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r , ALEXANDRE IVANOVITCH MEDVEDKINE CHRIS MARKER CEUVRES CROISÉES ALEXANDRE IVANOVITCH MEDVEDKINE CHRIS MARKER CEUVRESCROISÉES textes réunis par Bernard Eisenschitz LeTombeau d'Alexandre parChris Marker TOMBEAU n, m, 3"Letambeau de ", ,compasitian paétique, oeuvre musicale en I'han- neur de (qqn), Le Tambeau d'Edgar Pae, de Charles Baudelalre.." par Mallarmé, Le Tombeau de Cauperin, par Ravel. Alexandre Ivanoviteh Medvedkine est un einéaste russe né en 1900, (es entailles que les péres de famille font au ehambranle des portes pour mesurer la croissanee de leur progéniture, le siécle les a traeées sur sa vie : iI avait 17ans, e'était I'insurrection d'oe- tobre - 20 ans, la guerre eivile, et lui dans la eavalerie rouge, avee Isaae Babel, - 38 ans, les proeés staliniens, et son meilleur film Le Bonheur attaqué pour« boukharinisme »..,- 41ans, la guerre, et lui en premiére ligne, eaméra au poing - et quand il meurt en 1989, e'est dans I'euphorie de la perestro'ika, eonvaineu que eette cause du communisme a laquelle il avait consacré sa vie trouvait enfin la son aboutissement... ras mal comme fil conducteur pour explorer la tragédie de notre siécle, Son énergie, son courage, ses illusions, ses désillu- sions, ses compromissions, ses bagarres avee les bureauerates, ses illuminations prophétiques, ses aveuglements, volontaires 3 ou non, son humour indestructible et la lumiére déchirante que I'effondrement de I'URSS jette rétrospectivement sur toute sa vie, ce sont ceux de toute une génération, et c'est le portrait de cette génération que fai essayé de tracer a travers le portrait d'un amí... 4 ras durer longtemps. Medvedkine rappelé au studio allait mener une étrange carriére de dissident malgré lui : a chaque film, il se proposait sincérement d'illustrer la ligne du Partí. A I'arrivée, comme par un fait exprés, le film se retrouvait au placard, sous les accusations les plus saugrenues, comme le boukharinisme du Bonheur.11 concluait vertueusement une comédie surréaliste sur la reconstruction de Moscou, Novaia Moskva, par un hommage a Staline sans-qui-tout-~a-n'aurait-pas-été-possible, et le film était 5 Cet homme exemplaire était a peu prés inconnu aux années soixante. Son nom ne figure méme ras dans le dictionnaire de Sadoul. Cest le hasard d'une projection du Bonheur a la cinéma- théque de Bruxelles (une main anonyme avait joint la copie a un lot de films plus classiques, comme une bouteille a la mer) qui m'a mis face a face ayer un homme que je croyais mort et enterré. Cest I'air du temps qui a permis a cette rencontre de se concrétiser dans un petit film, LeTrain en marche, oú pour la pre- miére fois il racontait une expérience unique, et complétement oubliée, datant de 1932 : le Kinopoi"ezd, le Ciné-train. LE BONH~U,( ~ ' 1! '~ " V , o , 'CYAéT bE. " ' '(.lo <.'LA\ ,,~ ~ ~..-1JIi ' ?j,~ , """ ,. ..,Y\. ) ~;;~~;~7de ," 00 " ,r k¡imedvedkine interdit {( pareequ'i!ne donnaitpas une imagesérieusedesarchi- tectes ». II écrivait un scénario, Cette sacrée force, I'histoire d'un soldat mort qui jetait la pagaille successivement au Ciel et en Enfer, pour illustrer I'esprit d'initiative socialiste, et le tournage était interrompu des le premier jour. Quelques commandes offi- cielles, puis la guerre, lui permettraient de survivre jusqu'a une époque oú son talent, bridé, entravé, ne jaillirait plus que par éclairs d'une production plus terne. Cest a ce moment-Ia que je I'ai rencontré et que fai bricolé a la hate le petit film sur le train, qui dans mon esprit n'était que le film-annonce de celui que je feraisunjour - unjour qui meparaissait bienlointain.Tantde choses devraient se passer en Unjan Soviétique pour qu'il deviennepossible... Un train. Un train-cinéma, transportant sur ses boggies du matériel de tournage, un laboratoire, des salles de montage, une imprimerie, un camion et un {( chameau de remontrance ». L:équipe arrivait dans une usine, dans un kolkhoze, interrogeait les gens {( Qu'est-ce qui ne va ras ? ». On les filmait. Les rushes étaient tires dans la nuit, montés dans la journée. Le lendemain soir lefilm était montré,et la discussionrepartait, baséesur{( cet événement émouvant» disait Medvedkine {(de se voir 50i-meme a/'écran».1I avait inventé le reality show ayer 60 ans d'avance, et une approche un peu différente. On imagine qu'une expérience de cinéma aussi libre, échap- pant totalement au controle du pouvoir central - méme si elle était nourrie de I'idéologieproductiviste deI'époque- ne pouvait Eh bien, les choses se sont passées, et méme beaucoup plus que nous n'imaginions. Et ce film révé est devenu possible. J'ai retrouvé des témoins, des amis, sa fille Chongara qui maintenant peut dire comment son pére lui avouait que, petite fille, pendant 6 qu'elle dormait, il guettait les ras des flics dans I'escalier et pous- sait un soupir de soulagement quand lis dépassaient son étage. Viktor Diomen, le premier á avolr déniché une copie du Bonheur, totalement oublié, et ameutant tous ses amis au téléphone {( Venezvoir ce queje viens de voir... ». Vladimir Dimitriev, I'homme de la bouteille-á-Ia-mer, celui qui avait pris sur lui d'ajouter une copie du Bonheur aux colis destines aux cinémathéques étran- géres, dans I'espoir qu'un jour quelqu'un ferait quelque chose... Marina Goldovska.ia, I'auteur du Pouvoir des Solovki, dont le témoignage est particuliérement précieux, car de son statut inattaquable d'historienne du Goulag elle refuse de juger le communiste Medvedkine. {( Sesfilms ont été utilisés par une idéo- logie, qui me dit que les miens ne le seront pas par une autre ? » (Elle se souvient aussi de Dziga Vertov {( un petit homme triste et ame~ qui n'avait pas d'amis »). Et puis Nikola"i Izvolov : lui, étu- diant au VGIK, se passionne pour I'expérience du Ciné-train, et alors que tout le monde, á commencer par Medvedkine lui-méme, était sur que tout ce matériel encombrant avait disparu, il retrouve les films. Cest de cette « ronde» ophulsienne de rencontres, de hasards, d'amitiés et de découvertes qu'est fait ce DVD, dernier bouquet dé posé sur la tombe d'un homme unique, témoin et victime d'un siécle qui ne le méritait ras. 7 Corresponda nces par Bernard Eisenschitz Quelques dates, quelques rencontres. Les vi es de Chris Marker, cinéaste fran~ais, et d'Alexandre Medvedkine, cinéaste soviétique, son ainé de plus de vingt ans, se sont croisées bien des fois. La premiére, c'était grace á un grand archiviste du cinéma, Jacques Ledoux, fondateur de la Cinémathéque royale de Belgique(il apparait dans La Jetée).Quand Ledouxmontre á Marker le film de Medvedkine qui porte un des plus beaux titres qui soient, LeBonheur, il sait ce qu'il fait : le bonheur impossible et poursuivi, c'est la trame de tous les films de Marker. La découverte de ce film étonnant est suivie par celle d'une incroyable expérience de cinéma communiste, le Ciné-train, ou les spectateurs deviennent acteurs et auteurs, expérience sans suite - et pour cause - dans I'URSSdes années 193°. Autour de 1967, des luttes sociales et de I'opposition á la guerre du Viét-nam, nait I'idée que le cinéma devrait étre autre chose qu'un film qu'on projette dans une salle pour un public payant et docile. Un collectif de réalisateurs, SLON, se constitue pour faire Loin du Viet-nam, coordonné par Marker. Celui-ci, la méme année, rapporte de Besan~on (avec Mario Marret) un film ....... 8 destiné a faire connaitre le combat des ouvriers de Rhodiacéta : A bient6t j'espére. Mais ceux qui ont été filmes répondent et répliquent, par la création d'un groupe de formation et de pro- duction qui, a partir de mai 1968, s'approprie les outils du cinéma et prend le nom de Medvedkine.« Donne un poisson á un homme, tu le nourris pour un jou~ apprends-Iui á péche~ tu le nourrispourla vie»,dit Medvedkine par la voix de Marker dans LeTombeau d'Alexandre. En 1971,Medvedkine est en France. Marker et SLON sonori- sent Le Bonheur et en organisent la sortie, avec en préface un film d'une demi-heure, Le Train en marche: d'abord un poéme pour images fixes et voix de femme sur les années vingt et leur révolution de la culture, sur un cinéma qui interviendrait dansles rapports sociaux comme témoin et déclencheur sans renoncer en ríen a sa fonction d'art, puis le récit par Medvedkine, dans le dép6t de locomotives de Noisy-Ie-Sec, de I'expérience du Ciné- train. LeMedvedkined'aujourd'hui « estsouventétonnéparles productionsdeSLON, et aucun participantde SLON ne souscrirait á la Lettre a mes amis chinois que Medvedkine a tournée /'an der- nier »,écrit Marker. Mais le collectif n'entend pas au sens plein la phrase du cinéaste:« Nous étions impitoyables.» Or,I'adjectif ne peut pas avoir le meme sens pour ceux qui luttent et pour ceux qui sont au pouvoir. communistes qui font semblant d'étre communistes », resume Viktor Diomen, un des meilleurs critiques de la génération du Dégel. Comment traiter ce qui s'est passé? Cest en interrogeant les images qu'il est possible de faire le point. D'abord des images réapparues, qui n'existaient plus que par la paraje de Medvedkine et quelques photos; et si I'histoire a modifié notre regard, elles la récrivent en retour. Lememe adjectif « impitoyable » appelle le gres plan, dans I'un des Ciné-trains, d'un paysan en gres plan avec I'intertitre« condamné uploads/Histoire/ a-medvedkin-amp-chris-marker-booklet.pdf
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- Publié le Jul 23, 2021
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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