie sont transmises dès le plus jeune âge, par l’apprentissage par cœur. Flavius Josèphe insiste sur la connaissance de la Loi comme caractéristique fondamentale du peuple juif. Il donne également son point de vue personnel puisqu’il a été élevé à Jérusalem dans une famille du milieu sacerdotal. « Mes grands progrès dans les études me valaient une réputation de mémoire et d’intelligence supérieures. N’étant encore qu’au sortir de l’enfance, vers ma quatorzième année, tout le monde me félicitait pour mon amour de l’étude, car continuellement les grands prêtres et les notables de la cité venaient me voir pour apprendre de moi tel ou tel point plus particulier de nos lois. » (Autobiographie, 7-10) Il explique dans son discours de défense du judaïsme que la transmission de la Loi est un trait commun à l’ensemble des Juifs. « Chez nous, qu’on demande les lois au premier venu, il les dira plus facilement que son propre nom. Ainsi, dès l’éveil de l’intelligence, l’étude approfondie des lois les grave pour ainsi dire dans nos âmes. […] La loi veut que la sagesse préside à l’éducation (des enfants) dès le début ; elle ordonne de leur apprendre à lire, elle veut qu’ils vivent dans le commerce des lois et les actions de leurs aïeux… » (Contre Appion, II, 173-178 et 204). Des synagogues pour lire et commenter la Loi, des écoles pour l’enseigner Cette étude de la Loi se déroule dans les synagogues, du grec « réunion » (en hébreu beit knesset, « maison de l’assemblée »). Plusieurs synagogues ont été identifiées dans les fouilles archéologiques dans la Diaspora, mais aussi en Judée où les vestiges datent du ier siècle. Philon témoigne du fonctionnement de ces lieux de rassemblement et d’étude à Alexandrie, au début du ier siècle : « Le septième jour, fonctionnent dans chaque ville des milliers d’écoles où s’enseignent l’intelligence, la modération, le courage, la justice et les autres vertus. Les gens s’y tiennent assis en bon ordre, dans le calme, tandis qu’un des maîtres debout dispense les plus nobles et profitables leçons. » (Lois spéciales, II, 62) L’Évangile selon Luc fait le récit du passage de Jésus à la synagogue de Nazareth, en Galilée. « Il uploads/Histoire/ bnf-les-ecrits-de-qumran-dans-le-monde-juif-du-1er-siecle-de-notre-ere.pdf
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- Publié le Oct 02, 2021
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