A LA RECHERCHE DE L'IMAGINAIRE DES ÉPURÉS............................7 Table de
A LA RECHERCHE DE L'IMAGINAIRE DES ÉPURÉS............................7 Table des matières............................................................................................40 DIALOGUE DE « VAINCUS ».......................................................................43 Table des matières............................................................................................235 Les notes de bas de page du Dialogue de vaincus précédées du symbole ◊ sont de Robert Belot. Les chiffres entre crochets au sein du texte indiquent le numéro de page de l'édition originelle. Robert Belot A LA RECHERCHE DE L'IMAGINAIRE DES ÉPURÉS : Révélations et enjeux d'un document inédit Sur l'imaginaire de ceux que la Libération a sanctionnés en raison de leur engagement au service de la cause de la Collaboration, et qui se sont eux-mêmes proclamés « vaincus », nous sommes un peu condamnés à imaginer. Jusqu'à une date assez récente, ils n'ont guère eu la possibilité de s'exprimer publiquement et leur tardive reprise de parole n'a pris généralement la forme que d'un plaidoyer pro domo, leurs livres celle d'un mémoire en défense politique. Parole suspecte, car rétroactive et tactique, généralement en vue d'un dédouanement et d'un procès en réhabilitation. En ce sens, elle ne permet pas de saisir intimement les sentiments qui ont été ceux des « vaincus » au moment où ils purgeaient leur peine ou subissaient leur ostracisme, c'est-à-dire juste après le verdict de l'Histoire. Que pensent-ils d'eux-mêmes ? Comment perçoivent-ils leur engagement passé et sa sanction ? Quel avenir s'imaginent-ils ? Comment regardent-ils le monde qui semble se faire sans eux ? Le rejet massif et sans appel que les « vaincus » ont subi à cette époque a naturellement fait qu'ils ont été ignorés, néantisés par la mythologie « résistantialiste » triomphante de la Libération. Mais l'historien ne peut pas faire l'impasse sur ces questions. Nous sommes en présence d'une réelle méconnaissance, supposant un déni de réalité, tout ce qui fait la faiblesse générale des histoires de l'extrême droite tentées jusqu'ici. Les vaincus eux-mêmes, du moins tant qu'ils sont en prison ou en exil, sont aussi condamnés à imaginer la nouvelle société qui se met en place autour d'eux, sans eux, contre eux : ils vivent un rapport imaginaire au monde, centré sur le ressassement de leur passé. C'est de ce rapport et de ce moment dont il est question ici. Un document inédit, rédigé en prison, nous permet d'en savoir plus sur le paysage intérieur de deux figures emblématiques des écrivains qui se sont 7 inconditionnellement engagés au service de la Collaboration : Pierre-Antoine Cousteau et Lucien Rebatet. Les [7] deux hommes, hérauts de l'hebdomadaire collaborationniste Je suis Partout (40 000 exemplaires en 1941 à 300 000 exemplaires 1944), qui ont tenu le haut du pavé pendant l'Occupation, se retrouvent à la centrale de Clairvaux, purgeant une peine de perpétuité après l'Epuration qui les avait condamnés à mort. Ensemble, ils écrivent un dialogue où ils se mettent à nu, librement, sincèrement, avec une complicité amicale. La publication de ce document est donc un événement. I.VOIES ET MOYENS D'ACCÈS À UNE PAROLE INTERDITE I. UN PROBLÈME DE MÉTHODE ET DE SOURCES : PÉRIODISATION D'UNE REPRISE DE PAROLE Une question préalable de méthode se pose, redoutable pour l'historien: comment s'aventurer dans l'imaginaire des épurés, comment accéder à une parole qui ne serait pas sur la défensive ? Un problème qui évolue dans le temps On peut distinguer plusieurs moments dans l'histoire de l'après-guerre des épurés, dans le processus de leur reprise de parole. La première, qui court jusqu'à la crise algérienne, est caractérisée par un « black-out » complet. Quelques structures d'accueil se mettent en place, dans la presse notamment, avec les Ecrits de Paris (1947) et Rivarol (1951). Mais les conditions de vie sont précaires, la diffusion de ces organes restreinte. Nombre d'acteurs sont d'ailleurs en prison ou en exil. Le poids de la disqualification morale est encore trop fort pour que cette catégorie de rescapés survive autrement que de manière marginale. La deuxième période coïncide avec le retour au pouvoir du général de Gaulle et, surtout, la crise algérienne. L'antigaullisme permet l'organisation d'un front du refus qui fédère des tendances hétéroclites et voit la rencontre conjoncturelle de familles politiques opposées ; le rejet de De Gaulle donne l'occasion aux vaincus de se repositionner sur le débat public et de s'engager dans des stratégies de sortie d'ostracisme, tout en renouant avec un discours, fondé sur la haine du gaullisme, qui leur était familier sous l'Occupation. C'est Lucien Rebatet qui, à Rivarol où il reprend du service en 1958, s'associe à Mitterrand contre de Gaulle lors de l'élection présidentielle de 19651. A l'exception notable de François Mauriac, [8] peu d'intellectuels, alors, s'émeuvent de cette étrange conjonction des contraires qui a un effet de relégitimation indirecte pour les « vaincus », relégitimation qui touche 1 L. Rebatet, «Le parallèle sempiternel », Rivarol, 4 septembre 1958 ; Id., «Antigaullisme inconditionnel», Rivarol, 5 novembre 1959 ; Id., «Le 13 décembre et le 13 janvier», Rivarol, 21 janvier 1960 ; Id., « L'idole est par terre, mais elle peut nuire encore », Rivarol, 9 décembre 1965 ; Id., « Un seul objectif : abattre de Gaulle », Rivarol, 16 décembre 1965. Sur ce qu'il pense de F. Mitterrand, on lira : L. Rebatet, « Les quatre contre de Gaulle », Rivarol, 25 novembre et 2 décembre 1965 ; Id., « Les décombres du gaullisme », Rivarol, 8 mai 1969. 8 naturellement moins leurs idées du temps de guerre que la modalité particulière de leur réintervention à partir des thèmes (avalisés à gauche) développés (comme l'antigaullisme). Il n'empêche que, par ce biais, leur retour sur la scène du débat national n'est pas vécu comme un scandale. La troisième période, qui couvre la décennie 70, correspond à une sorte de dégel, de désenclavement. L'antigaullisme a joué un rôle désinhibiteur. A présent, il ne s'agit plus d'évacuer le passé au nom des nouveaux engagements du moment, mais de l'appréhender en tant que tel grâce à un air du temps propice car marqué par une sorte de phénomène de « fascination répulsive »1 pour l'époque de l'Occupation. Ce nouveau mode d'intervention s'opère par le biais des mémoires où le passif du passé est évoqué et même revendiqué. C'est par exemple le cas de Christian de la Mazière qui publie Le Rêveur casqué (1971), ou de Rebatet qui entreprend en 1969, après une carrière littéraire commencée en 1952 avec le monumental Les Deux Etendards2, la rédaction de ses Mémoires d'un fasciste3 publiés posthumement en 1976. Dans la foulée du film « Le Chagrin et la Pitié », se développe parallèlement une interrogation historienne qui tente de poser en objet d'étude l'Occupation, Vichy et la question du fascisme français, histoire longtemps refoulée par une mémoire dominante trop imprégnée de la geste héroïque de la Résistance. Sincère volonté de savoir et de démystification ; mais parfois fascination rétromaniaque ambiguë. C'est le moment aussi où certains, issus de la-génération-qui-n'a-pas-connu-la- guerre, ne craignent pas d'exciper d'une certaine filiation intellectuelle avec le fascisme aux couleurs de la France occupée. Il en est ainsi de la « nouvelle droite » (le GRECE est créé en 1969), transformant certains « vaincus » – comme le fasciste antichrétien Rebatet – en figures tutélaires, et incorporant dans sa [9] « stratégie culturelle »4 ce qui peut nourrir une vision du monde néopaïenne5. 1 Pascal Ory, Les Collaborateurs. 1939-1945, Paris, Le Seuil, 1976 (rééd.), p. V. 2 Paris, Gallimard, 1952. 3 Les Mémoires d'un fasciste, t. I, « Les Décombres » ; t. II, « 1941-1947 », Paris, Jean-Jacques Pauvert, 1976. Rebatet avait lui-même choisi le titre de ce livre paru de manière posthume, et dont le tome I propose une version expurgée des Décombres. Un passage violemment antisémite, « Le ghetto », n'y figure pas. Il est repris en document à la suite de l'étude de Robert Belot « Lucien Rebatet ou l'antisémitisme comme événement littéraire » in Pierre-André Taguieff (dir.), L'Antisémitisme de plume, 1940-1944. Etudes et documents, Paris, Berg International Editeurs, 1999, pp. 228-231. 4 Voir à ce sujet : Pierre-André Taguieff, « La stratégie culturelle de la “Nouvelle droite” en France (1968- 1983) », in Vous avez dit fascismes ?, Paris, Arthaud/Montalba, 1984, pp. 13-152 ; Id., Sur la Nouvelle droite, Paris, Descartes et Cie, 1994. 5 « Vers de nouvelles convergences », entretien avec Alain de Benoist par Michel Marmin, Eléments, hiver 1985, n° 56, p. 17 ; Christophe Chesnot, « Les Deux Etendards de L. Rebatet, ou l'impossible exigence du sacré », Nouvelle Ecole, n° 46, automne 1990, pp. 11-31. Relevons que ce même numéro publie la publicité d'une revue dirigée par Philippe Baillet et qui se dit « résolument hostile à la gigantesque vacuité du monde moderne » ; cette revue s'intitule : Les Deux Etendards... 9 Moyens d'accès L'accès aux deux dernières périodes est relativement aisé, puisque la prise de parole est publique. Mais il convient d'entretenir, sinon une méfiance, du moins un doute méthodique vis-à-vis des récits postérieurs de la troisième période, rédigés 30 ans après les événements, et qui s'organisent toujours autour de stratégies de réhabilitation. L'accès à la première période, la plus intéressante parce que la moins connue et la plus proche des événements, est uploads/Histoire/ dialogue-de-vaincus.pdf
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- Publié le Jan 28, 2022
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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