L'esprit chevaleresque et l'amour courtois Une analyse de Tristan et Iseult Luo
L'esprit chevaleresque et l'amour courtois Une analyse de Tristan et Iseult Luo Xin-zhang Résumé: Personnage des légendes celtes, Tristan s'est vu au XIIe siècle paré des atours de chevalier par les trouvères qui lui ont insufflé une âme nouvelle. Il a connu un nouveau destin littéraire dans le contexte de la chevalerie, institution née en France. Le chevalier est le héros du Moyen Age. Le code de chevalerie en fait le portrait idéal: courageux, fidèle, généreux, sincère, courtois, charitable envers les pauvres et les faibles. L'esprit de chevalerie a donné naissance à un nouveau concept - celui de l'honneur, base même de la société du temps. Le genre ancien des chansons de geste, tout résonnant du bruit des armes, chante principalement les exploits guerriers. Dans le genre ultérieur des romans de chevalerie, dont un excellent exemple est Tristan et Iseult, le centre d'intérêt s'est déplacé vers l'amour courtois. Etymologiquement, "courtoisie" et "cour" sont des termes liés. L'amour courtois est un produit de la vie de cour de l'Europe médiévale, une représentation embellie de la vie des chevaliers, représentation dont ils sont à la fois sujets et spectateurs. Si ultérieurement le démantèlement du système féodal et la généralisation des armes à feu ont fini par entraîner la disparition des chevaliers, de cette époque la société occidentale aura conservé la galanterie. Mots-clé : chanson de geste roman de chevalerie esprit chevaleresque amour courtois 1 Le Moyen Age est l'époque pendant laquelle les chevaliers, du haut de leur monture, lance en main, dominent le monde. Le régime de la chevalerie appartient à une époque historiquement bien définie, entre les XIe et XIVe siècles. Né dans le royaume de France aux alentours du XIe siècle, il s'est étendu ensuite dans d'autres pays, Angleterre, Allemagne, Espagne. A l'époque des armes blanches, du corps à corps, les chevaliers avaient, grâce à leur monture, un avantage important sur la piétaille."La chevalerie a atteint son apogée lors de la première croisade, sous le règne de Philippe Ier (1052 - 1108)". F. Guizot III-120. L'importance exceptionnelle de son rôle lui a assuré une position prédominante dans la société. Puis, suivant la décomposition progressive du régime féodal, menacée par la généralisation des armes à feu, ayant perdu le feu sacré de sa jeunesse, elle a lentement décliné pendant deux ou trois siècles avant de disparaître au XIVe siècle. Les chevaliers sont les héros du Moyen Age. Guerroyer à cheval est une tradition qui remonte au haut Moyen Age, à l'époque carolingienne (751 - 987). La première œuvre importante de la littérature française, La Chanson de Roland, présente déjà un héros guerrier à cheval, modèle de droiture. On y relate l'anéantissement par des Basques de l'arrière-garde de l'armée de Charlemagne revenant d'Espagne en 778. La puissance guerrière était déterminante pour les petits états européens du Moyen Age, qui entreprenaient d'incessantes campagnes. Les chansons de geste illustrent l'importance primordiale donnée au combat. Une centaine de ces chansons nous sont parvenues, celle de Roland étant certainement de toutes la plus réussie, la plus achevée. Le héros de Tristan et Iseult, également un chevalier, diffère néanmoins de Roland. Bien sûr il monte à merveille et excelle au combat, invincible sur le champ de bataille, mais il sait également chanter et déclamer, et a reçu ses armes de son oncle, il a été "fait" chevalier. Guizot nous dit:" Pénétrer dans l'institution de la chevalerie, c'est être admis au titre de chevalier et à participer de cet honneur, c'est se voir conférer solennellement les armes et le droit de combattre." F. Guizot III-119. C'est dire qu'il ne suffit déjà plus comme au tout début de combattre à cheval pour être chevalier, il faut de plus avoir été adoubé. Voici la description détaillée d'une cérémonie d'adoubement telle qu'elle se déroulait au XIIe siècle: La cérémonie se déroule dans l'église. Le futur chevalier se dévêt, se baigne afin de se purifier. Puis il revêt une tunique blanche serrée à la taille, symbole de pureté, suivie d'une seconde, rouge, couleur du sang qui coule lors des batailles. Enfin il enfile un vêtement près du corps de couleur noire, représentant la mort qui l'attend comme elle attend tous les hommes. 2 Après la purification et l'habillage, il lui faut jeûner un jour et une nuit. Le lendemain matin, le futur chevalier commence par se confesser. Le prêtre lui donne la communion. Il suit la messe. Ses devoirs de chevalier lui sont énoncés. Le seigneur qui l'adoube lui demande: "Dans quel but veux-tu devenir chevalier? Si ce n'est pour l'honneur de la chevalerie toute entière, mais dans ton propre intérêt, tu ne mérites pas d'accéder à cet état. Pour mériter le titre de chevalier, il faut être fidèle, à l'instar du prêtre qui sert Dieu." Après qu'il a donné la réponse attendue, un aîné ou une gente dame l'aide à revêtir son armure: le casque, la cotte, les épaulettes, les gantelets, les éperons. Le seigneur s'approche alors et lui remet son épée après l'accolade. Il lui touche trois fois l'épaule ou la base du cou de l'épée en prononçant ces mots: "Au nom de Dieu, de Saint michel et de Saint Jean, je te fais chevalier." Il l'exhorte à faire preuve de "courage, audace et fidélité." Le chevalier armé enfourche son cheval sans l'aide des étriers, fait tournoyer son épée étincelante, fait faire un demi-tour à droite et à gauche à son cheval, puis sort de l'église. Il part au galop jusque devant le château où l'attend la foule et effectue un tour sous les acclamations. " La chevalerie offre un aspect militaire, mais également religieux et moral, c'est une tradition d'excellence." F. Guizot III - 128. "La chevalerie était un cercle fermé, seuls les fils de chevaliers pouvaient devenir chevaliers à leur tour". Chen Gang Histoire de la pensée occidentale I - 513 Pour devenir un vrai chevalier, il faut recevoir une éducation rigoureuse, observer depuis l'enfance l'étiquette des maisons nobles, apprendre à s'occuper d'un cheval, des armes et du harnachement, apprendre à servir et à obéir au seigneur" de peur qu'il n'ait pas conscience du respect dû au seigneur lorsqu'il sera chevalier". "La vie du chevalier tourne autour des joutes, de la chasse, des guerres, de la cour auprès des dames... A l'origine situé aux confins de la noblesse, le chevalier seconde seigneurs et souverains. Au XIIe siècle il se fondra dans la noblesse, mais inversement, les nobles ne sont pas tous chevaliers. La valeur personnelle du chevalier peut dépasser celle de l'état noble. Sans former un ordre séparé, la chevalerie joue pourtant un rôle unique dans la société de l'époque. Au Moyen Age le petit peuple, les "vilains", cultive la terre, tâche humble. Le chevalier, lui, occupe une fonction importante dans la féodalité. Le prix de l'équipement, cheval, épée et harnachement, n'est à la portée que des titulaires de fief. F.Guizot III - 134. La cérémonie d'adoubement décrite ci-dessus est une manifestation extérieure du phénomène de chevalerie. Pour comprendre son contenu, il faut pénétrer ses aspects moraux, son code. Après l'adoubement, le chevalier prononce un serment. Il promet, entre autres: -de craindre Dieu, de protéger l'Eglise, de ne jamais renoncer à sa foi même en péril 3 de mort. -d'obéir à son seigneur et de se battre pour son pays. -de respecter les ordres sur le champ de bataille, d'affronter seul son adversaire, sans tromperie ni ruse. -d'être fidèle, courageux, humble, de ne pas manquer à sa parole. -de ne rien faire contre l'honneur ou la vertu par avidité, attrait pour les richesses ou intérêt personnel. -de mettre ses armes au service de la justice, de protéger la veuve et l'orphelin. -de ne jamais sortir sans son épée, de toujours la garder sur lui, sauf pendant le sommeil. -si capturé, d'accepter de rendre les armes qui seront remises avec le cheval au vainqueur. -de se battre pour l'honneur, de tout faire pour tenir sa parole. -de se rappeler que pour un vrai chevalier, l'honneur est la chose la plus importante. -prenant modèle sur Alexandre le grand, d'accomplir de grandes choses. Il a fallu un à deux siècles pour que l'esprit chevaleresque se constitue progressivement. Le Moyen Age européen, c'est la naissance, l'apogée puis le déclin de la féodalité. Autour de l'an mille, la société et les mœurs manquaient grandement de raffinement, la gloutonnerie était chose courante. Dans les châteaux, des beuveries engloutissaient des quantités d'alcool à laisser pantois les ivrognes du XXIe siècle. Lors des repas, chacun taillait le morceau choisi à l'aide de son coutelas ou l'arrachait, les restes jonchaient le sol, disputés par une meute de chiens de toutes tailles. C'était une société patriarcale où les femmes étaient peu considérées, voire franchement méprisées ou maltraitées. Au XIe siècle, avec l'avènement de l'esprit chevaleresque, les manières de la noblesse s'améliorèrent, pour atteindre un certain raffinement. Le chevalier devint le modèle en matière de comportement et de morale pour la société féodale dont il se mit à incarner l'idéal et les vertus...Le code de chevalerie oblige le chevalier modèle à faire preuve de courage, de fidélité, de générosité, uploads/Histoire/ les-chevaliers-du-moyen-age.pdf
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- Publié le Oct 24, 2021
- Catégorie History / Histoire
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