Lycée Joffre CULTURE ANTIQUE M. Louyest Lettres supérieures « Le pouvoir » 2020
Lycée Joffre CULTURE ANTIQUE M. Louyest Lettres supérieures « Le pouvoir » 2020-2021 b. L’Empire romain (fin) Laissons en Orient le roi du Pont, Mithridate – qui tenta finalement, pour éviter la captivité, de s’empoisonner, mais il était insensible au poison à force de prendre des antidotes… – et gagnons une autre extrémité de l’Empire romain, la « Bretagne ». César y avait fait deux brèves incursions, mais c’est l’empereur Claude qui l’envahit en 43. Londinium (Londres) fut fondée peu après (en 47), saccagée une quinzaine d’années plus tard par une femme, Boudicca (Boadicée), qui avait aussi mis à sac Camulodunum (Colchester), à la tête d’une armée représentant plusieurs tribus bretonnes. Par la suite, les Romains décimèrent les insurgés au cours d’une grande bataille (en 61) : Tacite parle de 70 000 morts du côté breton. L’une de nos sources sur la Bretagne est la Vie d’Agricola de Tacite. Cet historien originaire de Gaule Narbonnaise – connu surtout pour les Histoires (sur les années 69 à 96) et les Annales (sur les années 14 à 68) – commença sa carrière sénatoriale sous Vespasien et, malgré ses difficultés sous le règne despotique de Domitien (81-96), dut pourtant à ce dernier son avancement, avant de devenir gouverneur d’Asie en 112. Son ami Pline le Jeune s’enorgueillissait d’être considéré comme son égal. La Vie d’Agricola (98) est un panégyrique de son beau-père, dont il évoque les hauts faits et l’intégrité. Agricola était tribun militaire en Bretagne à l’époque de la révolte de Boudicca ; il devint gouverneur d’Aquitaine, consul, et revint en Bretagne en tant que gouverneur en 78. Il pacifia le pays et étendit la domination romaine vers la Calédonie (Écosse). Tacite rapporte le discours d’un chef calédonien (TEXTE N°7), Calgacus exhortant ses troupes avant une bataille contre Agricola – la bataille du Mont Grampian en 84. Certaines expressions de cette harangue sont restées célèbres : « tout ce qui est inconnu est magnifié » (omne ignotum pro magnifico est), ou encore « lorsqu’ils font le vide, ils disent qu’ils pacifient » (ubi solitudinem faciunt, pacem appellant). Ce morceau de bravoure peut être rapproché du discours de l’Arverne Critognatus pendant le siège d’Alésia, dans la Guerre des Gaules1, et surtout de la lettre de Mithridate à Arsace (texte de Salluste vu précédemment), dont Tacite s’inspire clairement. On retrouve, comme dans les autres textes, l’accusation selon laquelle les Romains seraient mus par un désir irrépressible de richesse et de pouvoir – « cupidité » et « tyrannie ». L’élan insatiable des Romains les conduit à vouloir s’emparer, dans la violence, du monde habité dans sa totalité. Cette rhétorique de la conquête destructrice, par des Romains avides de vols et de tueries, vient justifier la lutte contre une domination décrite comme un asservissement. Surtout, la position géographique des Calédoniens – entre la fin des terres et la menace d’invasion – permet à Calgacus de se dresser comme un ultime rempart pour revendiquer avec courage cette liberté des « derniers hommes libres », refusant de « s’effa[cer] dans l’obéissance ». Il ne faudrait pas voir dans ce texte une critique de l’impérialisme romain par l’historien. Le chef calédonien acculé au combat tient nécessairement des propos destinés à exalter ses soldats et à exciter leur haine du Romain. En fait, ce personnage pourrait même être fictif : Calgacus a peut-être été imaginé par Tacite pour camper un adversaire digne d’Agricola. L’historien orchestre cet épisode de la bataille de mont Grampian, pour en faire une lutte cruciale contre une coalition de toutes les tribus. Tout comme César2, Tacite ne fausse pas vraiment les faits, mais les déforme par l’éclairage qu’il leur donne. Du reste, la victoire romaine du mont Grampian n’aboutira à rien, puisqu’Agricola ne pourra pas se maintenir en Calédonie, ce que l’historien présente comme un simple retour dans les quartiers d’hiver… 1. César, Guerre des Gaules, 7, 77 : « Les Romains […] veulent-ils autre chose que de soumettre à un joug éternel des peuples dont la renommée leur a fait connaître la gloire et la valeur, et de se fixer dans nos campagnes et nos villes ? Ils n’ont jamais eu d’autre but dans leurs guerres. […] Considérez la partie de la Gaule qui vous touche : réduite en province […], elle est soumise à la hache, et elle gémit dans une servitude sans terme. » 2 M. Rambaud, L’art de la déformation historique dans les Commentaires de César, 1966. uploads/Histoire/ culture-antique-semaine-du-26-avril.pdf
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- Publié le Fev 16, 2021
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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