Chronologie israélite synchronisée (partie 2) La chronologie israélite, comme l
Chronologie israélite synchronisée (partie 2) La chronologie israélite, comme les autres chronologies moyen-orientales, ne peut être reconstituée qu'à partir des textes et des inscriptions. Dans la partie 1 plusieurs points controversés ont examinés, notamment deux questions: le texte biblique est-il un document historique et est-il fiable scientifiquement? La réponse par l'affirmative s'appuie sur les éléments suivants: 1) le texte biblique, recopié par les Massorètes, a été transmis avec une fiabilité exceptionnelle, 2) la confrontation des données historiques du texte biblique avec les témoignages archéologiques n'a révélé aucune contradiction, mais au contraire de nombreuses confirmations et 3) la confrontation des données scientifiques du texte biblique avec les sciences "dures" n'a révélé aucune contradiction (certaines théories scientifiques contredisent le récit biblique, mais ces théories se fondent en fait sur des interprétations cosmologiques, similaires aux cosmogonies des théologiens). La chronologie israélite bien qu'elle utilise de nombreuses données bibliques n'est pas une chronologie biblique. Il s'agit d'une chronologie scientifique qui s'appuie sur des synchronismes datés par l'astronomie et non d'une chronologie biblique qui, elle, est le fruit d'interprétations religieuses utilisant des synchronismes symboliques ou prophétiques. La démarche de l'historien est d'établir une chronologie ancrée sur des dates absolues, alors que la démarche du théologien est de valider des calculs eschatologiques déterminant les temps messianiques. Les deux démarches sont différentes car elles ne se réfèrent pas à la même autorité: la foi pour les religieux, la raison pour les scientifiques. Hippolyte de Rome (170-235), par exemple, calculait à son époque dans son traité Du Christ et de l'Antéchrist et son Commentaire de Daniel que le retour du Christ aurait lieu au bout de 6000 ans, soit en 500 de notre ère puisque, selon sa Bible (la Septante), Adam avait été créé en -5500. Ces calculs eschatologiques1 ont régulièrement été repris et améliorés par des conducteurs religieux célèbres: le rabbin Nahmanide (1194-1270) calculait, lui, une venue du Messie pour 13582; le cardinal Nicolas de Cues (1401-1464) fixait le retour du Christ pour 1702 et la fin des temps pour 1750; le pasteur Russell (1852-1916) pronostiquait un retour du Christ en 1874 et la fin des temps pour 1914. Tous ces calculs étant fondés sur des interprétations religieuses, ils n'ont donc pas de valeurs scientifiques mais permettent aux croyants de fortifier leur foi dans la "fin des temps" (Matthieu 24:3). 1 J. DELUMEAU – Mille ans de bonheur. Une histoire du paradis Paris 1995 Éd. Fayard pp. 26-32, 172-199, 401. 2 NAHMANIDE – La dispute de Barcelone Paris 1984 Éd. Verdier p.46. 2 APPROCHE SCIENTIFIQUE D'UNE CHRONOLOGIE ABSOLUE La démarche historique est bien résumée par Eusèbe de Césarée3 (265-340). Il rappelle le principe fondamental des historiens, inauguré par Hérodote: Ainsi, sur la chronologie du poète en question, je veux dire Homère, sur la dissension et le désaccord de ceux qui en ont parlé, que les spécialistes des recherches précises se contentent des opinions sur ces sujets; là en effet où boite la chronologie, impossible d'atteindre la vérité historique, et explique en détail sa méthode chronologique: De l'antiquité de Moïse et des prophètes ses successeurs, d'autres, en grand nombre, ont mis leur zèle à fournir la démonstration dans leurs écrits; je vais tout de suite en présenter les détails. Mais je prendrai une voie un peu différente de celles de mes devanciers et userai de la méthode que voici. On s'accorde à reconnaître un synchronisme entre l'époque de l'empereur romain Auguste et la naissance de notre Sauveur. Comme le Christ a inauguré la prédication de l'Évangile lors de la 15e année de Tibère César, si l'on voulait à partir de là additionner le nombre des années en remontant les temps jusqu'au roi des Perses Darius et à la restauration, vers son époque, du temple de Jérusalem, qui s'est faite après que le peuple juif fut revenu de Babylone, on trouverait, de Tibère à la 2e année de Darius, 548 ans. En effet, la 2e année de Darius rencontre la 1ère de la 65e olympiade [en -520], et la 15e année de Tibère César coïncide avec la 4e de la 201e olympiade [en 29]. Or, les olympiades qui séparent le Perse Darius de l'empereur romain Tibère, au nombre de 137 totalisent 548 ans, en comptant 4 années par olympiades. Et comme la 2e année de Darius était la 70e de la désolation du temple de Jérusalem, ainsi qu'il appert de l'histoire hébraïque, et en remontant encore, à partir de là, de cette 2e année de Darius à la 1ère olympiade [en -776], on compte 256 ans ou 64 olympiades (...) Maintenant, en remontant de la 1ère olympiade aux époques antérieures jusqu'à la prise d'Ilion [en -1184], tu trouveras en tout 408 ans, suivant le calcul des annales grecques. En remontant, chez les Hébreux, de la 50e année du roi des Juifs Ozias [en -760] à la 3e année du juge des Hébreux [L]Abdon [en -1168], tu compteras le nombre égal de 408 ans (...) En remontant de là pour obtenir le chiffre de 400 ans, tu trouverais chez les Hébreux Moïse [en -1584?]4, chez les grecs Cécrops (...) et en remontant encore de Moïse jusqu'à la 1ère année de la vie d'Abraham [en -2089?] tu trouveras 505 ans (...) Pour les Égyptiens, on a des chroniques exactes. Leurs caractères eurent pour interprète Ptolémée (non pas le roi, mais le prêtre de Mendès), qui, exposant l'histoire des rois, met sous le roi d'Égypte Amôsis [1530-1505] le voyage des Juifs depuis l'Égypte jusqu'aux terres qu'ils voulaient, sous la conduite de Moïse. Il s'exprime ainsi: ‘Amôsis était contemporain du roi Inachos’. Après lui, au IVe livre de ses Enquêtes égyptiennes (il y en a cinq), le célèbre grammairien dit entre autres, qu'‘Amôsis creusa les fondations d'Avaris au temps d'Inachos d'Argos, comme Ptolémée de Mendès le consigne dans sa Chronique. L'intervalle d'Inachos à la prise de Troie comprend 20 générations (...) Ainsi donc, si Moïse s'est avéré contemporain d'Inachos, il est antérieur de 400 ans à la geste d'Ilion. 3 EUSEBE DE CESAREE – La préparation évangélique X:9:1-10; X:11:5, 13-18 in: Sources chrétiennes n°369 (Cerf 1991) p. 439. 4 Le calcul semble partir de la prise de Troie, mais la valeur de 400 ans est obtenue d'une façon approchée (400 = 20x20). CHRONOLOGIE ISRAELITE SYNCHRONISEE 3 La méthode préconisée par Eusèbe donne donc d'excellents résultats, les dates obtenues étant cohérentes entre elles, car elles proviennent de synchronismes datés par les olympiades. De plus, le fait de partir du plus récent pour remonter au plus ancien est une démarche scientifique. Par contre, le système des olympiades, le seul système fiable disponible à cette époque, n'atteint pas la précision de l'astronomie et, de plus, il ne permet pas de remonter de façon rigoureuse au delà de -776. La méthode utilisée pour déterminer la chronologie israélite sera donc la suivante: Partir du plus récent pour remonter au plus ancien et ancrer chaque date sur des synchronismes. Choisir des synchronismes qui peuvent être datés dans plusieurs chronologies (au moins deux) et qui peuvent être validés par l'astronomie. La date de la mort de Jésus, par exemple, lors de l'éclipse de lune du vendredi 3 avril 33 (un vendredi 14 Nisan d'une année jubilaire), servira de point de départ de la chronologie israélite. Habituellement la chronologie est considérée comme l'œil de l'histoire mais, de façon surprenante, de nombreux égyptologues préfèrent évaluer l'historicité des textes bibliques à la lumière des étymologies populaires combinées à la psychanalyse freudienne. Ce n'est pas une démarche scientifique objective. Assman5 écrit, par exemple: J'ai toujours eu conscience du défi que représentait le livre de Freud pour l'égyptologie (…) L'objectif d'une étude d'histoire de la mémoire ne réside pas dans l'établissement d'une vérité potentielle des transmissions — en l'occurrence les différentes traditions qui appréhendent la figure de Moïse —; il s'agit bien plutôt d'étudier ces formes de transmission elles-mêmes en les considérant comme des manifestations de la mémoire collective, ou plutôt de la mémoire culturelle. Les souvenirs peuvent être faux, déformés, inventés ou implantés artificiellement comme l'ont montré de récents débats dans le domaine de la psychanalyse (...) J'ai baptisé “Moïse l'Égyptien” cette trace verticale de la mémoire que j'ai suivie depuis Akhenaton jusqu'au XXe siècle. Je ne cherche pas pour autant à poser la question de l'origine égyptienne, hébraïque ou madianite de Moïse, a fortiori pas à y répondre. Cette question concerne le Moïse historique, et c'est donc à l'histoire de la poser (…) Moïse l'Égyptien est un cas typique de contre histoire (…) il existe de bonnes raisons (et je crois en effet que ces raisons existent, mais c'est une autre histoire) à ce que Moïse, si jamais il a vraiment existé, ait réellement été égyptien. Assman fait référence, mais un critique a remarqué que: L'auteur s'oppose en leitmotiv à la prétention du monothéisme à s'ériger en vérité unique (...) l'égyptologue estime probable l'appartenance de Moïse à l'Egypte, sans pouvoir l'établir. Tout au plus note-t-il dans le dernier chapitre du livre —le seul qui mobilise ses compétences d'égyptologue au sens usuel du terme — de frappantes 5 J. ASSMAN – Moïse uploads/Histoire/ chrono-israelite2.pdf
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- Publié le Sep 16, 2021
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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