Philippe Ariès L ’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime 1 Table des m

Philippe Ariès L ’enfant et la vie familiale sous l’Ancien Régime 1 Table des matières Préface......................................................................................4 1. Le sentiment de l'enfance...................................................30 1. Les âges de la vie............................................................30 2. La découverte de l’enfance.............................................56 3. L ’habit des enfants...........................................................79 4. Petite contribution à l'histoire des jeux..........................94 5. De l'impudeur à l’innocence.........................................149 Conclusion. Les deux sentiments de l’enfance.................188 2. La vie scolastique..............................................................200 1. Jeunes et vieux écoliers du Moyen Âge.........................200 2. Une institution nouvelle : le collège..............................204 3. Origines des classes scolaires.......................................206 4. Les âges des écoliers....................................................208 5. Les progrès de la discipline..........................................211 6. Les « petites écoles »....................................................216 7. La rudesse de l’enfance écolière...................................217 Conclusion. L école et la durée de l'enfance....................218 3. La famille..........................................................................229 1. Les images de la famille................................................229 2. De la famille médiévale à la famille moderne...............266 Conclusion. Famille et sociabilité.....................................326 Conclusion............................................................................330 Préface On dit que l’arbre cache la forêt, mais le temps merveilleux de la recherche reste celui où l’historien commence juste à imaginer la vue d’ensemble, quand la brume n’a pas fini de se déchirer qui voile les horizons lointains, tant qu'il n’a pas pris trop de distance avec le détail des documents bruts, et que ceux-ci conservent encore toute leur fraîcheur. Son meilleur mérite est peut-être moins de défendre une thèse, que de communiquer aux lecteurs la joie de sa découverte, de les rendre sensibles, comme il l’a été lui-même, aux couleurs et aux senteurs des choses inconnues. Mais il a aussi l’ambition d’organiser tous ces détails concrets en une structure abstraite, et il a toujours du mal (heureusement !) à se dégager du fouillis des impressions qui l’ont sollicité dans sa quête aventureuse, il reste malhabile à les plier tout de suite à l’algèbre pourtant nécessaire d’une théorie. Longtemps après, au moment de la réédition, le temps a passé emportant avec lui l’émotion de ce premier contact, mais apportant en revanche une compensation : on voit mieux la forêt. Aujourd'hui, à la suite des débats contemporains sur l’enfant, la famille, la jeunesse, et de l’usage qui a été fait de mon livre, je vois mieux, c’est-à-dire de manière plus tranchée et plus simplifiée, les thèses que m’a inspirées un long dialogue avec les choses. Je les résumerai ici, en les ramenant à deux. 3 Préface La première concerne d’abord notre vieille société traditionnelle. J’ai soutenu que celle-ci se représentait mal l’enfant, et encore plus mal l’adolescent. La durée de l’enfance était réduite à sa période la plus fragile, quand le petit d’homme ne parvenait pas à se suffire ; l’enfant alors, à peine physiquement débrouillé, était au plus tôt mêlé aux adultes, partageait leurs travaux et leurs jeux. De très petit enfant, il devenait tout de suite un homme jeune, sans passer par les étapes de la jeunesse, qui étaient peut-être pratiquées avant le Moyen Âge et qui sont devenues des aspects essentiels des sociétés évoluées d’aujourd’hui. La transmission des valeurs et des savoirs, et plus généralement la socialisation de l'enfant, n’étaient donc pas assurées par la famille, ni contrôlées par elle. L ’enfant s’éloignait vite de ses parents, et on peut dire que, pendant des siècles, l’éducation a été assurée par l'apprentissage grâce à la coexistence de l'enfant ou du jeune homme et des adultes. Il apprenait les choses qu’il fallait savoir en aidant les adultes à les faire. Le passage de l’enfant dans la famille et dans la société était trop bref et trop insignifiant pour qu’il ait eu le temps et une raison de forcer la mémoire et de toucher la sensibilité. Cependant, un sentiment superficiel de l’enfant — que j’ai appelé le « mignotage » — était réservé aux toutes premières années, quand l'enfant était une petite chose drôle. On s’amusait avec lui comme avec un animal, un petit singe impudique. S'il mourait alors, comme cela arrivait souvent, quelques-uns pouvaient s'en désoler, mais la règle générale était qu’on n’y prit pas trop garde, un autre le remplacerait bientôt. Il ne sortait pas d’une sorte d’anonymat. Venait-il à surmonter les premiers périls, à survivre au temps du mignotage, il arrivait souvent qu’il vivait ailleurs que dans sa famille. Cette famille était composée du couple et des enfants qui restaient avec lui : je ne pense pas que la famille étendue (à plusieurs générations ou à plusieurs groupes collatéraux) ait jamais existé 4 Préface ailleurs que dans l’imagination des moralistes comme Alberti dans la Florence du XVe siècle, ou comme les sociologues traditionalistes français du XIXe siècle, sauf à certaines époques d’insécurité quand le lignage devait se substituer à la puissance publique défaillante, et dans certaines conditions économico-juridiques. (Par exemple dans des régions méditerranéennes, peut-être là où le droit d’avantager complètement l’un des enfants favorisait la cohabitation.) Cette famille ancienne avait pour mission très ressentie la conservation des biens, la pratique commune d'un métier, l’entraide quotidienne dans un monde où un homme et plus encore une femme isolés ne pouvaient pas survivre, et dans les cas de crise, la protection de l’honneur et des vies. Elle n’avait pas de fonction affective. Cela ne veut pas dire que l'amour était toujours absent : il est au contraire souvent reconnaissable, parfois dès les fiançailles, plus généralement après le mariage, créé et entretenu par la vie commune, comme dans le cas du ménage du duc de Saint-Simon. Mais (et c’est cela qui importe) le sentiment entre les époux, entre parents et enfants, n’était pas nécessaire à l’existence ni à l’équilibre de la famille : tant mieux s’il venait par surcroît. Les échanges affectifs et les communications sociales étaient donc assurés en dehors de la famille, par un « milieu » très dense et très chaud, composé de voisins, d'amis, de maîtres et serviteurs, d’enfants et de vieillards, de femmes et d'hommes où l'inclination jouait sans trop de contrainte. Les familles conjugales y étaient diluées. Les historiens français appellent aujourd’hui « sociabilité » cette propension des communautés traditionnelles aux rencontres, aux fréquentations, aux fêtes. Voilà comment je vois nos vieilles sociétés, différentes à la fois de celles que nous décrivent aujourd’hui les ethnologues et de nos sociétés industrielles. *** 5 Préface Ma première thèse est un essai d’interprétation des sociétés traditionnelles, la seconde veut montrer la place nouvelle prise par l’enfant et la famille dans nos sociétés industrielles. À partir d’une certaine période (problème obsédant d’origine sur lequel je reviendrai), en tout cas d’une manière définitive et impérative à partir de la fin du XVIIe siècle, un changement considérable est intervenu dans l’état de mœurs que je viens d’analyser. On peut le saisir à partir de deux approches distinctes. L ’école s’est substituée à l’apprentissage comme moyen d'éducation. Cela veut dire que l’enfant a cessé d'être mélangé aux adultes et d’apprendre la vie directement à leur contact. Malgré beaucoup de réticences et de retards, il a été séparé des adultes, et maintenu à l’écart dans une manière de quarantaine, avant d’être lâché dans le monde. Cette quarantaine, c'est l’école, le collège. Commence alors un long processus d’enfermement des enfants (comme des fous, des pauvres et des prostituées) qui ne cessera plus de s’étendre jusqu’à nos jours et qu’on appelle la scolarisation. Cette mise à part — et à la raison — des enfants doit être interprétée comme l’une des faces de la grande moralisation des hommes par les réformateurs catholiques ou protestants, d’Église, de robe ou d’État. Mais elle n’aurait pas été possible dans les faits sans la complicité sentimentale des familles, et c’est la seconde approche du phénomène que je voudrais souligner. La famille est devenue un lieu d'affection nécessaire entre les époux et entre parents et enfants, ce qu’elle n’était pas auparavant. Cette affection s’exprime surtout par la chance désormais reconnue à l’éducation. Il ne s'agit plus seulement d’établir ses enfants en fonction du bien et de l’honneur. Sentiment tout à fait nouveau : les parents s'intéressent aux études de leurs enfants et les suivent avec une sollicitude habituelle aux XIXe et XXe siècles, mais inconnue autrefois. Jean Racine écrit à son fils Louis à propos de ses 6 Préface professeurs comme un père d’aujourd’hui (ou d’hier, d’un hier très proche). La famille commence alors à s’organiser autour de l’enfant, à lui donner une importance telle qu’il sort de son ancien anonymat, qu’on ne peut pas sans grande peine le perdre et le remplacer, qu’on ne peut pas non plus le répéter trop souvent, et qu’il convient de limiter son nombre pour mieux s'en occuper. Rien d’étonnant à ce que cette révolution scolaire et sentimentale s’accompagnât à la longue d'un malthusianisme démographique, d'une réduction volontaire des naissances, observable dès le XVIIIe siècle. Tout ceci se tient (peut-être trop bien pour l’œil méfiant d’un P . Veyne !). La conséquence, qui déborde la période envisagée dans ce livre, mais que j’ai développée ailleurs, est la polarisation de la vie sociale au XIXe siècle autour de la famille et de la profession, et la disparition (sauf exception comme la Provence de M. Agulhon et M. Vovelle) de l’ancienne sociabilité. *** Un livre a sa vie propre, il échappe vite à son auteur pour appartenir à un public uploads/Histoire/ enfant-ancien.pdf

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  • Publié le Jui 21, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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