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M-C de Marliave – ne pas diffuser - réservé aux étudiants inscrits au cours de christologie du 1er cycle jour du Theologicum/ ICP 2020-2021. LA MORT DU CHRIST MYSTERE DE SALUT Introduction La mort de Jésus a une portée de salut : comment peut-on dire que la mort de Jésus sauve l’homme ? N’y a-t-il pas là un paradoxe ? Comment la mort d’un homme peut- elle être le lieu d’où jaillit la vie, pour cet homme d’abors mais aussi pour tous les autres ? Nous allons essayer de comprendre ce que dit la foi de l’Eglise. D’abord 2 remarques pour introduire le cours :  1ère remarque : La mort de Jésus doit être envisagée dans le projet de salut de Dieu : Dieu a tant aimé le monde qu’il a envoyé son Fils bien aimé. Ce qui est premier, c’est l’initiative de Dieu pour le salut du monde. On doit garder à l’esprit la liberté et la bonté de cette initiative. La libre initiative de Dieu est mise en œuvre par Jésus qui rencontre tout au long de sa vie la liberté des hommes. La rencontre de la liberté de Jésus avec les libertés des hommes devient dramatique à la Passion. Le projet divin de salut va à la rencontre des libertés humaines. Les événements qui ont conduit à la mort de Jésus relèvent de ce que les hommes ont fait.  2ème remarque : chacun de nous comprend la mort de Jésus en étant pour une part conditionné par la manière avec laquelle avec laquelle nos cultures d’origine prennent en charge la mort : l’interprétation de la portée de salut de la mort de Jésus dépend pour une part de nos conditionnements culturels, mais aussi de notre angoisse, de nos peurs et de nos blessures. Autrement dit la mort du Christ Jésus comme mystère de salut rejoint chacun là où se pose radicalement la question du salut. Comment aborder la mort du Christ ? Je vais mettre l’accent sur quelques éléments concernant la mort de Jésus :  le scandale de la croix  les langages théologiques de la rédemption et du sacrifice pour dire le rapport entre la mort du Christ et le salut, en resituant ces langages dans leur histoire. ? 1 M-C de Marliave – ne pas diffuser - réservé aux étudiants inscrits au cours de christologie du 1er cycle jour du Theologicum/ ICP 2020-2021. 1. Du scandale à la fécondité de la croix : le cheminement des premières communautés chrétiennes 1.1. Le scandale de la croix Qu’est-ce qu’un scandale ? Pourquoi parler du scandale de la croix ? Le scandale a un sens beaucoup plus fort dans la Bible que ce que nous en comprenons aujourd’hui. Quand nous disons que nous sommes scandalisés, nous disons que nous sommes indignés ou révoltés. On parle de scandale au sujet par exemple de comportements déviants ou irréguliers. Mais quand Paul (1 Co 1, 23) parle du scandale au sujet de la croix du Christ, il renvoie à quelque chose qui engage la vie, à quelque chose de dangereux pour l’homme : Dans la version grecque de la l’AT (la Septante) le mot grec de skandalon signifie le piège, la trappe, le filet destiné à capturer une proie. Ainsi dans le psaume 140, 5-6 : Garde-moi, Seigneur, des mains de l’impie, contre l’homme de violence défends-moi, ceux qui méditent de me faire trébucher, qui tendent un filet sous mes pieds, insolents qui m’ont caché une trappe et des lacets, m’ont posé des pièges au passage. (Ps140, 5- 6) Au sens figuré, le skandalon est l’obstacle ou la difficulté qui fait trébucher, qui interrompt la marche, le cheminement, un engagement, un choix de vie. Dans l’AT, les dieux étrangers qui risquent de détourner Israël de l’Alliance avec Dieu sont des scandales. Quand Jésus annonce l’expérience de rupture qui va frapper les disciples au moment de la crucifixion, il emploie le verbe dérivé du mot skandalon : Tous vous allez être scandalisés [skandalisthesesthe], car il est écrit : je frapperai le berger et les brebis seront dispersées. (Mc 14, 27) (*** traduction BJ modifiée) pour rendre compte de la force du mot, la BJ traduit : « tous vous allez succomber » ; la dernière édition de la TOB [2012] traduit : « tous vous allez tomber » (mais indique en note « littéralement : tous vous serez scandalisés ») La croix fait plus que choquer les disciples : elle est véritablement la cause d’une épreuve qui touche à la foi en Dieu et au rapport de Jésus avec Dieu. En un sens profond elle est pour les disciples, comme elle l’est d’abord pour Jésus, l’épreuve décisive, potentiellement mortelle. 2 M-C de Marliave – ne pas diffuser - réservé aux étudiants inscrits au cours de christologie du 1er cycle jour du Theologicum/ ICP 2020-2021. Nous avons dans l’évangile de saint Luc un témoignage important de l’accablement devant la croix, du scandale qu’elle est pour la foi naissante en Jésus : ainsi dans le récit d’Emmaüs en Luc 24 nous renseigne sur le choc et le désarroi des disciples : Prenant la parole, l’un d’eux nommé Cléophas, lui dit : « tu es bien le seul habitant de Jérusalem à ignorer ce qui est arrivé ces jours-ci ! » - « Quoi donc » leur dit-il. Ils lui dirent : « Ce qui concerne Jésus le Nazarénien, qui s’est montré un prophète puissant en œuvres et en paroles devant Dieu et devant tout le peuple, comment nos grands prêtres et nos chefs l’ont livré pour être condamné à mort et l’ont crucifié. Nous espérions, nous, que c’était lui qui allait délivrer Israël ! (Lc 24, 18-21) Jésus n’a pas été seulement mis à mort, il a été crucifié. La mise à mort de Jésus est déjà pour les disciples un scandale, au sens où elle fait trébucher leur espérance ; mas la mort de la croix redouble le scandale. L’aggravation du scandale de la mort du fait qu’elle est la mort sur une croix se lit dans l’hymne du chapitre 2 de la lettre aux Philippiens : « Il s’est abaissé, devenant obéissant jusqu’à la mort, à la mort sur une croix ». (Ph 2, 8) Nous venons après plus de 20 siècles au cours desquels la croix a été d’une certaine manière « apprivoisée ». Pour comprendre le redoublement du scandale que représente la croix par rapport à la condamnation à mort de Jésus, il faut revenir à ce qu’est la croix pour les disciples de Jésus. L’exégète dominicain Michel Gourgues a analysé les motifs culturels et religieux qui permettent de comprendre en quoi la croix est le scandale1 qui peut détourner de Dieu, faire tomber la foi. 1.2. Dans l’Empire romain, la croix est le supplice infamant réservé aux esclaves La littérature latine contient un certain nombre de témoignages au sujet du supplice de la croix et de la répugnance qu’il suscite. Le supplice de la croix est réservé aux esclaves dans l’empire romain. Il est non seulement cruel mais aussi infamant, honteux. Cicéron, le grand orateur romain qui a vécu au 1er siècle avant Jésus-Christ rend compte de la crucifixion d’un citoyen romain, soupçonné de conspiration lors de la révolte des esclaves menée par Spartacus en 71 av. JC. Il s’en prend à Verrès, dignitaire romain qui a condamné ce citoyen romain à la crucifixion : 1 Cf. Michel GOURGUES, Le crucifié, du scandale à l’exaltation, Paris, Mame Desclée, coll. Jésus et Jésus-Christ 38, nouvelle édition 2010, p. 13 3 M-C de Marliave – ne pas diffuser - réservé aux étudiants inscrits au cours de christologie du 1er cycle jour du Theologicum/ ICP 2020-2021. « En rappelant sa qualité de citoyen, il croyait fermement qu’il écarterait tous les coups et détournerait Verrès de le crucifier. Il ne réussit pas à éloigner la flagellation violente des verges, mais même lorsqu’il multipliait ses instances et se réclamait de son titre de citoyen, une croix, une croix, dis-je, était préparée pour comble de maux de cet infortuné. […] As-tu bien osé mettre en croix quelqu’un, bien qu’il se dît citoyen romain ? » Dans ce même texte, la croix est désignée comme le « supplice le plus cruel et le plus infamant qu’on inflige à des esclaves. »2 Il est le châtiment pour les esclaves criminels et vise à réprimer toute tentative d’agitation sociale. Il est le « servile supplicium ». D’autres témoignages, de Sénèque et de Flavius Josèphe au premier siècle, décrivent le supplice de la croix, en des termes terribles quant à la cruauté des souffrances et au caractère honteux de l’exhibition du supplicié. Le supplice de la croix, dont la pratique semble venir de Perse selon le témoignage de les historiens grecs Hérodote et Thucydide au 5e siècle av. JC, est courant dans l’empire romain à l’époque de Jésus. Réservé aux esclaves, les textes non chrétiens en soulignent l’atrocité et le caractère infamant. Mais la croix ne posait pas seulement problème pour des raisons culturelles et sociales uploads/Histoire/ christologie-cours-theologie-de-la-croix.pdf

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  • Publié le Dec 19, 2021
  • Catégorie History / Histoire
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