Edward James Childéric, Syagrius et la disparition du royaume de Soissons In: R
Edward James Childéric, Syagrius et la disparition du royaume de Soissons In: Revue archéologique de Picardie. N°3-4, 1988. Actes des VIIIe journées internationales d'archéologie mérovingienne de Soissons (19-22 Juin 1986) pp. 9-12. Citer ce document / Cite this document : James Edward. Childéric, Syagrius et la disparition du royaume de Soissons. In: Revue archéologique de Picardie. N°3-4, 1988. Actes des VIIIe journées internationales d'archéologie mérovingienne de Soissons (19-22 Juin 1986) pp. 9-12. doi : 10.3406/pica.1988.1527 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/pica_0752-5656_1988_num_3_1_1527 Revue Archéologique de Picardie n° 3/4 - 1988 CHILDÉRIC, SYAGRIUS ET LA DISPARITION DU ROYAUME DE SOISSONS par Edward JAMES* Je veux parler de l'importance de Syagrius et du royaume de Soissons dans l'histoire de France pour mieux comprendre les conséquences histor iques, et même archéologiques, de la conquête de ce royaume par Clovis. Bien sûr, on sait très peu de choses sur Syagrius ; il faut examiner aussi les rôles de Childéric et d'Egidius, devanciers de Clo vis et de Syagrius, dans l'histoire de la Gaule durant la seconde moitié du Ve siècle. Je veux sou ligner l'importance des Libri Historiarum de Gré goire de Tours pour cette enquête ; la plupart des historiens ne mettent pas suffisamment en valeur que pour comprendre Syagrius et Clovis, il est essentiel qu'on comprenne d'abord Grégoire. Les Libri Historiarum ne sont pas une collection de faits historiques, d'événements, pour servir les histo riens du XXe siècle ; ils forment une entité com plexe et littéraire. Et nous attendons encore un livre sur Grégoire aussi subtil que le livre récent et très important d'Averil Cameron sur Procope (1 ). Je commencerai donc par un examen de nos sour ces pour les règnes de Childéric, Egidius et Sya grius. Il est intéressant, je crois, de remarquer qu'on ne trouve pas le nom de Childéric dans les sources du Ve siècle, à part l'inscription de son anneau sigillaire. On peut remarquer ici, peut-être, le titre HEX - comme son contemporain Odoacre, en Italie - un titre romain et non REX FRANCO- RUM, comme ses successeurs, les Mérovingiens. On dit souvent que Childéric apparaît pour la pre mière fois en 463. K-F. Werner a parlé des «petites notices d'origine contemporaine» ; ce n'est pas si simple. Il y a trois sources avant Grégoire : Hydace, une chronique gallo-romaine du Ve siècle dite Chronique de 511 et Marius d'Avenches (milieu du VIe siècle) ; toutes les trois font mention d'une bataille en 463. Les Wisigoths furent battus et Frédéric, le frère du roi des Wisigoths, fut tué. Marius dit que la bataille était inter Ligerem et Lige- ricinum, entre la Loire et le Loiret, ainsi assez près d'Orléans et que là, le Romain Egidius battit les Wisigoths. Hydace dit que le Wisigoth Frédéric aida au soulèvement contre Egidius en Armorique. Mais on ne trouve pas le nom d'Egidius dans la chronique gallo-romaine ; selon elle, Frédéric fut battu près de la Loire au cours d'une bataille contre les Francs. Peut-être y-a-t'il eu deux batailles ? Peut-être Egidius était-il un général romain qui avait des soldats francs ? Mais, c'est un siècle plus tard que nous trouvons dans les Histoires de Gré goire de Tours le nom du général franc lui-même ; nous lisons : «Chi/dericus Aurilianis pugnas egit» {«Chi/déric livra des combats à Orléans» : LH, II, 18). Les historiens ont pensé que c'était la même bataille et ils ont suggéré que Childéric et Egidius étaient alliés, ou que peut-être Childéric et ses Francs combattaient au nom d'Egidius et de ses Romains. Ils ont dit aussi, comme nous le verrons, qu'Egidius lui-même avait été roi des Francs. Mais il faut se souvenir que Grégoire lui-même à peut- être lu que les Francs étaient à Orléans et que, en historien intelligent, il a pensé que Childéric, un des rois francs -et pour Grégoire le plus important- était là aussi. En tout cas il est important de se sou venir que la bataille d'Orléans est le seul événe ment, dans les sources du Ve siècle, où on peut estimer que Childéric prit part. L'autre source antérieure à Grégoire où on peut trouver Childéric et qui n'utilise pas son nom, c'est la fameuse lettre de saint Rémi au roi Clovis, soul ignée à juste titre par M. Werner : «Une grande rumeur parvient à l'instant à nous. Vous venez de prendre en main l'administration de la Belgique Seconde. Ce n'est pas une nouveauté que vous commenciez à être ce que vos parents ont toujours été». (2). Si Grégoire a raison de faire de Childéric le père de Clovis - et Grégoire est la seule source de cette information -, nous savons que Childéric a pris en main l'administration de la Belgique Seconde lui-même. Saint Rémi dit semper, tou jours. Childéric avait toujours eu l'administration de la Belgique Seconde, avec Reims, Tournai, Sois- sons et autres cités. Saint Rémi ayant écrit comme évêque métropolitain de la Belgique Seconde, nous ne pouvons pas conclure que la Belgique Seconde était la seule province de l'administration de Chil déric car saint Rémi ne ferait pas mention de la Lugdunensis Secunda ou de la Lugdunensis Seno- nia. Saint Rémi a écrit «tuos episcopos» et «tuos cives». On se souvient du Praeceptio Chlotharii, où on lit que le grand-père de Clotaire a fondé des égli ses. Les historiens ont décidé que ce Praeceptio datait du temps de Clotaire II, parce que le grand- père de Clotaire I, le païen Childéric lui-même, ne pouvait pas avoir fondé d'églises. C'était, en fait, possible pour un administrateur de l'Empire romain. Le contemporain de Childéric, l'hérétique roi Gondebaud, était ami des évêques catholiques et fondateur d'églises chrétiennes. On peut discu ter du paganisme de Childéric et mettre en doute l'histoire de la conversion de Clovis dans les Histoi- Université de York Département d'histoire HESLINGTON - YORK - Y015DD-GB (1) Averil CAMERON, Procopius and the Sixth Century London, Duck worth, 1985. (2) Trad, par K.-F WERNER, Les Origines (Paris, Fayard ; 1984), p. 286. 9 res de Grégoire. Mais on peut voir que Childéric avait une position importante dans la structure de la Gaule romaine du Nord ; cette position était liée au pouvoir romain et symbolisée dans son tom beau, comme M. Werner l'a remarqué, suivant Bôhner, par la fibule cruciforme en or, «une distinc tion qu'il avait certainement reçue de l'empereur avec le paludamentum». Mais il y a un autre pe rsonnage et une autre autorité romaine dans le nord de la Gaule en même temps que Childéric, c'est Egidius. Egidius apparaît dans les sources en 458, quand il a pris Lyon aux Burgondes au nom de l'empereur Majorien. Egidius, magister militum, «homme de grande réputation et agréable à Dieu par ses bon nes œuvres» (3), est peut-être d'origine lyonnaise lui-même : son fils Syagrius porte un nom connu dans la région de Lyon du IVe au VIIe siècle. L'empereur Majorien est venu d'Italie pour aider Egidius à Arles contre les Wisigoths. En 461, Majorien est assassiné en Italie par Ricimer. Et l'année suivante, selon Hydace, un comte Agrippi- nus donne Narbonne à Théodoric et demande l'aide wisigothique contre Egidius. Egidius va au nord de la Gaule. En 463, on peut supposer qu'Egi- dius combat à Orléans avec Childéric contre les Wisigoths et aussi contre Agrippinus (le nouveau magister militum de Ricimer), et donc contre Ric imer lui-même, et contre son nouvel empereur, Libius Severus. Selon la Vie de saint Lupicin (une source tardive), Egidius avait accusé Agrippinus de trahison contre l'Empereur (Majorien ?) : Agrippi nus avait peut-être soutenu l'expansion des Bur gondes en 456-458 ? Comme l'historien byzantin Priskos l'a écrit, cette campagne a empêché l'inva sion de. l'Italie par Egidius pour se venger de la mort de Majorien. Hydace écrit aussi que les Wisigoths ont aidé un soulèvement des Armoricains ; on pourrait dire aussi que les Wisigoths ont aidé les Romains du nord-ouest de la Gaule contre le rebelle Egidius et ses alliés francs. Hydace rap porte aussi qu'en 464 ou 465 Egidius essaya de s'allier avec le grand ennemi de Rome, Genséric, roi des Vandales en Afrique du Nord, mais Egidius mourut la même année, «d'après les uns attiré dans un guet-apens, d'après d'autres empoi sonné» (4). C'est tout ce que nous pouvons savoir ou suppos er des sources du Ve siècle. Mais dans les Livres des Histoires de Grégoire de Tours (II, 12), nous apprenons aussi la vie dissolue de Childéric, son exil en Thuringe (ou à Tongres) et le choix d'Egi- dius comme roi des Francs. Grégoire écrit que Chil déric revint après un exil de huit ans, avec Basine, la femme du roi thuringien, Bisinus. Frégédaire et le Liber Historiae Francorum répètent la même his toire. Ralph Mathisen pense que cette répétition la rend plus vraisemblable (5). Peut-être y-a-t'il un fond de vérité dans cette fable. Peut-être Grégoire (ou ses sources) savait-il qu'Egidius avait com mandé des soldats francs et pensait donc qu'Egi dius avait été roi des Francs. Quant à l'addition de Frédégaire au texte de Grégoire, selon laquelle les Francs se rebellèrent contre uploads/Histoire/ childeric-syagrius-et-la-disparition-du-royaume-de-soissons-pdf.pdf
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- Publié le Jan 18, 2021
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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