Journal des savants Le carnet de croquis et de voyage d'un architecte français

Journal des savants Le carnet de croquis et de voyage d'un architecte français du XIIIe siècle (Villard de Honnecourt) [Hans R. Hahnloser. Villard de Honnecourt. ] Hans R. Hahnloser. Villard de Honnecourt. Charles Samaran Citer ce document / Cite this document : Samaran Charles. Le carnet de croquis et de voyage d'un architecte français du XIIIe siècle (Villard de Honnecourt) [Hans R. Hahnloser. Villard de Honnecourt. ]. In: Journal des savants, 1973, n° pp. 241-256; https://www.persee.fr/doc/jds_0021-8103_1973_num_4_1_1288 Fichier pdf généré le 05/05/2018 LE CARNET DE CROQUIS ET DE VOYAGE D'UN ARCHITECTE FRANÇAIS DU XIII* SIÈCLE (VILLARD DE HONNECOURT). Hans R. Hahnloser. Villard de Honnecourt. Kritische Gesamtausgabe des Bauhiittenbuches ms. jr. içoç3 der Panser N ationalbibliothek. Zweite — revidierte und erweilete Auflage. Akademische Druck-u. Verlagan- stalt, Graz- Austria, 1972, in-40, 401 pages, 66 planches et 212 reproductions. C'est un manuscrit célèbre chez les historiens de l'art et des techniques médiévales. Il a, depuis près de deux siècles, fait couler beaucoup d'encre, en France d'abord, puis en Europe, en Amérique et jusqu'au Japon. Il n'a pas fini d'en faire couler, car il pose encore un certain nombre de problèmes, qu'évoquait encore récemment M. P. du Colombier dans Les Chantiers des cathédrales (voir l'article de M. Pierre Lavedan dans le Journal des savants de juillet-septembre 1973). * * * II s'agit d'un petit volume de 33 feuillets de parchemin (sur 41 qu'il comportait encore au quinzième siècle), couverts au recto et au verso, et parfois tête-bêche, de dessins à la plume émanant visiblement d'un architecte. Il provient du fonds de Saint-Germain-des-Prés, où il a porté le n° 1104 avant de prendre au dix-neuvième siècle le n° 19093 du fonds français de notre Bibliothèque nationale. Des notes explicatives en minuscule gothique du treizième siècle accompagnent beaucoup de ces dessins. Elles sont, en grand nombre, de la main même de l'auteur, « Villard de Honnecourt », qui s'est nommé dès le verso du premier feuillet. Elles sont en dialecte picard, ce qui n'a pas de quoi surprendre, Honnecourt étant un village situé non loin et au diocèse de Cambrai 1, sur la rive gauche de l'Escaut naissant, à la jonction (vers le temps de Philippe Auguste) des comtés de Hainaut, d'Artois et de Vermandois 2. 1. Aujourd'hui département du Nord, canton de Marcoing. 2. A. Longnon, Atlas historique de la France, 1882-1889. 242 CHARLES SAMARAN C'est une question de savoir si Villard était un roturier ayant pris le nom de son village natal ou s'il appartenait à la famille des seigneurs de Hon- necourt qui rendaient, semble-t-il, hommage aux comtes de Vermandois, avant la réunion de leur comté à la couronne sous Philippe Auguste 3. On peut se demander aussi comment ce recueil de dessins (surtout d'architecture) se trouvait au dix-septième siècle entre les mains d'André Félibien, architecte lui-même et historiographe de France, pour qui il semble avoir été comme un bien de famille 4. Villard de Honnecourt a été sûrement en son temps un constructeur en renom. Il a exercé son activité en France et dans certains pays étrangers dans la première moitié du treizième siècle. On ne peut, il est vrai, lui attribuer avec certitude la paternité d'aucun édifice 5 et les archives n'ont livré jusqu'à présent aucun acte public ou privé, aucune mention de compte le concernant. Par contre, nous savons, par son propre témoignage, qu'il s'est intéressé de près ou de loin à divers édifices religieux du nord de la France, et plus précisément à deux églises peu éloignées de son pays natal, à savoir la cathédrale de Cambrai et la très voisine église abbatiale de Vaucelles, où les seigneurs de Honnecourt avaient élu leur sépulture 6. De ses voyages à l'étranger, où il dit avoir passé « molt de temps », nous savons qu'il a séjourné en Suisse (à Lausanne) et en Hongrie, où il assure s'être attardé longuement. Quoi qu'il en soit, à divers moments de sa carrière internationale, Villard a eu l'heureuse idée de constituer, sous la forme d'un recueil de dessins ou de croquis annotés de sa main, une sorte de répertoire illustré des notions variées pouvant servir à un constructeur comme lui ou à des élèves (à supposer qu'il en ait eu) désirant s'initier à l'art de bâtir, d'orner et même de meubler des édifices religieux ou profanes. 3. Fououier-Chollet, Histoire des comtes de Vermandois, 1832, p. 214 ; E. Berle- mont, Histoire de V émancipation communale à Saint-Quentin et dans le Vermandois, 1873, p. 124. Deux chevaliers, Gautier de Honnecourt, père et fils, paraissent en 1168 dans le Chronicon Hanionense de Gislebert (éd. Pertz dans les Monumenta Germaniae, SS., t. XXI, p. 515). Un Guy de Honnecourt, seigneur de Lesdain, est bailli de Vermandois pour le roi de France Charles VI, de 1389 à 1394 (H. Waquet, Le bailliage de Vermandois aux treizième et quatorzième siècles, 1910, dans la liste des officiers royaux qui termine l'ouvrage. 4. Nous traiterons de cette question à l'Appendice, sous la rubrique : « Alessio Félibien, mon aiel ». 5. Aucun plan de son recueil n'est, d'ailleurs, revendiqué par lui, sauf celui d'un presbyterium non localisé, qu'il assure avoir ou réalisé (ou seulement dessiné) avec l'un de ses collègues, Pierre de Corbie. 6. Bulteau, Notice archéologique sur les anciennes abbayes d'Honnecourt et de Vaucelles, Lille, 1881, p. 98. VILLARD DE HONNECOURT 243 Mais donnons, sans plus tarder, à l'intention des lecteurs abordant pour la première fois ces problèmes, une vue succincte de la riche moisson ainsi recueillie par Villard de Honnecourt 7. 1. — Mécanique. Scierie hydraulique — scie à « receper » les pilotis — vis à lever les fardeaux — trébuchet (machine de guerre) — mécanisme pour faire tourner une statue sur elle-même dans un temps donné — mécanisme de l'aigle du lutrin — chaufferette à mains — chantepleure [entonnoir servant à transvaser des liquides, sorte de siphon]. 2. — Géométrie et trigonométrie pratique. Trouver le centre d'un cercle — déterminer la circonférence d'une colonne engagée — trouver le module d'une colonne appliquée dans une encoignure — faire un vase double en capacité d'un autre vase donné — décrire trois arcs différents avec un seul rayon — déterminer le point où tombera un fruit en se détachant de l'arbre — tracer l'aire d'un cloître — mesurer la largeur d'une rivière sans la passer — mesurer la hauteur d'une tour. 3. — Coupe des pierres et maçonnerie. Exécuter un modèle en terre avant de construire un arc — tailler des voussoirs d'après le modèle — tailler des voussoirs d'après d'autres méthodes — Trait de la clé du tiers et du quint point — Exemples de liaisons. 4. Charpente. Un pont de bois. — Méthode d'assemblage pour suppléer à la longueur des solives. — Méthode d'étaiement. — Combles en charpente. 5. — Dessins d' architecture (plans, élévations, coupes, profils). Salle dont la voûte repose sur un pilier central. — Plan d'une église en croix latine carrée. — Plan du chevet de Cambrai. — Plan d'un chevet d'église à double collatéral. — Plan du chevet de Saint-Étienne ou de Saint-Faron de Meaux. — Plan du chœur et du chevet de Vaucelles. — Études sur la cathédrale de Laon. — Rose du grand portail de Chartres. — Rose du portail méridional de Lausanne. — Études sur la cathédrale de Reims. 6. — Dessins d'ornement. Par exemple, des rosaces de feuillages figurant des visages d'hommes et de femmes. 7. — Dessins de la figure — Études d'après l'antique. — Études d'après la figure nue. — Études d'animaux. — Sujets religieux. — Sujets profanes d'après l'antique. — Sujets profanes du treizième siècle — Animaux symboliques. 7. En nous inspirant de la classification adoptée pour la première fois en France par Jules Quicherat dans son très important article de la Revue archéologique sur lequel nous reviendrons. 244 CHARLES SAMARAN 8. — Objets d'ameublement. Boîtier d'horloge. — Lutrin d'église, — Sièges de bois ou stalles. — « Esconce » ou lanterne à mettre les cierges. * Malgré l'intérêt évident d'un tel ensemble l'allusion faite à la fin du dix-septième siècle par André Félibien au manuscrit de Villard de Honnecourt 8 semble être restée longtemps sans écho. La première publication française du dix-neuvième siècle dans laquelle une certaine place lui est faite est celle de N. X. Willemin et A. Pottier intitulée Monuments français inédits pour servir à l'histoire des arts depuis le XVIe siècle jusqu'au commencement du XVIIe en trois volumes in-folio. Le premier volume, daté de 1825, comporte une planche (n° 102) donnant la reproduction au trait de trois images ou scènes tirées du manuscrit de Honnecourt : en haut, une tête couronnée de feuillages et un chevalier en train de monter à cheval, en bas, deux femmes, dont l'une, celle de gauche, tient dans sa main un oiseau. A la page 62 du même volume, on peut lire un court commentaire de ces images. Pour sommaire qu'elle fût, la notice de Willemin et Pottier attira l'attention du savant archéologue, excellent dessinateur aussi, Jules Quicherat, nommé depuis peu professeur à l'École des chartes. Après avoir étudié uploads/Histoire/ commentaires-sur-le-carnet-de-croquis-de-villard-de-honnecourt.pdf

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  • Publié le Oct 24, 2021
  • Catégorie History / Histoire
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