Gabriel Camps Rex gentium Maurorum et Romanorum. Recherches sur les royaumes de
Gabriel Camps Rex gentium Maurorum et Romanorum. Recherches sur les royaumes de Maurétanie des VIe et VIIe siècles In: Antiquités africaines, 20,1984. pp. 183-218. Citer ce document / Cite this document : Camps Gabriel. Rex gentium Maurorum et Romanorum. Recherches sur les royaumes de Maurétanie des VIe et VIIe siècles. In: Antiquités africaines, 20,1984. pp. 183-218. doi : 10.3406/antaf.1984.1105 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/antaf_0066-4871_1984_num_20_1_1105 Résumé Le titre de roi n'a jamais complètement disparu chez les Maures, mais au cours du IVe siècle on assiste, avec l'ascension de la famille de Nubel, Firmus et Gildon, à un début de confusion des pouvoirs romains et indigènes sur la même tête de « principes » ambitieux. Les royaumes, comme celui de Masuna, « roi des peuples maure et romain », qui émergent au cours des périodes vandale et byzantine, sont de passionnants exemples d'accomodement entre deux traditions aussi vivaces que contradictoires : administration romaine fondée sur un réseau de cités et organisation tribale maure reposant sur l'allégeance personnelle. Contrairement à l'hypothèse fractionniste de C. Courtois, il semble que la Maurétanie césarienne n'ait constitué qu'un seul royaume dont les maîtres successifs furent Masuna (508), Mastinas (535-571), Garmul ( + 579). L'analyse des rares sources littéraires épigraphiques, numismatiques et archéologiques étaye cette hypothèse. Bien que vraisemblablement originaire des régions méridionales, les princes pour qui furent construits les Djedars étaient chrétiens. Le christianisme semble en effet avoir pénétré largement chez les Maures, même au-delà de l'ancien limes (tumulus à chapelle de Djorf Torba). Dans la région de Meknès-El Hajeb, le Gour est un autre témoignage de la puissance des chefs maures du VIIe siècle. Ce monument funéraire est contemporain des inscriptions chrétiennes de Volubilis et de Koceïla (qui s'appelait peut-être Caecilius), ce chef awreba des confins algéro-marocains qui finit par régner à Kairouan. Abstract The title of king has never thoroughly disappeared at Moors', but during the 4th century, we can attend to a beginning of confusion of the roman and native powers upon the same sway of ambitious principles, with Nubel, Firmus and Gildon family's ascension. The kingdoms, as Masuna's one, King of the roman and moorish peoples, which appear during the Vandal and Byzantine periods, are some greatly interesting examples of arrangement between two so undying than contradictory traditions : roman administrations set upon a cities'network and moorish tribe organization based on the private allegiance. Contrary to C. Courtois's fractionnist hypothesis, it seems that the Cesarían Mauretany has only constituted a kingdom the successive chiefs of which were Masuna (508), Mastinas (535-571), Garmul ( + 579). The analysis of rare litterary, epigraphic, numismatic and archeological sources back this hypothesis up. Though likely coming from the southern regions, the princes for who the Djedars were built, were Christian. The Christianity seems indeed having widely possessed the Moors, even beyond the old limes (tumulus with chapel of Djorf Torba). In Meknès el Hajeb area, the Gour is another evidence of the moorish chiefspower in the Vllth century. This funeral monument is contemporary of the Christian writtings of Volubilis and Koseïla (which was may be named Caecilius), this awreba chief from the algero-moroccan borders who ended by holding sway over Kairouan. Antiquités africaines t. 20, 1984, p. 183-218 REX GENTIUM MAURORUM ET ROMANORUM Recherches sur les royaumes de Maurétanie des VIe et VIIe siècles par Gabriel CAMPS Au cours du Ve siècle, en dehors du territoire vandale mais aussi à l'intérieur même du royaume fondé par Genseric, l'histoire voit apparaître et se développer des embryons d'États ayant à leur tête des chefs berbères ou, comme on les appelait à l'époque, des rois maures. Ces chefferies ne sont pas, cependant, des créations récentes nées de l'affaiblissement de la domination étatique. Ce qui est nouveau c'est qu'il en existe désormais à l'intérieur de l'ancienne province d'Afrique et de son annexe numide, telles sont la domination de laudas, à l'époque byzantine, sur l'Aurès, celle de Coutsina sur le sud de la Numidie, ou celle d'Antalas sur le sud-ouest de la Byzacène. MAINTIEN DU TITRE DE ROI CHEZ LES MAURES En revanche, en Maurétanie Césarienne, des princes comme Masuna connu par une inscription célèbre d'Aitava ', Mastinas (ou Mastigas), cité par Procope 2 ou le roi inconnu des Ucutamani 3 succèdent à des chefs de tribus ou de confédérations auxquels les Romains avaient reconnu sans grande difficulté, semble-t-il, le titre de roi que sanctionnaient des inscriptions officielles. Ainsi une ara pads de Volubilis 4 commémore le colloque qui réunit en octobre 277 le praeses de la Province tingitane et Julius Nuffusi, l'un des fils de Julius Matif, roi de la tribu des Baquates ; mais les prédécesseurs et successeurs de Julius Matif portent régulièrement le titre de princeps. La différence entre ces deux titres était-elle, peut-être, moins importante qu'on ne le pense généralement 5 ? J'en verrai pour preuve la coalition de 1 C.I.L., VIII, 9835. Marcillet-Jaubert (J.), Les inscriptions d'Aitava. Aix-en-Provence, 1968, n° 194. 2 Procope. Bellum vandalicum, II, 13, 19, 20, 31. 3 C.I.L., VIII, 8379 et 20216. 4 Inscriptions antiques du Maroc. 2. Inscriptions latines. n° 360 (désormais désignés par le sigle I.L.M.). 5 Frezouls (E.), Les Baquates et la province romaine de Tingitane. Bull. d'Archéol. maroc, t. 2, 1957, p. 65-1 16. Id., Rome et la Maurétanie tingitane : un constat d'échec ? Antiquités afric, t. 16, 1980, p. 65-94. 184 G.CAMPS quatre rois Bavares qui, sortis des limites de la Maurétanie avaient, en 259-260, pénétré dans le Nord de la Numidie avant de se faire écraser par le légat C. Macrinius Decianus 6. Quelques années plus tôt, deux autres rois Bavares avaient été abattus et leurs épouses capturées dans la région d'Horrea, peut-être sous le commandement de M. Cornelius Octavianus 7. Il n'était donc pas nécessaire d'être très puissant pour porter le titre de roi puisque même les fractions d'une super-tribu ou d'une confédération comme celle des Bavares de l'Est pouvaient avoir à leur tête de tels souverains. Il faut reconnaître toutefois que les chefs traditionnels étaient le plus souvent appelés princeps gentis, titre qui devenait princeps civitatis lorsque la tribu recevait une organisation municipale. Au IVe siècle surtout, un autre titre, celui de praefectus, révèle une politique indigène plus interventionniste de la part de l'administration impériale 8 ; ces préfets indigènes placés à la tête des tribus sont, en principe, d'une fidélité éprouvée. Ce sont souvent des vétérans tandis que leurs prédécesseurs, sous le Haut Empire, étaient des magistrats et même, au début, des commandants de cohorte ou d'aile. Vers 400, Servius écrit que les praefecti des tribus maures recevaient à leur nomination un sceptre dont ils ne se séparaient jamais. Un siècle et demi plus tard, Procope décrit soigneusement les insignes qui leur étaient conférés au moment de leur entrée en charge, ce sont des attributs quasi royaux : un bâton d'argent doré, une coiffure d'argent ne couvrant pas toute la tête mais l'entourant comme une sorte de couronne faite de bandeaux d'argent, un manteau blanc s'attachant sur l'épaule droite par une fibule d'or, un chiton brodé, des chaussures dorées... » 9. Praefectus, princeps, rex, il n'est pas dans mon intention d'examiner plus attentivement ces titres et leur portée réelle. Les textes nous permettent de rappeler que la notion du pouvoir royal, même occultée par des titres étrangers, accompagnée d'une puissance plus ou moins charismatique matérialisée par le diadème et le sceptre, n'avait jamais disparu chez les Maures et que, sans l'encourager formellement, Rome n'avait pas tenté de le supprimer. De plus, le souvenir de l'ancienne royauté était resté puissant chez les Maures ; ainsi un ambitieux, Lucceius Albinus, nommé procurateur de Maurétanie Césarienne par Néron 10 s'était, disait-on, paré des insignes de la royauté et fait appeler Juba. Assez nombreux sont les auteurs chrétiens qui ont affirmé, en outre, que les Maures adoraient leurs rois divinisés après leur mort ; Tertullien, Minucius Felix, Cyprien, Lactance, Prudence, l'ont répété sous des formes diverses n. Dans un texte de grand intérêt, saint Augustin (Epist. CXCIX, XII, 46), au début du Ve siècle,établit une comparaison implicite entre les « Barbares », qui restent en dehors de la romanité et conservent leurs rois et ceux qui, rattachés à l'empire romain, ont à leur tête des préfets nommés et commencent ainsi que leurs préfets à devenir chrétiens. On ne saurait en déduire, cependant, que seuls les peuples demeurés en dehors du monde romain au-delà du limes, tels les Garamantes et les Levathae, avaient à leur tête des rois. A l'intérieur des limites des provinces maurétaniennes il subsistait des gentes gardant, sinon une totale autonomie, du moins une organisation suffisamment indépendante pour que leurs chefs puissent se parer du titre de roi. C'est vrai au IIIe siècle et rien ne prouve que ce système ait beaucoup changé au cours du IVe siècle, bien que se multiplient à cette époque les témoignages de praefectus gentis d'origine africaine. 6 C.I.L., VIII, 2615. 7 Camps (G.), Les Bavares, peuples de Maurétanie Césarienne. Rev. afric, t. 99, 1955, p. 241-288. 8 Leveau (Ph.), L'Aile II des Thraces, la tribu des Mazices et les Praefecti gentis en Afrique uploads/Histoire/ camps-gabriel-rex-gentium-maurorum-et-romanorum 1 .pdf
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- Publié le Nov 28, 2022
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