Publics et Musées La belle histoire, aux origines de la nouvelle muséologie Fra
Publics et Musées La belle histoire, aux origines de la nouvelle muséologie François Mairesse Résumé Cet article s'attache à déterminer l'histoire de la Nouvelle Muséologie dans un contexte plus général, et décrit quelques- unes des premières actions muséales spécifiquement orientées vers l'initiative communautaire. De telles expériences, si elles voient le jour dès la fin du xixe siècle, connaissent surtout un réel développement à partir des années soixante. À partir de ce contexte, l'article propose quelques pistes de réflexions sur l'évolution actuelle de la Nouvelle Muséologie. Resumen El presente articulo tiene por objeto trazar la historia de la «nueva museologia» en un contexte general, a partir de la descripción de algunas de las primeras acciones museisticas orientadas hacia la iniciativa comunitaria. Si bien tales experiencias nacen a fines del siglo XIX, solo conoceràn un verdadero desarrollo a partir de los años sesenta. Partiendo de este contexte, el articulo propone algunas pistas para nutrir la reflexion acerca de la evolución actual de la «nueva museologia». Abstract This article tries to present the new museology in a more general context and describes some of the first museal events with a specific orientation (ou specifically oriented ) towards community initiative. Such experiences, though they appear as early as the end of the xixth century, have developped mainly from the 1960s on. Taking this context as its starting point, this paper submits some lines of reflection on the present evolution of the new museology. Citer ce document / Cite this document : Mairesse François. La belle histoire, aux origines de la nouvelle muséologie. In: Publics et Musées, n°17-18, 2000. L'écomusée : rêve ou réalité (sous la direction de André Desvallées) pp. 33-56. doi : 10.3406/pumus.2000.1154 http://www.persee.fr/doc/pumus_1164-5385_2000_num_17_1_1154 Document généré le 17/10/2015 François Mairesse LA BELLE HISTOIRE AUX ORIGINES DE LA NOUVELLE MUSÉOLOGIE pas e ne me lasserai donc 5as de le répéter, notre muséologie n'est apparue nouvelle que dans la mesure où la muséologie avait vieilli. [...] Notre muséologie n'a-t-elle pas ses modèles chez tous les muséologues et muséo- graphes dynamiques depuis que le musée existe? N'a-t-elle pas toujours existé et n'est-elle pas la seule bonne muséologie? » (Desvallées, 1992, p. 22-23) La nouvelle muséologie n'est pas née ex nihilo. Sans pour autant envisager celle-ci comme un conglomérat de tout ce qui, en matière de philosophie du musée, pourrait être considéré comme «dynamique», les racines de la nouvelle muséologie plongent dans un substrat dense et parfois ancien, dont les couches sédimentaires les plus profondes peuvent être rattachées, sans trop de difficultés, à la fin du siècle dernier. Le préfixe « éco », qui a été rajouté à nombre de musées se réclamant de cette tendance, ainsi que leur aspect extérieur, laisse parfois penser à une filiation plus ou moins directe avec les musées de plein air ou les Heimatmuseen allemands du début du siècle (Cruz-Ramirez, 1985). Un tel rapprochement, s'il n'est pas foncièrement erroné - a fortiori pour bon nombre d'écomusées actuels dont la nature est plus proche du musée de folklore que de la nouvelle muséologie -, ne rend pas vraiment compte de l'originalité propre à ce courant initié durant les années soixante-dix (dans une telle perspective, la nouvelle muséologie ne découlerait en effet que d'une transformation purement extérieure du musée - une sorte de musée élargi, sorti de sa «boîte»). Pour percevoir la spécificité des racines écomuséologiques, il conviendrait plutôt de partir à la recherche des objectifs que se sont fixés les premiers créateurs, ainsi que des valeurs que ceux-ci souhaitaient défendre, aux antipodes de cette muséologie «vieillie» contre laquelle s'insurge plus haut André Desvallées. Les pistes dégagées par cette recherche permettront d'aboutir à quelques-uns des grands précurseurs dont la nouvelle muséologie peut se prévaloir: Edmond Groult, Patrick Geddes et John Cotton Dana. Le travail de ces pionniers servira à baliser 33 AUX ORIGINES DE LA NOUVELLE MUSÉOLOGIE PUBLICS & MUSÉES N° 17-18 l'évocation des plus récents protagonistes du mouvement des écomusées. Avec les quelques années de recul dont nous disposons, il semble cependant que l'utopie ait rapidement disparu du mouvement. Comment en est-on arrivé à banaliser le concept d'écomusée - qui ne présente plus rien de révolutionnaire - et à l'accommoder de plus en plus régulièrement à l'idée du musée classique et des méthodes - largement anglo- saxonnes — de gestion et de profitabilité (ou à tout le moins d'augmentation de la part d'autofinancement des activités) du musée ? LE TEMPS DES UTOPIES p JL lus de dix ans après la chute du Mur de Berlin, il devient presque difficile d'imaginer le climat d'effervescence et les antagonismes quasi manichéens qui régnaient durant les années soixante et soixante-dix. Ce n'est pas tant le «mal» ou la «crise» des musées prévalant à cette époque (Blanchot, 1971; Clair, 1972; O'Doherty, 1972) qui sont utiles à rappeler ici, que la folle espérance de bouleversement radical des conditions de vie de l'humanité à laquelle un nombre semblait-il toujours croissant de partisans voulait croire. Marxisme-léninisme, maoïsme, trotskisme, etc., paraissaient alors pour nombre d'occidentaux faire la part belle à l'homme, replaçant celui-ci au centre de toutes les préoccupations, alors qu'il paraissait être détrôné par un capital honni, soumettant patrimoine et travailleurs à sa seule volonté. L'hymne au capital que semblaient parfois symboliser les musées, réceptacles ou conservatoires de richesses dans lesquels le public jouait finalement un rôle de figurant, appelait immanquablement une réforme en profondeur de l'institution. Cette réforme, on peut assurer que la nouvelle muséologie entendait la mener à bien. Plaçant l'homme au centre du dispositif muséal, l'homme avant le public, et bien avant les collections, l'écomusée «tendance révolutionnaire» s'écartait d'emblée du musée tel qu'on le rencontrait durant ces années, pour se placer véritablement au service de la société et de son développement. Le projet d'écomusée de la Communauté du Creusot en constitue alors le prototype, «musée éclaté», sans limites véritables sinon les 500 km2 de la communauté qu'il sert. «La communauté tout entière constitue un musée vivant dont le public se trouve en permanence à l'intérieur. Le musée n'a pas de visiteurs, il a des habitants» (Varine, 1973, p. 244). Un musée qui ne possède pas non plus de collections, bien que tout objet à l'intérieur du périmètre fasse «moralement partie du musée ». Les principes de conservation ne s'appliquent plus qu'à une fraction de la collection «globale»; l'aspect patrimonial du musée en est totalement bouleversé. «Le musée tel que nous le voyons se construire peu à peu ne peut pas avoir de conservateurs. Il n'a que des acteurs : tous les habitants de la communauté. Ces habitants possèdent isolément et conjointement le musée et ses collections» (Varine, 1973, p. 246). Des habitants qui sont chargés de prendre en main le musée et leur destinée, ou plutôt d'utiliser le musée pour accomplir leur destin (en l'occurrence, 34 AUX ORIGINES DE LA NOUVELLE MUSÉOLOGIE PUBLICS & MUSÉES N° 17-18 s'émanciper de leur relation d'assistés et de nostalgiques des heures révolues). Du musée sanctuaire dédié à l'élite, il ne reste rien, tant l'écomusée entend rompre définitivement avec la logique élitiste et la relation passive du spectateur. L'écomusée se veut outil, au service de l'ensemble d'une population constituée d'acteurs-usagers qui, sans remords, pourraient à terme liquider l'outil une fois celui-ci devenu obsolète. Cette volonté de s'ouvrir à l'ensemble de la population, de désacraliser le musée et d'en utiliser les fonds comme autant d'outils afin d'assurer le développement de la communauté desservie, pour utopique qu'elle puisse paraître (eu égard aux actuels développements des écomusées), n'en constitue sans doute pas moins le principe moteur de la dynamique de la nouvelle muséologie. Et c'est bien ce principe qui s'écarte le plus radicalement de celui du musée classique, que celui-ci se conjugue sur le mode du Louvre ou du Musée des demoiselles de Marsac (Vialatte, 1949). Un principe qui se retrouve, par contre, dans certaines tentatives plus anciennes de révision du musée, à commencer par le projet des musées cantonaux de Groult. L C E A N M T U O S N E A E L L ie dessein d'Edmond Groult, avocat à Lisieux, s'inscrit à la suite d'un vaste mouvement de démocratisation du musée. Démocratisation toute relative, en ce qui concerne les grandes institutions nationales qu'érigent progressivement les nations européennes. Car celles-ci se veulent ouvertes à l'ouvrier, l'arrachant ainsi aux «bouges» et autres lieux de «stupre» dans lesquels il dépense l'ensemble de sa paye, afin qu'il bénéficie d'une saine éducation aux principes du beau, et s'initie ainsi à la morale (Bennet, 1995 ; Poulot, 1985 et 1994). Mais de tels édifices semblent néanmoins offrir un idéal trop élevé pour l'humble visiteur des banlieues ou des campagnes. «Les parquets de marbre sont trop froids pour les petits pieds nus», remarquait Mario Vasquez peu de temps après l'ouverture du musée national d'Anthropologie de Mexico, (Cameron, 1992, cité d'après Vagues, 1994). Il semblerait qu'une même idée avait déjà germé dans l'esprit de quelques partisans d'une plus grande démocratisation du concept, dont Groult. «Les musées cantonaux, comme leur nom l'indique, s'adressent principalement aux populations laborieuses et honnêtes de nos campagnes, trop négligées jusqu'à ce jour. Ils ne uploads/Histoire/ mairesse-nouvelle-museologie.pdf
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- Publié le Sep 29, 2021
- Catégorie History / Histoire
- Langue French
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