La grammaire du français au XVIIe siècle Les grammaires de Maupas, d’Oudin et d

La grammaire du français au XVIIe siècle Les grammaires de Maupas, d’Oudin et de Chiflet s’inscrivent dans la veine d’ouvrages destinés à l’apprentissage du français, langue étrangère, sans toutefois exclure les Français désireux d’améliorer leur façon de parler et d’écrire. Ces auteurs cherchent à proposer des grammaires d’usage et prennent de plus en plus position dans la définition d’une norme, celle du parfait gentilhomme. Cette tendance atteint son apogée dans l’ouvrage de Vaugelas, qui somme toute s’apparente peu à un ouvrage grammatical (d’où son titre d’ailleurs) et n’en retient que les discussions sur l’usage auquel devrait se soumettre toute personne désireuse de se distinguer par sa bonne façon de parler et d’écrire. Le texte, qui se présente sous la forme d’une série de remarques relativement courtes, est dépourvu d’organisation et de discussions théoriques. Ainsi, le lecteur n’y trouve aucun des éléments figurant généralement dans les grammaires : pas de présentation des catégories de mots ni de discussion de leurs aspects morphologiques. L’ouvrage est entièrement consacré aux cas d’accord ou aux choix de termes qui ne font pas unanimité parmi la population française. Dans chaque remarque, Vaugelas prend alors position pour le choix qui constitue, selon lui, le bon usage. Ses Remarques se définissent donc comme un ouvrage d’autorité linguistique en matière de beau langage. Quelques termes de grammaire y affleurent, sans jamais parvenir à déteindre sur le caractère mondain de l’ensemble. À côté de ces grammaires, une nouvelle voie prend son essor, celle de la « grammaire générale et raisonnée ». Les tenants de cette approche sont Antoine Arnauld et Claude Lancelot, tous deux issus de Port- Royal. La réflexion grammaticale qu’ils proposent s’inscrit dans un courant logique et philosophique (d’où le terme de grammaire raisonnée) qui dépasse l’étude d’une langue particulière en proposant un ensemble de principes communs à toutes les langues (d’où le terme de grammaire générale). L’essentiel de leurs préoccupations porte malgré tout sur la langue française. La définition de la norme linguistique Les grammairiens d’usage de l’époque (Maupas, Oudin, Chiflet, et surtout Vaugelas) prennent position pour une norme linguistique. À des degrés divers, la préoccupation pour le beau langage transparaît dans les grammaires, où l’on peut trouver des prises de position pour telle ou telle façon de s’exprimer. Ainsi Maupas clôt-il par une remarque esthétique – « le langage semble plus vigoureux & de meilleure grace » (Maupas, 1607, p. 62b) – la règle non obligatoire de l’inversion du verbe et du sujet à la suite de mots comme lors, alors ou aussi. Cependant, chaque grammairien propose sa propre vision des considérations qui doivent présider à l’acceptation de tel ou tel usage. Chiflet, par exemple, insiste sur la connaissance de l’usage passé, de l’étymologie (en fait, une connaissance que possèdent les érudits) tandis que Vaugelas érige en norme toute-puissante « la façon de parler de la plus saine partie de la Cour, conformément à la façon d’écrire de la plus saine partie des autheurs du temp » (Vaugelas, 1647, p. 2). Haïr Ce verbe se conjugue ainsi au présent de l’indicatif, je hais, tu hais, il hait, nous haïssons, vous haïssez, ils haïssent, en faisant toutes les trois personnes du singulier d’une syllabe, et les trois du pluriel de trois syllabes. Ce que je dis, parce que plusieurs conjuguent, je haïs, tu haïs, il haït : faisant haïs et haït, de deux syllabes, et qu’il y en a d’autres, qui font bien encore pis en conjuguant et prononçant j’haïs, comme si, l’h, en ce verbe n’était pas aspirée, et que, l’e, qui est devant se peut manger. Au pluriel il faut conjuguer comme nous avons dit, et non pas, nous hayons, vous hayez, ils hayent, comme font plusieurs, même à la Cour, et très mal. Figure 5 La norme – Vaugelas (1647), Remarques sur la langue françoise, p. 20. syllabes. Ce que je dis, parce que plusieurs conjuguent, je haïs, tu haïs, il haït : faisant haïs et haït, de deux syllabes, et qu’il y en a d’autres, qui font bien encore pis en conjuguant et prononçant j’haïs, comme si, l’h, en ce verbe n’était pas aspirée, et que, l’e, qui est devant se peut manger. Au pluriel il faut conjuguer comme nous avons dit, et non pas, nous hayons, vous hayez, ils hayent, comme font plusieurs, même à la Cour, et très mal. Figure 5 La norme – Vaugelas (1647), Remarques sur la langue françoise, p. 20. S’il y a d’autres façons de parler qui y semblent contraire, et dont on ne puisse pas rendre raison par toutes ces observations, ce ne pourront être, comme je le crois, que des restes du vieux style, où on omettait presque toujours les articles. Figure 6 La norme – Arnauld et Lancelot (1660), Grammaire generale et raisonnée, p. 126. L’auteur des Remarques est celui qui ose adopter et proclamer le critère social le plus élitiste en matière de norme. Cette position reproduit un ordre social monarchique, tout en prônant une discipline linguistique rigoureuse. La grammaire de Port-Royal, quant à elle, propose une tout autre vision de la norme, celle-ci reposant sur les usages qui sont conformes à la pensée. La norme est ainsi le produit d’une régularité et de la raison. Les auteurs ne nient cependant pas les décisions tranchées de Vaugelas, qu’ils citent d’ailleurs et prennent comme point de départ de certaines de leurs réflexions sur l’usage. Ainsi, ils dédient un chapitre entier à l’Examen d’une regle de la Langue Françoise : qui est qu’on ne doit pas mettre le Relatif après un nom sans article (chapitre X). Les auteurs prennent pour exemple Il a été traité avec violence (sans article) ; si l’on veut, dans cette phrase, compléter le nom par une relative, il faut lui assigner un article, Il a été traité avec une violence qui a été tout à fait inhumaine. La règle a été émise par Vaugelas (« Monsieur de Vaugelas est le premier qui a publié cette regle », Arnauld et Lancelot, 1660, p. 121), mais les auteurs de Port-Royal décèlent très vite « plusieurs façons de parler en nostre langue, qui ne semblent pas conformes à cette regle » (ibidem, p. 121). La réflexion qu’ils mènent est un modèle d’analyse linguistique rigoureuse pour l’époque : les différents cas sont passés en revue, la théorie sur le classement des noms communs est rappelée, les principes de la détermination sont exposés. Les auteurs parviennent ainsi à montrer qu’il n’y a pas exception à la règle émise par Vaugelas, mais bien conformité, pour autant que l’on prenne la peine d’analyser le fonctionnement de la langue selon la grammaire raisonnée. Par ailleurs, ils sont conscients de l’évolution de la langue et de sa norme (figure 6). La perspective diachronique (c’est-à-dire historique) leur permet ainsi d’expliquer les véritables exceptions à la règle. Ils concilient dès lors usage, rigueur des règles grammaticales et diachronie. Les écueils du XVIe siècle sont aussi ceux du XVIIe siècle La réflexion grammaticale du siècle précédent avait buté sur le classement des parties du discours (ce terme, issu de la tradition grammaticale latine, est celui de l’époque). Le XVIIe siècle, comme nous le verrons, ne propose pas de révision profonde dans ce domaine. Les adjectifs parmi les noms La classe des noms est encore un vaste ensemble qui se répartit en noms substantifs (les noms communs et noms propres actuels) et noms adjectifs (nos adjectifs modernes ou adjectifs qualificatifs de la grammaire traditionnelle). Le principe qui préside à ce rassemblement est que tous ces mots portent sur des objets de nos pensées ou leurs caractéristiques. Les objets représentent des substances qui peuvent subsister, exister seules : Pierre et table n’ont pas besoin d’information (sémantique) supplémentaire pour exister dans un discours. On les dénomme donc noms substantifs. Ces possessifs ici sont purs adjectifs ; ne pouvant subsister en oraisons sans substantifs exprès à leur suite. Voilà mon livre : ici ma plume. On peut bien interposer des épithètes. Celui-ci est mon plus grand ami. Figure 7 Les possessifs – Maupas (1607), Grammaire et syntaxe francoise, p. 161. rassemblement est que tous ces mots portent sur des objets de nos pensées ou leurs caractéristiques. Les objets représentent des substances qui peuvent subsister, exister seules : Pierre et table n’ont pas besoin d’information (sémantique) supplémentaire pour exister dans un discours. On les dénomme donc noms substantifs. Ces possessifs ici sont purs adjectifs ; ne pouvant subsister en oraisons sans substantifs exprès à leur suite. Voilà mon livre : ici ma plume. On peut bien interposer des épithètes. Celui-ci est mon plus grand ami. Figure 7 Les possessifs – Maupas (1607), Grammaire et syntaxe francoise, p. 161. Au contraire, un nom adjectif ne représente qu’une caractéristique (un accident, selon la terminologie de l’époque). Un tel mot ne peut exister seul dans le discours ; il doit s’adjoindre à un autre mot, d’où la dénomination de nom adjectif. En effet, des mots comme gentil ou intéressant ne trouvent leur sens que lorsqu’ils accompagnent un nom substantif, qu’ils permettent de préciser. Entre article et préposition On soulignera que uploads/Histoire/ grammaire-xviie-siecle.pdf

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  • Publié le Sep 28, 2022
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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