Collection des Études Augustiniennes Série Moyen Âge et Temps Modernes - 51 L’E

Collection des Études Augustiniennes Série Moyen Âge et Temps Modernes - 51 L’EXÉGÈSE MONASTIQUE AU MOYEN ÂGE (XIe-XIV e SIÈCLE) sous la direction de Gilbert DAHAN et Annie NOBLESSE-ROCHER Institut d’Études Augustiniennes PARIS 2014 Ouvrage publié avec le concours de l’UMR 8584 (Laboratoire d’études sur les monothéismes, CNRS/EPHE) et de l’Université de Paris-Sorbonne Tous droits réservés pour tous pays. Aux termes du Code de la Propriété Intellectuelle, toute reproduction ou représentation, intégrale ou partielle, faite par quelque procédé que ce soit (photocopie, photographie, microfi lm, bande magnétique, disque optique ou autre) sans le consentement de l’auteur ou de ses ayants droit ou ayants cause est illicite et constitue une contrefaçon sanctionnée par les articles L 335-2 à L 335-10 du Code de la Propriété Intellectuelle. © Institut d’Études Augustiniennes, 2014 ISBN : 978-2-85121-267-2 ISSN : 1159-4888 AVANT-PROPOS Nous présentons ici les actes d’un colloque tenu il y a déjà quelques années et qui s’était révélé particulièrement novateur1. Depuis, la recherche a progressé, tant dans l’analyse du sujet même de la rencontre, l’« exégèse monastique au moyen âge », que du fait de l’édition de quelques nouveaux textes – mais, surtout, la plupart des chercheurs invités à présenter une contribution ont eux-mêmes notablement évolué dans leur propre réflexion. Certains de ces progrès sont ici enregistrés, mais on constate que le problème global lui-même continue de se poser dans les mêmes termes et l’on peut espérer qu’à son tour ce volume, qui ouvre nombre de pistes de réflexion, suscitera des travaux. On se propose ici de faire rapidement le point de la question2. Dans L’amour des lettres et le désir de Dieu, Jean Leclercq consacrait des pages éblouissantes à l’étude des lettres sacrées au monastère. Il constatait que, entre le IXe et le XIIIe siècle, la plus grande partie de la production exégétique provenait des milieux monastiques et esquissait une opposition entre lectio monastique et exé- gèse scolastique3. Bien que depuis ce maître-livre de nombreux travaux aient été consacrés à la culture monastique en Occident et qu’un certain nombre de textes aient été publiés, il semble que l’exégèse biblique en milieu monastique au moyen âge n’ait pas été l’objet de travaux spécifiques, comme a pu l’être l’exégèse des écoles ou l’exégèse universitaire4. 1. Colloque international « L’exégèse monastique de la Bible en Occident, XIe-XIVe siècle », Palais Universitaire, Faculté de théologie protestante, Strasbourg, 10-12 septembre 2007, organisé par le GRENEP (rattaché maintenant à l’EA 4378), et l’UMR 8584, Laboratoire d’études des monothéisme/Institut d’études augustiniennes (CNRS et EPHE). 2. Gilbert Dahan a consacré à ce thème un séminaire en 2009-2010 et prépare un ouvrage d’ensemble, qui sera davantage une synthèse qu’une étude ponctuelle des thèmes liés à l’exégèse monastique, comme dans le présent ouvrage. 3. J. LECLERCQ, Initiation aux auteurs monastiques du moyen âge. L’amour des lettres et le désir de Dieu, Paris, 1957 (2e éd. 1963 ; 3e éd. 1990), p. 70-86. 4. Dans les grands volumes collectifs sur la Bible au moyen âge, le sujet n’apparaît pas en tant que tel, en dehors de la belle étude de A. M. PIAZZONI, « L’esegesi neomonastica », dans La Bibbia nel Medio Evo, G. Cremascoli et C. Leonardi éd., Bologne, 1996, p. 217-237. Voir également 8 AVANT-PROPOS Les questions préliminaires sont nombreuses et, d’abord, est-il légitime de parler d’une « exégèse monastique » ? La discussion a été engagée à propos d’une théologie monastique5 ; on tirera profit de ses résultats, tout en sachant combien ils ont été controversés, et on posera la question d’une éventuelle spécificité de l’exé- gèse monastique. Dans une autre étude remarquable6, Jean Leclercq caractérisait la « théologie monastique » par ses sources (presque exclusivement chrétiennes : Écritures, Pères, liturgie), son objet (le mystère du Salut, l’union de l’homme avec Dieu) et sa méthode (une théologie concrète, fondée sur l’expérience). Cette caractérisation est-elle également vraie pour l’exégèse monastique ? Du reste, la typologie qui classe l’exégèse médiévale en exégèse monastique, exégèse sco- laire et exégèse universitaire7 est-elle fondée ? Ne s’agit-il pas simplement d’une répartition dans le temps, puisque, apparemment, les trois genres ne font que se succéder ? Ou y a-t-il vraiment des traits propres qui permettent de caractériser comme « genre » l’exégèse monastique ? La place particulière de l’Écriture sainte dans la vie monastique, le statut spécifique de l’étude de la Bible, les formes littéraires des commentaires composés au monastère permettent sans doute d’in- dividualiser une exégèse monastique ; et la persistance jusqu’au XIVe siècle (et probablement au-delà encore) de commentaires fidèles, semble-t-il, aux démar- ches de cette exégèse monastique autorise à répondre à l’objection fondée sur une succession chronologique. J. LECLERCQ, « From Gregory the Great to St Bernard », dans The Cambridge History of the Bible, t. II, The West from the Fathers to the Reformation, G. W. H. Lampe éd., Cambridge, 1969, p. 183-197 ; J. DUBOIS, « Comment les moines du Moyen Âge chantaient et goûtaient les Saintes Écritures », dans Le Moyen Âge et la Bible, P. Riché et G. Lobrichon éd., Paris, 1984 (Bible de tous les temps, 4), p. 261-298 (mais ne concerne pas vraiment l’exégèse). On est supris que le récent volume collectif The New Cambridge History of the Bible, t. II, From 600 to 1450, R. Marsden et E. A. Matter éd., Cambridge, 2012, ne fasse pas de place à l’exégèse monastique (ni du reste aux questions herméneutiques). 5. Voir notamment : J. LECLERCQ, Études sur le vocabulaire monastique du moyen âge, Rome, 1961 (p. 71-79, « Monachisme et théologie ») ; A. HÄRDELIN, « Monastische Theologie – eine ‘praktische’ Theologie vor der Scholastik », Zeitschrift für katholische Theologie, 109, 1987, p. 400- 415 ; G. PENCO, « La teologia monastica : bilancio di un dibattito », dans Medioevo monastico, Rome, 1988 (Studia Anselmiana, 96), p. 537-548 ; F. GASTALDELLI, « Teologia monastica, teologia scolastica e lectio divina », Analecta Cisterciensia, 46, 1990, p. 25-51 ; R. GRÉGOIRE, La teologia monastica, Seregno, 1994 ; Ph. NOUZILLE, Expérience de Dieu et théologie monastique au XIIe s. Étude sur les sermons d’Aelred de Rievaulx, Paris, 1999 ; A. NOBLESSE-ROCHER, L’expérience de Dieu dans les sermons de Guerric, abbé d’Igny (XIIe s.), Paris, 2005. 6. J. LECLERCQ, « Saint Bernard et la théologie monastique du XIIe siècle », Saint Bernard théologien = Analecta sacri ordinis cisterciensis, 9/3-4, 1953, p. 7-23. 7. Voir G. DAHAN, L’exégèse chrétienne de la Bible en Occident médiéval, XIIe- XIVe siècle, Paris, 1999, p. 75-120. AVANT-PROPOS 9 En partant de ce présupposé, qui a été l’objet de discussions, la réflexion s’est engagée sur un certain nombre de points. Tout d’abord, quelle est la place de la Bible dans la vie monastique ? Les commentaires de la Règle de saint Benoît donnent-ils davantage de précisions que les indications assez vagues de la Règle elle-même8 ? Qu’en est-il dans les statuts des ordres nouveaux (chartreux, cister- ciens et autres ordres issus de la tradition bénédictine, ainsi que les prémontrés) ? Il est évident que le contact avec l’Écriture est constant au monastère, dans la liturgie d’abord9 mais aussi à l’occasion de la collatio, étude collective, et de la lectio divina, étude plutôt individuelle. Malgré les éléments recueillis ici et là, l’enquête reste à mener10. D’autre part, quel texte de la Bible copie-t-on dans les scriptoria des monastè- res ? Pour le XIIIe siècle, on a parlé d’une opposition entre bible « parisienne » et bible « monastique » ; cette opposition correspond-elle à une réalité ? En quoi se distinguerait une bible « monastique » – par des éléments extérieurs seulement (et seulement en opposition à la bible « parisienne » ?) ou par des traditions textuelles ? On pourrait proposer, pour tenter de répondre à cette question difficile, de faire des sondages sur des bibles de provenance monastique, par exemple à partir des premiers numéros du fonds latin de la Bibliothèque nationale de France. D’autre part, le travail remarquable fait sur la Bible de Cîteaux sous la direction d’Étienne Harding a-t-il eu des lendemains à l’intérieur de l’ordre cistercien11 ? En dehors même du texte, existe-t-il des bibles monastiques12 ? Sont-elles spécifiquement monumentales (à l’opposé donc des « bibles de poche » du XIIIe siècle) ? Sur ce 8. Dans la Règle, seul le chap. 48, « De opera manuum cotidinia », mentionne, par la bande, l’étude de l’Écriture : « Certis temporibus occupari debent fratres … in lectione divina. » Les chap. 16-18 concernent l’utilisation des Psaumes dans la liturgie ; le ch. 53, « de hospitibus reci- piendis », note qu’on doit lire la loi divine (lex divina) aux hôtes pour les édifier ; le ch. 73 affirme que toute parole de l’Ancien et du Nouveau Testament est la norme très droite de la vie humaine. Voir La Règle de saint Benoît, éd. et trad. fr. A. de Vogüé et J. Neufville, t. II, Paris, 1972 (Sources chrétiennes, 182), p. 598-599, 524-534, 612-613 et 672-673. 9. Cf. J. LECLERCQ, L’amour des lettres, p. 70 : « La liturgie … est le milieu dans lequel sont uploads/Histoire/ exegese-monastique-dahan-noblesse-libre.pdf

  • 17
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager
  • Détails
  • Publié le Aoû 23, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
  • Taille du fichier 0.1147MB