Bernard Lewis, HISTOIRE DU MOYEN-ORIENT. Deux mille ans d'histoire de la naissa

Bernard Lewis, HISTOIRE DU MOYEN-ORIENT. Deux mille ans d'histoire de la naissance du christianisme à nos jours Traduit de l'anglais par Jacqueline Carnaud et Jacqueline Lahana THE MIDDLE EAST. 2000 YEARS OF HISTORY FROM THE RISE OF CHRISTIANITY TO THE PRESENT DAY, © Bernard Lewis, 1995, © Éditions Albin Michel S.A., 1997 Préface PREMIÈRE PARTIE Introduction DEUXIÈME PARTIE Antécédents I. Avant le christianisme IL Avant l'islam TROISIÈME PARTIE Aube et apogée de l'islam III. Les origines IV. Le califat abbasside V. L'arrivée des peuples de la steppe VI. Les lendemains de la conquête mongole VIL Les empires canonniers QUATRIÈME PARTIE Transversales VIII. L'État IX. L'économie X. Les élites 199 XI. Le peuple XII. La religion et le droit XIII. La culture CINQUIÈME PARTIE Le choc de la modernité XIV. Défi XV. Mutations XVI. Réaction et riposte XVII. Idées nouvelles XVIII. De guerre en guerre XIX. D'une liberté à l'autre Notes Orientations bibliographiques Remarques sur les calendriers Chronologie Table des illustrations Cartes Index Table des cartes Préface Il existe à présent de nombreuses histoires du Moyen-Orient en un volume. La plupart s'arrêtent à l'avènement du christianisme ou commencent à celui de l'islam. En prenant pour point de départ le début de l'ère chrétienne, j'avais un double objectif. D'une part, je voulais sortir la Perse et Byzance du rôle modeste de toile de fond à la carrière de Mahomet et à la création de l'État musulman qui leur est généralement attribué, aux côtés de l'Arabie préislamique. Ces deux grands empires rivaux, qui se sont partagé le Moyen-Orient pendant plusieurs siècles, méritent, en effet, davantage qu'une simple mention. D'autre part, je souhaitais établir un lien entre le Moyen-Orient d'aujourd'hui et les anciennes civilisations qui s'y sont succédé, ainsi qu'en témoignent quantité de textes et de monuments. Durant les premiers siècles de l'ère chrétienne ou, si l'on veut, entre Jésus et Mahomet, les territoires à l'ouest de l'Empire perse ont enregistré de profondes transformations sous l'effet de l'hellénisation, de la romanisation et enfin de la christianisation, si bien que le souvenir (mais non toutes les traces) de ces anciennes civilisations a fini par s'effacer. Ce n'est qu'à une époque relativement récente qu'archéologues et orientalistes l'ont fait revivre. Il n'empêche, le lien qui unit le Moyen-Orient ancien et contemporain, à travers l'Antiquité tardive et le Moyen Age, vaut qu'on s'y arrête. Les premières histoires modernes de la région se sont, par la force des choses, concentrées sur les événements politiques et militaires, sans lesquels il est difficile, sinon impossible, de comprendre les évolutions plus profondes. Grâce aux travaux de mes prédécesseurs, j'ai pu prendre la liberté de réduire au minimum le récit de ces événements, afin de consacrer davantage d'attention aux mutations sociales, économiques et surtout culturelles. Dans cet esprit, j'ai souvent cité des sources de l'époque — chroniques et récits de voyage, documents et inscriptions, voire poèmes et anecdotes. Similairement, il m'a paru qu'une illustration est parfois plus éclairante que le récit ou même l'analyse. Vouloir présenter deux mille ans d'histoire d'une région aussi riche, vivante et diverse dans le cadre d'un seul volume oblige à laisser de côté bien des aspects importants. Tous ceux qui s'intéressent à cette région feront leur choix. J'ai fait le mien; il est forcément personnel. J'ai essayé de donner leur juste place aux personnages, aux événements, aux courants et aux réalisations qui me semblaient les plus caractéristiques et les plus révélateurs. Au lecteur de juger si j'y suis parvenu. Il est à présent de mon agréable devoir de remercier David Marmer, Michael Doran, Kate Elliott et Jane Baun, quatre jeunes historiens de l'université de Princeton qui, de différentes manières, m'ont aidé à préparer cet ouvrage. Ma dette est grande envers Jane Baun, dont l'érudition méticuleuse et l'esprit critique m'ont été si précieux. Je tiens également à exprimer toute ma gratitude à mon assistante Anna-marie Cerminaro pour la patience avec laquelle elle a pris soin des nombreuses versions de cet ouvrage, du premier manuscrit jusqu'au texte définitif. L'édition, l'illustration et la publication de ce livre doivent beaucoup au savoir-faire et à la gentillesse de Benjamin Buchan, de Tom Graves, et de Douglas Matthews qui a bien voulu se charger de l'établissement de l'index. Enfin, je remercie vivement tous ceux dont j'ai retenu les suggestions ; que les autres veuillent bien m'excuser de ne pas m'être rallié aux leurs. Il va de soi que j'assume l'entière responsabilité des fautes et des erreurs qui auraient pu subsister. Bernard Lewis Princeton, avril 1995 Transcription Les noms arabes et persans apparaissent selon leur graphie la plus courante en Occident et les noms turcs dans une forme légèrement modifiée de l'orthographe officielle turque. PREMIÈRE PARTIE Introduction Le café ou la maison de thé sont des éléments familiers de la vie urbaine au Moyen-Orient : à toute heure de la journée, ou presque, on y trouve des hommes — rarement des femmes - attablés, en train de siroter une tasse de café ou de thé, de fumer une cigarette, de lire un journal ou de jouer à un jeu de société tout en écoutant d'une oreille distraite la radio ou la télévision installée dans un coin. Vu de l'extérieur, le client d'un café moyen-oriental ne diffère guère de son homologue européen, et surtout méditerranéen. En revanche, il n'a pas grand-chose en commun avec celui qui se tenait à la même place il y a cinquante ans, et plus encore, il y a cent ans. C'est vrai aussi du client européen, mais pour des raisons très différentes. Sauf exception, tous les changements qui se sont opérés dans son apparence, son allure, sa tenue, son comportement sont nés de l'intérieur de la société européenne, ou de la société américaine qui lui est étroitement apparentée. Au Moyen-Orient, ces mêmes changements proviennent de sociétés et de cultures profondément étrangères aux traditions autochtones. L'homme au café assis sur une chaise, devant une table, en train de lire un journal, incarne les immenses bouleversements venus de l'Occident qui, à l'époque moderne, ont transformé la vie des habitants de la région, leur apparence extérieure, leurs activités, leur façon de se vêtir et même leur mentalité. Le premier et le plus visible de ces changements concerne le costume. Notre client porte peut-être une tenue traditionnelle, mais en ville, c'est de moins en moins fréquent. Plus probablement, il est habillé à l'occidentale: chemise et pantalon, ou encore T-shirt et jean. Les vêtements possèdent une importance considérable, parce qu'ils permettent, non seulement de se protéger des intempéries et de ne pas attenter à la pudeur, mais aussi - et surtout dans cette partie du monde - d'affirmer son identité, de proclamer ses origines et d'adresser un signe de reconnaissance à ceux qui les partagent. Déjà au VIF siècle avant J.-O, le prophète Sophonie déclarait: «Au jour du sacrifice de Iahvé», Dieu châtiera «tous ceux qui revêtent un vêtement étranger» (I, 8). Les textes juifs et plus tard musulmans exhortent les fidèles à conserver leurs habitudes vestimentaires. « Ne vous habillez pas comme les infidèles, de crainte de devenir comme eux», dit une maxime fréquemment citée. Selon une tradition attribuée au Prophète, «le turban est la barrière qui sépare l'infidélité de la foi». Selon une autre, « celui qui essaie d'imiter les gens [d'un autre peuple ou d'une autre religion] devient l'un d'eux». Jusque très récemment, et dans certaines régions encore aujourd'hui, chaque groupe ethnique, chaque communauté religieuse, chaque tribu, chaque province, parfois chaque corps de métier possède une manière distinctive de s'habiller. Il est fort probable que notre homme assis au café porte quelque chose sur la tête, une casquette, ou bien — sauf en Turquie — une coiffure plus traditionnelle. Ceux qui ont visité un cimetière de la période ottomane se souviennent sans doute que les stèles comportent souvent une représentation sculptée du couvre-chef que portait le défunt de son vivant. S'il était cadi, on voit une coiffe de juge; s'il était janissaire, sa stèle est surmontée d'une sorte de bonnet ressemblant à une manche repliée. Quel que fut le métier qu'il exerçât, un couvre-chef, symbole de sa profession, orne sa tombe. Pour le suivre jusque dans sa mort, ce trait distinctif devait assurément avoir une importance capitale dans sa vie. En turc, il n'y a pas si longtemps, l'expression §apka giymek, mettre un chapeau, correspondait au français « retourner sa veste », autrement dit, devenir un renégat, un apostat, passer dans l'autre camp. Aujourd'hui, bien entendu, la plupart des Turcs qui se couvrent la tête portent un chapeau, une casquette ou -s'ils sont religieux — un béret, et l'expression n'est plus utilisée dans ce sens-là. Néanmoins, les couvre-chefs occidentaux demeurent rares dans les pays arabes, et plus encore en Iran. D'une certaine façon, on peut retracer les étapes de la modernisation au Moyen-Orient en suivant l'occidentalisation du vêtement et, plus particulièrement, de la coiffure. Comme presque tous les autres aspects de la modernisation, l'évolution du vêtement commença dans l'armée. Aux yeux des réformateurs, les uniformes militaires occidentaux possédaient une certaine magie. Face aux défaites répétées de leurs armées, les princes musulmans finirent par uploads/Histoire/ bernard-lewis-histoire-du-moyen-orient-deux-mille-ans-d-x27-histoire-de-la-naissance-du-christianisme-a-nos-jours.pdf

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  • Publié le Sep 08, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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