n° 417 Historiens & Géographes 133 Par Pascale BARTHÉLÉMY* Jean-François KLEIN*

n° 417 Historiens & Géographes 133 Par Pascale BARTHÉLÉMY* Jean-François KLEIN** Pierre VERMEREN*** Depuis une bonne dizaine d’années, le champ des études coloniales s’est trouvé (re)travaillé en profondeur et est de- venu, à l’heure actuelle, un secteur particulièrement dyna- mique de l’historiographie. La plupart des grandes revues d’histoire françaises ou étrangères ont publié des dossiers et des numéros spéciaux consacrés au fait colonial, témoi- gnant du décloisonnement entre histoire des métropoles et histoire des territoires colonisés. Ce décloisonnement est ainsi illustré par le renouveau des travaux sur les empires (circulations, sociétés, cultures impériales, etc.), par les perspectives ouvertes par les théories postcoloniales ou par la réflexion sur l’histoire connectée. On peut aussi constater le dynamisme persistant, dans les études d’« aires cultu- relles », de recherches sur le passé colonial de telle ou telle région du globe. Sans doute la montée d’une demande sociale – générale- ment exprimée dans les termes réducteurs du bilan (positif ou négatif) ou sur le mode de la repentance – n’est-elle pas étrangère à la médiatisation de la question coloniale. Pour autant, dans son ensemble, la production scientifique ne s’est pas structurée selon des lignes médiatico-mémo- rielles, mais selon des problématiques propres, celles-là même que doit prendre en compte la question d’histoire contemporaine du concours de l’agrégation. En centrant l’étude sur les terrains coloniaux plutôt que sur les métropoles impériales, sur les interactions entre colo- nisés et colonisateurs, la question au programme invite à rendre compte de la complexité des sociétés nouvelles engendrées par la colonisation, et des « transactions hégé- moniques » (J.-F. Bayart) qui font des dominés des acteurs dans le système dominant. Elle se concentre sur les formes particulières de violence et de domination qui s’exercèrent en situation coloniale (G. Balandier), sur les acteurs hété- rogènes qui s’y sont activés, sur leurs dynamiques et sur leurs contradictions. Si l’étude incite à prêter une attention particulière aux colonisés, elle englobe l’ensemble des acteurs présents sur les terrains coloniaux, qu’ils soient ori- ginaires des métropoles (colons, militaires, administrateurs, fonctionnaires, missionnaires, entrepreneurs, salariés, etc.) ou issus d’autres espaces (travailleurs migrants, soldats, commerçants circulant entre les empires et à l’intérieur de ceux-ci, etc.). Comme le suggère la formulation géographique (« Afrique, Antilles, Asie »), il s’agit d’étudier dans une perspective com- paratiste plusieurs de ces sociétés : dans l’espace caraïbe (sociétés post-esclavagistes de la Jamaïque et des West Indies, des Antilles françaises ou néerlandaises, de Cuba, de Porto Rico…) ; à l’échelle du continent africain et de ses périphéries insulaires (Madagascar, Réunion…) ; à celle du continent asiatique, du Proche à l’Extrême-Orient (à l’exclu- sion de l’Asie centrale sous domination russe). Dans tous ces espaces, différentes formes de domination se mettent en place dès la seconde moitié du XIXe siècle ; on a d’ail- leurs longtemps distingué des « colonies de peuplement » et des « colonies d’exploitation » – catégories qui méritent sans doute d’être réexaminées. Mais de fait, on n’est pas colonisé tout à fait de la même façon dans les Caraïbes, aux Indes néerlandaises, en Angola ou au Cambodge. Au-delà du seul cas de la colonisation européenne, le pro- gramme s’intéressera aux effets induits par l’expansion de puissances telles que l’empire ottoman – qui a, lui aussi, façonné des sociétés d’un type particulier au Moyen-Orient et en Afrique du Nord –, que le Japon de l’ère Meiji – qui s’impose à Formose et en Corée – ou que les États-Unis – maîtres des Philippines, de Cuba et de Porto Rico à partir de la fin du XIXe siècle. Les sociétés coloniales : Afrique, Antilles, Asie (années 1850 - années 1950) * Maîtresse de conférences à l’ENS de Lyon. ** Maitre de conférences à l’Université de Paris IV-Sorbonne. *** Maître de conférences à l’Université de Paris I - Panthéon -Sorbonne. Pascale Barthélémy, Maîtresse de conférences d’histoire contemporaine à l’ENS de Lyon, membre du Laboratoire de recherches historiques Rhône-Alpes et de l’Institut Universitaire de France ; Jean-François Klein, Maître de conférences d’histoire contemporaine, au département Asie du Sud-Est de l’INALCO (Langues O’), chercheur au Centre Roland Mousnier, Paris IV-Sorbonne ; Pierre Vermeren, Maître de conférences d’his- toire contemporaine à l’Université Paris I – Panthéon Sorbonne, membre du Centre d’étude des mondes africains. 134 Historiens & Géographes n° 418 Dans le contexte général de l’impérialisme, les sociétés dominées ont vu leurs dynamiques modifiées en profon- deur. Les recherches ont depuis plusieurs décennies mis en évidence de nombreux aspects de ces bouleversements : des mobilités sociales et économiques inédites (travail forcé, montée du salariat, exode rural, migrations de tra- vail, urbanisation, mutations démographiques, rupture des rapports sociaux « traditionnels », monétarisation…) ; des formes variées de résistance au colonialisme ; l’existence de « marges de manœuvre » (agency) du côté des domi- nés ; des contacts entre colons et colonisés ; des métis- sages biologiques ; l’émergence d’élites et de catégories sociales nouvelles (intermédiaires de la colonisation, diplô- més, lettrés, agents du maintien de l’ordre, planteurs…) ; des mutations culturelles (occidentalisation, créolisation, syn- crétismes, revivifications religieuses, « invention de la tradi- tion »…), des bricolages identitaires et de nouvelles pratiques (culture urbaine, culture lettrée, culture populaire) ; etc. Des démarches novatrices – parfois construites pour d’autres espaces et/ou d’autres phénomènes historiques, parfois forgées par la réflexion sur le fait colonial lui-même – ont renouvelé les approches à la lumière de l’histoire du genre, de l’anthropologie historique, de la nouvelle histoire culturelle, politique, sociale et économique. La réflexion a par exemple conduit à reconsidérer les nationalismes émergents en contexte colonial en s’intéressant aux minorités, à l’eth- nogenèse, aux constructions identitaires. En histoire sociale et culturelle, des transformations importantes sont repé- rables, qui font sortir de l’ombre des groupes et des acteurs jusqu’alors négligés (anciens esclaves, marginaux, minori- tés, élites, métis, cadres subalternes, anciens combattants, femmes, jeunes, etc.). En histoire économique, on étudie de plus en plus finement l’impact des logiques coloniales sur les acteurs de terrain, sur les formes de travail, les réseaux professionnels, les intermédiaires et les premières formes de mondialisation. Ajoutons que le développement d’une réflexion récente sur les empires doit permettre de considé- rer le sujet dans une perspective large, celle de l’articulation entre le local et le global, entre le colonial et l’impérial. Ce sont les facettes multiples de ces sociétés singulières, dans leurs aspects sociaux, culturels, économiques et politiques, que la nouvelle question invite à étudier sur l’étendue d’un siècle. Précisons que l’on a préféré délimiter de manière large les bornes chronologiques (« années 1850 », « années 1950 ») afin de bien insister sur l’idée de processus : telle ou telle date précise n’aurait en effet pas eu de valeur pour l’ensemble des territoires et des populations concernés. La décennie 1850 a semblé un point de départ pertinent, car l’on observe alors aus- si bien la transformation de modèles de colonisation anciens (recompositions induites par l’abolition de l’esclavage dans les Antilles françaises, fin de l’administration de l’East India Company et mise en place du Raj britannique en Inde…) que de nouvelles impulsions données au mouvement colonisateur (premiers mouvements migratoires de vaste ampleur vers une Algérie départementalisée après sa brutale « pacification », premières conquêtes dans la péninsule indochinoise et dans les archipels environnants…). La décennie 1950 renvoie quant à elle au vaste mouvement d’émancipation des peuples colonisés et aux dernières tentatives d’accommodement des colonisateurs sur les terrains coloniaux (un exemple parmi tant d’autres : la concession de la citoyenneté aux « indigènes » des colonies françaises en 1946). Bref, la question au programme appelle à s’interroger à nou- veaux frais sur la notion de « situation coloniale » théorisée par Georges Balandier dans son article fameux de 1951. Sophie Dulucq Pour la section d’histoire contemporaine du jury Agrégation externe d’histoire Les sociétés coloniales : Afrique, Antilles, Asie (années 1850 – années 1950)1 MANUELS DE CONCOURS 1. Historiographie 2. Outils et instruments de travail 2. 1. Bibliographies et guides de recherche 2. 2. Dictionnaires, lexiques 2. 3. Atlas 3. Sources 3. 1. Recueils de sources, anthologies 3. 2. Sources imprimées 3. 3. Rapports et données statistiques 3. 4. Mémoires des acteurs et actrices de l’époque coloniale 3. 5. Romans 3. 6. Iconographie 3. 7. Ressources numériques Quelques revues spécialisées 4. Ouvrages généraux 4. 1. Ouvrages généraux : Empire ottoman, Afrique du Nord, Mandats/Égypte/Moyen-Orient 4-1-1 Empire ottoman 4-1-2 Afrique du Nord 4-1-3 Mandats/Égypte/Moyen-Orient 4. 2. Ouvrages généraux : Afrique subsaharienne, Madagascar et Mascareignes 4. 3. Ouvrages généraux : Asie méridionale, Asie du sud-est et Asie orientale 4. 5 Ouvrages généraux : Antilles 5. Conquérir, gouverner, contrôler n° 418 Historiens & Géographes 135 6. Acteurs, actrices, catégories sociales 7. Rapports de force, accommodements, résistances et nationalismes 8. Économies en contexte colonial 9. Sociétés et cultures rurales et urbaines 10. Religions et colonisation 11. Enseignement, cultures écrites 12. Médecine et action sanitaire et sociale 13. Dossiers spéciaux dans le magazine L’Histoire 14. Filmographie Films d’époque et documentaires Films de fiction à dimension historique Manuels de concours BARJOT Dominique et FRÉMEAUX Jacques (dir.), Les socié- tés coloniales à l’âge des empires, Afrique, Antilles, Asie (années 1850-années 1950), uploads/Histoire/ lessocietescoloniales-bibliographieagreg-2012.pdf

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  • Publié le Jan 17, 2021
  • Catégorie History / Histoire
  • Langue French
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