écoutervoir 15 n°136•avril 2003 L'épopée du trombone Miff Mole. © BBC / Jazz Cl

écoutervoir 15 n°136•avril 2003 L'épopée du trombone Miff Mole. © BBC / Jazz Classic D O S S I E R T R O M B O N E Dans la famille des cuivres, le trombone occupe une place toute particulière, offrant à l'instrumentiste un large choix d'effets. L'instrument est puissant, raffiné aussi. Sa dynamique va des sons lointains "aigre- doux" avec des effets de sourdines cares- santes à des sons faisant tout à coup trem- bler les pupitres : d'une grande douceur quand il est joué "piano", il impose une force impressionnante dans les "forte". PA R N O Ë L L O P E Z « LE TROMBONE EST, à mon sens, le véritable chef de cette race d'instruments à vent que j'ai qualifiée d'épique. Il possède en effet au suprême degré la noblesse et la grandeur, il a tous les accents graves ou forts de la haute poésie musicale depuis l'accent reli- gieux, imposant et calme, jusqu'aux clameurs for- cenées de l'orgie. Il dépend du compositeur de le faire tour à tour chanter comme un choeur de prêtres, menacer, gémir sourdement, murmurer un glas funèbre, entonner un hymne de gloire, éclater en hor- ribles cris...» : Hector Berlioz dans son Traité d'instru- mentation et d'orchestration. L'instrument Le trombone fait partie intégrante de la famille des cuivres. Il est donc en métal (le matériau de base utilisé est le laiton), à perce cylindro-conique. Il est rarement à piston et plus communément à coulisse. Il est com- posé de quatre parties essentielles : le pavillon, la branche d'embouchure, l'embouchure et la coulisse. Grâce à cette coulisse, le trombone est d'une longueur modulable (soixante centimètres de long en position fermée et le double lorsqu'elle est entièrement déployée), ce qui lui permet de produire sept séries de sons descendant de demi-ton en demi-ton sur quatre octaves (voire cinq au maximum) avec un écart de 1,25 centimètre équivalent à un septième de demi-ton (les positions devant être trouvées au juger). Cette particu- larité a fait du trombone le premier cuivre pouvant émettre toute les notes de l'échelle chromatique. Le trombone a la possibilité d'ajuster son intonation aux 16 écoutervoir n°136•avril 2003 circonstances et la coulisse lui permet de surcroît de faire des glissandi à volonté et des legatos très coulés. En prenant connaissance de ces descriptions tech- niques, on peut, d'emblée, penser que l'instrument est d'un concept alambiqué. Pourtant, le trombone est d'une facture extrêmement simple et à l'exception de quelques modifications concernant sa perce, l'envergu- re de son pavillon et l'agrandissement de son embou- chure, il est aujourd'hui quasiment tel que celui qu'on utilisait au quinzième siècle. Il s'agit en effet tout sim- plement d'une trompette basse naturelle modifiée. D'ailleurs, le trombone appartient à cette très ancienne famille d'instruments. Les premières indications histo- riques mentionnant son existence dateraient d'un manuscrit boulonnais du IXème siècle. Dans les faits, il a été importé en tant que trompette longue d'Orient en Europe de l'ouest. Au XIIIème siècle, pour étendre sa tes- siture, les facteurs ont allongé son tuyau et l'on courbé en forme de "S". L'inconnu qui eut l'idée, au Moyen Age, de recourber l'encombrant tuyau, en sorte que la partie postérieure de l'instrument passe derrière l'épau- le de l'exécutant, a préparé la voie à l'invention capitale de la coulisse. Dans sa forme quasi actuelle, le trombo- ne a vu le jour vers 1440, probablement en Italie, tout comme son parent, la trompette à coulisse. Il figure d'ailleurs sur une toile de Matteo Giovanna, une peintu- re réalisée vers 1495. A cette époque, la facture du trombone (aujourd'hui appelé "baroque") en faisait un instrument léger avec ses parois minces, ses percements étroits, son embouchure plate et son pavillon étroit. Ce n'est qu'au XIXème siècle que le trombone a commencé à prendre de l'envergure pour s'adapter à l'orchestre sym- phonique et à l'ensemble des autres vents. La famille du trombone compte cinq instruments diffé- rents (soprano, alto, ténor, basse et contrebasse). Ils furent tous employés à un moment ou à un autre au long de l'histoire de la musique. Depuis le XIXème siècle, on pratique essentiellement le trombone ténor (en si bémol) quoique l'alto (en mi bémol) fut plus reconnu au XVIIIème siècle en tant que soliste. Tous les concertos de cette époque furent écrits pour lui et beaucoup de symphonies du XIXème siècle, y compris celles de Schubert, Schumann, Brahms, Dvorak et Tchaïkovski ont continué à l'utiliser dans l'orchestre. Il est d'ailleurs toujours fabriqué en Allemagne et cer- tains instrumentistes aiment à l'employer dans des oeuvres anciennes pour obtenir des effets plus équili- brés dans les parties aiguës. Au XIXème siècle, quelques bouleversements ont été occasionnés par la mise au point du système de pistons grâce aux applications d'un certains Adolphe Sax. L'instrument a connu un réel succès avant d'être abandonné à cause de la com- plexité de sa pratique malgré un gain de virtuosité. Actuellement, la plupart des musiciens ont adopté le trombone à coulisse, dit complet, qui est un trombone ténor auquel on peut ajouter une longueur de tube descendant d'un intervalle d'une quarte à l'aide d'une noix (une sorte de barillet actionné par une clé au pouce gauche). Les différents membres de la famille des trombones ont été peu à peu redécouverts grâce au regain d'intérêt pour la musique baroque qui est appa- ru depuis une vingtaine d'années. Le trombone est d'une grande souplesse qui lui per- met des variations de timbres d'une richesse presque inégalée, s'appuyant sur un son lumineux, éblouis- sant, violent parfois. Son nom actuel vient de l'italien "tromba" (trompette) et de l'ajout du suffixe additionnel "one" : soit "gran- de trompette". Mais au XVème siècle, en France, le trombone est appelé sacqueboute : de l'association des verbes "saquer" (tirer) et "bouter" (pousser). Termes imagés illustrant les mouvements du bras droit du sacqueboutier. En Angleterre (sans doute par emprunt à la France) on utilisait les termes de "sayke- bud", "shagbold" ou "shakbusshes" ou "sackbut" alors que son appellation en Espagne fut "saccabucha" et qu'au Portugal on employait le vocable de "saca- buxa". En Allemagne, le trombone était dit "bûsine" (du latin buccina), successivement déformé en "buzaun" puis en "posaume" : terme toujours usuel dans les orchestre d'Outre-rhin. C'est au tournant du XVIème et du XVIIème siècles que la sacqueboute sera appelée trombone partout dans le monde à l'excep- tion de l'Allemagne (pausaume) et de la Suède où il se dit "dragbasun" (littéralement trompette à coulisse). On pense que les premiers trombones ont été élaborés soit dans la région située vers l'Italie du Nord ou dans le sud de la France, soit en Flandre. Le premier facteur reconnu est Allemand. Il se nomme Hans Neuschel (mort en 1501). En dehors de ses activités de facteur, il était aussi tromboniste à la cour de Nuremberg pour l'Empereur Maximilien Ier. Il est considéré comme le fondateur de l'école de facture de la ville dont la supré- matie en Europe durera jusqu'au XIXème siècle. Les fac- teurs de trompettes et de trombones de Nuremberg fournissaient en instruments l'Allemagne aussi bien que l'Italie et la France. Il existe encore plus de cin- quante de leurs trombones à travers le monde, datant de la période 1550-1650, pour la plupart des ténors et un nombre assez important de basses, mais assez peu d'altos. Dès le début du XVIIIème siècle, la facture ins- trumentale s'est développée dans plusieurs centres, dont Vienne, mettant fin à la suprématie des artisans de l'école de Nuremberg. Au fil des siècles, les facteurs d'instruments l'ont peu à peu amélioré, perfectionné. Sa sonorité est devenue plus large, la rapidité de jeu plus grande. Les recherches des fabriques françaises (Selmer, Courtois), comme japonaises (Yamaha) ou américaines (Bach, King, Holton, Conn), pour ne citer qu'eux, ont abouti à la naissance d'instruments dont la sonorité et la puissance sont aujourd'hui à l'unisson de la demande des compositeurs. L'emploi du trombone Il est particulièrement intéressant d'observer l'évolu- tion de l'utilisation du trombone au cours des siècles. Le trombone est assurément un instrument au singu- lier destin : l'un des plus ancien et des plus utilisé dès ses origines et présent d'une façon ou d'une autre tout au long de l'histoire de la musique, il a pourtant joué très longtemps un rôle secondaire, sans pratiquement jamais tenir le premier rôle dans l'orchestre. Pourquoi, D O S S I E R T R O M B O N E © Adda French Bel Canto (Benny Sluchin) Adda écoutervoir 17 n°136•avril 2003 malgré une histoire ayant bien des points en commun avec celles de la trompette et du cor, n'a t'il pas en tant qu'instrument soliste donné lieu à un vrai répertoire et cela en dépit d'une tessiture chromatique complète et d'une facture techniquement fiable ? Le mystère subsis- te entier et semble a priori parfaitement inexplicable. On peut cependant émettre quelques raisonnements. Peut-être a t'il souffert d'une image des enfers, de la mort, des funérailles que lui a collé son association avec les rites de l'église et de la liturgie ? Instrument reflétant le prestige et la majesté uploads/Histoire/ dossier-trombone.pdf

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  • Publié le Dec 28, 2021
  • Catégorie History / Histoire
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