Les Évangiles et la seconde génération chrétienne Ernest Renan Calmann Lévy, Pa

Les Évangiles et la seconde génération chrétienne Ernest Renan Calmann Lévy, Paris, 1877 Exporté de Wikisource le 21/10/2016 LES ÉVANGILES ET LA SECONDE GÉNÉRATION CHRÉTIENNE PAR ERNEST RENAN MEMBRE DE L’INSTITUT QUATRIÈME ÉDITION PARIS CALMANN LÉVY, ÉDITEURS ANCIENNE MAISON MICHEL LÉVY FRÈRES RUE AUBER, 3, ET BOULEVARD DES ITALIENS, 15 À LA LIBRAIRIE NOUVELLE — 1877 Chap. I. II. INTRODUCTION. — OBSERVATIONS CRITIQUES SUR LES DOCUMENTS ORIGINAUX DE CETTE HISTOIRE. Les Juifs au lendemain de la destruction du temple. Béther. — Le livre de Judith. — Le canon juif. III. IV. V. VI. VII. VIII. IX. X. XI. XII. XIII. XIV. XV. XVI. XVII. XVIII. XIX. XX. XXI. XXII. XXIII. XXIV Ébion au delà du Jourdain. Rapports entre les juifs et les chrétiens. Fixation de la légende et des enseignements de Jésus. L’Évangile hébreu. L’Évangile grec. — Marc. Le christianisme et l’Empire, sous les Flavius. Propagation du christianisme. — L’Égypte. — Le sibyllisme. L’Évangile grec se corrige et se complète. — Matthieu. Secret des beautés de l’Évangile. Les chrétiens de la famille Flavia. — Flavius Josèphe. L’Évangile de Luc. Persécution de Domitien. Clément Romain. — Progrès du presbytérat. Fin des Flavius. — Nerva. — Recrudescence d’apocalypses. Trajan. — Les bons et grands empereurs. Éphèse. — Vieillesse de Jean. — Cérinthe. — Docétisme. Luc, premier historien du christianisme. Sectes de Syrie. — Elkasaï. Trajan persécuteur. — Lettre de Pline. Ignace d’Antioche. Fin de Trajan. — Révolte des juifs. Séparation définitive de l’Église et de la synagogue. APPENDICE. — LES FRÈRES ET LES COUSINS DE JÉSUS. INTRODUCTION OBSERVATIONS CRITIQUES SUR LES DOCUMENTS ORIGINAUX DE CETTE HISTOIRE. J’avais d’abord cru pouvoir terminer en un volume cette histoire des Origines du christianisme ; mais la matière s’est agrandie à mesure que j’avançais dans mon œuvre, et le présent volume ne sera que l’avant-dernier. On y verra l’explication, telle qu’il est possible de la donner, d’un fait presque égal en importance à l’action personnelle de Jésus lui-même : je veux dire de la façon dont la légende de Jésus fut écrite. La rédaction des Évangiles est, après la vie de Jésus, le chapitre capital de l’histoire des origines chrétiennes. Les circonstances matérielles de cette rédaction sont entourées de mystère ; bien des doutes, cependant, ont été levés dans ces dernières années, et on peut dire que le problème de la rédaction des Évangiles dits synoptiques est arrivé à une sorte de maturité. Les rapports du christianisme avec l’empire romain, les premières hérésies, l a disparition des derniers disciples immédiats de Jésus, la séparation graduelle de l’Église et de la synagogue, les progrès de la hiérarchie ecclésiastique, la substitution du presbytérat à la communauté primitive, les premiers commencements de l’épiscopat, l’avènement avec Trajan d’une sorte d’âge d’or pour la société civile ; voilà les grands faits que nous verrons se dérouler devant nous. Notre sixième et dernier volume contiendra l’histoire du christianisme sous les règnes d’Adrien et d’Antonin ; on y verra le commencement du gnosticisme, la rédaction des écrits pseudo-johanniques, les premiers apologistes, le parti de saint Paul aboutissant par exagération à Marcion, le vieux christianisme aboutissant à un millénarisme grossier et au montanisme ; au travers de tout cela, l’épiscopat prenant des développements rapides, le christianisme devenant chaque jour plus grec et moins hébreu, une « Église catholique » commençant à résulter de l’accord de toutes les Églises particulières et à constituer un centre d’autorité irréfragable, qui déjà se fixe à Rome. On y verra enfin la séparation absolue du judaïsme et du christianisme s’effectuer définitivement lors de la révolte de Bar-Coziba, et la haine la plus sombre s’allumer entre la mère et la fille. Dès lors on peut dire que le christianisme est formé. Son principe d’autorité existe ; l’épiscopat a entièrement remplacé la démocratie primitive, et les évêques des différentes Églises sont en rapport les uns avec les autres. La nouvelle Bible est complète ; elle s’appelle le Nouveau Testament. La divinité de Jésus-Christ est reconnue de toutes les Églises, hors de la Syrie. Le Fils n’est pas encore l’égal du Père ; c’est un dieu second, un vizir suprême de la création ; mais c’est bien un dieu. Enfin deux ou trois accès de maladies extrêmement dangereuses que traverse la religion naissante, le gnosticisme, le montanisme, le docétisme, la tentative hérétique de Marcion, sont vaincus par la force du principe interne de l’autorité. Le christianisme, en outre, s’est répandu de toutes parts ; il s’est assis au centre de la Gaule, il a pénétré dans l’Afrique. Il est une chose publique ; les historiens parlent de lui ; il a ses avocats qui le défendent officiellement, ses accusateurs qui commencent contre lui la guerre de la critique. Le christianisme, en un mot, est né, parfaitement né ; c’est un enfant, il grandira beaucoup encore ; mais il a tous ses organes, il vit en plein jour ; ce n’est plus un embryon. Le cordon ombilical qui l’attachait à sa mère est coupé définitivement. Il ne recevra plus rien d’elle : il vivra de sa vie propre. C’est à ce moment, vers l’an 160, que nous arrêterons cet ouvrage. Ce qui suit appartient à l’histoire, et peut sembler relativement facile à raconter. Ce que nous avons voulu éclaircir appartient à l’embryogénie, et doit en grande partie se conclure, parfois se deviner. Les esprits qui n’aiment que la certitude matérielle ne doivent pas se plaire en de pareilles recherches. Rarement, pour ces périodes reculées, on arrive à pouvoir dire avec précision comment les choses se sont passées ; mais on parvient parfois à se figurer les diverses façons dont elles ont pu se passer, et cela est beaucoup. S’il est une science qui ait fait de nos jours des progrès surprenants, c’est la science des mythologies comparées ; or cette science a consisté beaucoup moins à nous apprendre comment chaque mythe s’est formé qu’à nous montrer les diverses catégories de formation, si bien que nous ne pouvons pas dire : « Tel demi- dieu, telle déesse, est sûrement l’orage, l’éclair, l’aurore, etc. » ; mais nous pouvons dire : « Les phénomènes atmosphériques, en particulier ceux qui se rapportent à l’orage, au lever et au coucher du soleil, etc., ont été des sources fécondes de dieux et de demi-dieux. » Aristote avait raison de dire : « Il n’y a de science que du général. » L’histoire elle- même, l’histoire proprement dite, l’histoire se passant en plein jour et fondée sur des documents, échappe-t-elle à cette nécessité ? Non certes, nous ne savons exactement le détail de rien ; ce qui importe, ce sont les lignes générales, les grands faits résultants et qui resteraient vrais quand même tous les détails seraient erronés. Ainsi que je l’ai dit, l’objet le plus important de ce volume est d’expliquer d’une manière plausible la façon dont se sont formés les trois Évangiles appelés synoptiques, qui constituent, si on les compare au quatrième Évangile, une famille à part. Certes, beaucoup de points restent impossibles à préciser dans cette recherche délicate. Il faut avouer cependant que la question a fait, depuis vingt ans, de véritables progrès. Autant l’origine du quatrième Évangile, de celui qu’on attribue à Jean, reste enveloppée de mystère, autant les hypothèses sur le mode de rédaction des Évangiles dits synoptiques ont atteint un haut degré de vraisemblance. Il y a eu en réalité trois sortes d’Évangiles : 1° les Évangiles originaux ou de première main, composés uniquement d’après la tradition orale et sans que l’auteur eût sous les yeux aucun texte antérieur (selon mon opinion, il y eut deux Évangiles de ce genre, l’un écrit en hébreu ou plutôt en syriaque, maintenant perdu, mais dont beaucoup de fragments nous ont été conservés traduits en grec ou en latin par Clément d’Alexandrie, Origène, Eusèbe, Épiphane, saint Jérôme, etc. ; l’autre écrit en grec, c’est celui de saint Marc) ; 2° les Évangiles en partie originaux, en partie de seconde main, faits en combinant des textes antérieurs et des traditions orales (tels furent l’Évangile faussement attribué à l’apôtre Matthieu et l’Évangile composé par Luc) ; 3° les Évangiles de seconde ou de troisième main, composés à froid sur des pièces écrites, sans que l’auteur plongeât par aucune racine vivante dans la tradition (tel fut l’Évangile de Marcion ; tels furent aussi ces Évangiles, dits apocryphes, tirés des Évangiles canoniques par des procédés d’amplification). La variété des Évangiles vient de ce que la tradition qui s’y trouve consignée fut longtemps orale. Cette variété n’existerait pas, si tout d’abord la vie de Jésus avait été écrite. L’idée de modifier arbitrairement la rédaction des textes se présente en Orient moins qu’ailleurs, parce que la reproduction littérale des récits antérieurs ou, si l’on veut, le plagiat y est la règle de l’historiographie[1]. Le moment où une tradition épique ou légendaire commence à être mise par écrit marque l’heure où elle cesse de produire des branches divergentes. Loin de se subdiviser, la rédaction obéit dès lors à une sorte de tendance secrète qui la ramène à l’unité par l’extinction successive des rédactions jugées uploads/Histoire/ evangiles-renan-pdf.pdf

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  • Publié le Mai 22, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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