Élie FAURE (1873-1937) “ Introduction à la mystique du cinéma ” 1934 Un documen
Élie FAURE (1873-1937) “ Introduction à la mystique du cinéma ” 1934 Un document produit en version numérique dans le cadre de la collection: "Les classiques des sciences sociales" dirigée et fondée par Jean-Marie Tremblay, professeur de sociologie au Cégep de Chicoutimi Site web: http://www.uqac.uquebec.ca/zone30/Classiques_des_sciences_sociales/index.html Une collection développée en collaboration avec la Bibliothèque Paul-Émile-Boulet de l'Université du Québec à Chicoutimi Site web: http://bibliotheque.uqac.uquebec.ca/index.htm Élie Faure, « Introduction à la mystique du cinéma » (1934) 2 Un document produit en version numérique pour Les Classiques des sciences sociales à partir de : Élie Faure (1873-1937) « Introduction à la mystique du cinéma » (1934) Une édition électronique réalisée à partir du livre d’Élie Faure, Ombres solides (Essais d’esthétique concrète), Paris, éd. Edgar Malfère, coll. Perspectives, 1934, 213 pages. L’« Introduction à la mystique du cinéma » se trouve aux pages 168 à 189 de cet ouvrage. Polices de caractères utilisée : Pour le texte: Times New Roman, 12 points. Pour les notes de bas de page : Times New Roman, 10 points. Édition électronique réalisée avec le traitement de textes Microsoft Word 2001. Mise en page sur papier format LETTRE (US letter), 8.5’’ x 11’’) Édition complétée le 15 octobre 2002 à Chicoutimi, Québec. Élie Faure, « Introduction à la mystique du cinéma » (1934) 3 Table des matières “ Introduction à la mystique du cinéma ” Section I Section II Section II Section IV Élie Faure, « Introduction à la mystique du cinéma » (1934) 4 “ Introduction à la mystique du cinéma ” par Élie Faure (1934) I Retour à la table des matières Je ne puis désormais plus croire que la peinture, le plus individualiste de tous les arts reste capable, du moins en Europe, de présenter l’image d’une société qui évolue, d’un pas de plus en plus sûr, vers des modes anonymes et collectifs de production. Et comme l’expression a toujours été – et ne peut être – que la fille de la production, il faudra bien que nous finissions par en prendre notre parti. Ce serait, il me semble, assez facile, si nous nous péné- trions en même temps de cette idée que les grands courants humains ne peuvent et n’ont jamais pu se passer d’un langage spontanément imaginé pour exprimer le rythme spirituel qui les oriente jusqu’au jour où ils se l’intègrent au point de se confondre avec lui. Nous nous consolerions aisément de la rui- ne de la peinture, si nous réussissions à nous convaincre que la mystique en formation possède son double expressif, dont les débuts ont justement marqué l’apparition des premiers organes communs qui la manifestent. Le cinéma est à peu près contemporain de la fabrication en série, du moteur, de la radio- phonie, de la mécanisation universelle de la production, tous formes du pro- Élie Faure, « Introduction à la mystique du cinéma » (1934) 5 cessus de concentration diffusée – si je puis dire – qui succède sous nos yeux au règne hier encore légitime des méthodes individualistes qu’instaura la Renaissance. Il y a, entre le cinéma et les sociétés qui s’ébauchent avec notre complicité ou malgré notre résistance, les mêmes rapports qu’il y eut au moyen âge, pour ne pas remonter plus haut, entre l’architecture et la société dite chrétienne en Europe, entre l’architecture et la société dite bouddhique en Asie. Le film, comme le temple, est anonyme. Comme le temple, il tire son prin- cipe collectif de moyens financiers dépassant la capacité de l’individu, de la multitude des figurants qui font songer aux maçons et aux manœuvres, de ses acteurs qui répondent par leur mimique, après huit siècles, au geste des imagiers, de ses metteurs en scène et techniciens succédant aux maîtres d’œu- vres, des procédés standardisés et mécaniques qui trouveraient aisément leurs répondants dans le principe unique de la croisée d’ogive et des charpentes du vaisseau, et des foules mêlées et déferlantes pour qui l’un et l’autre sont faits. Jusqu’ici l’architecture est le seul art qui ait présenté tous ces caractères, com- me les fermentations qui agitent les sociétés humaines depuis la révolution française sont les seules à offrir avec les marées spirituelles du moyen âge une analogie réelle. Il a fallu, remarquez-le, un temps à peu près égal à celui qui nous sépare des premiers vagissements de la mystique révolutionnaire, pour permettre à la cathédrale d’affermir ses assises ensanglantées en des conflits qui rappellent les drames au milieu desquels sont nés et ont grandi les monu- ments sociaux de notre époque. Là, cristallisation graduelle de la dogmatique chrétienne, règne international d’une féodalité militaire en grande partie justi- fiée et poétisée par les Croisades, et l’une et l’autre combattues par la commu- ne insurrectionnelle que charpentent ses corporations. Ici, agitation philoso- phique et politique aboutissant aux constitutions démocratiques, règne interna- tional d’une féodalité économique un instant légitimée par la mise en valeur du globe, sa croisade, – ces deux formes d’activité suscitant dans les profon- deurs du peuple européen une série de révolutions de plus en plus solidaires des intérêts représentés par les associations du travail. En somme, entre le phénomène collectif apparu avec le cinéma et la radiophonie dans l’ordre scientifique et esthétique et le phénomène collectif apparu avec le syndicalis- me, le communisme, le standard et le trust dans l’ordre économique, existent un parallélisme aussi rigoureux et un accord aussi nécessaire qu’entre l’efflo- rescence de la grande architecture et la constitution de la société médiévale. Si le catholicisme a contribué à former celle-ci, c’est dans la mesure où l’Ency- clopédie, les systèmes socialisants et la science du dernier siècle ont contribué à orienter notre ère de révolutions. On m’objectera, je le sais, le caractère mystique de l’art médiéval. Je répondrai d’abord que l’architecture civile du moyen âge vaut son architecture religieuse et que l’élan corporatif est lié étroitement à l’élan des foules chrétiennes – voyez les halles d’Ypres, le pont de Cahors, le palais des papes d’Avignon. Ensuite, que ceux qui opposent la foi chrétienne à la passion révolutionnaire voient celle-ci du dehors, et que la Élie Faure, « Introduction à la mystique du cinéma » (1934) 6 soif de l’au delà n’est pas la caractéristique exclusive des mystiques. Toute espérance collective est une aspiration impétueuse à l’unité de Dieu. Il serait donc aussi vain de s’acharner à prétendre que la foi manque ici, que d’offrir comme tremplin à un nouvel élan mystique celui qui, au XIIe siècle, a fait bondir l’architecture du sol occidental. En présence d’un phéno- mène de cette envergure-là, les vieilles religions qui se proposent semblent des planches vermoulues – bien que repeintes de frais – où se cramponnent, quand le bateau sombre, ceux qui ne savent pas nager. Soyez tranquille, nous avons le temps, le cinéma commence à peine. La foi nouvelle trouvera en lui son cadre esthétique, comme le catholicisme a trouvé le sien dans les froides basiliques de Rome, que sa passion a peuplées, animées, tordues, soulevées en gerbes de flammes. La foi vient d’un accord obscur entre le développement intrinsèque de l’art lui-même et la mystique qu’il est appelé à servir. Les protestations que le cinéma suscite parmi nos classiques de l’avant-veille trou- veraient sans effort, parmi les théologiens du XIIe siècle, des frères et précur- seurs. Paul Souday anathématisait la symphonie visuelle au nom de la litté- rature et du théâtre, comme saint Bernard condamnait, au nom des « livres », les bas-reliefs qui couvraient les chapiteaux et les tympans. Ici, il faut écarter l’équivoque. Des amis sincères du cinéma n’ont vu en lui qu’un admirable « instrument de propagande ». Soit. Les pharisiens de la politique, de l’art, des lettres, des sciences même, trouveront dans le cinéma le plus fidèle des serviteurs jusqu’au jour où, par une introversion mécanique des rôles, il les asservira à son tour. Ce n’est pas du dehors, et par « le sujet » en soi que nous demandons au cinéma de faire notre éducation. C’est de sa nature même que nous attendons ce bienfait. Le cinéma est avant tout un révélateur inépuisable d e passages nouveaux, d’arabesques nouvelles, d’harmonies nouvelles entre les tons et les valeurs, les lumières et les ombres, les formes et les mouvements, la volonté et ses gestes, l’esprit et ses incarnations. Mais il est vrai que loin de les asservir, « le sujet » imposé ou suggéré à l’unanimité des artistes, à condition que la foi les anime, les a constamment libérés en épargnant à leur esprit des recherches inutiles et en précipitant toutes leurs res- sources intellectuelles et affectives vers la réalisation des images intérieures à qui ce « sujet » sert de cadre, de prétexte et de tremplin. L’individualiste ne peut souffrir de cet embrigadement en vue d’une œuvre collective que dans la mesure même où l’individu y grandit. Celui-ci se trouve, en effet, vis-à-vis de cette œuvre-là, – cinéma ou architecture – dans une situation analogue à celle de l’exécutant intégré dans la puissance anonyme de l’orchestre qu’il accroît en proportion directe de sa personnalité. Si le cinéma est mis au service d’un uploads/Histoire/ elie-faure-introduction-a-la-mystique-du-cinema 1 .pdf
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- Publié le Mai 28, 2021
- Catégorie History / Histoire
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