Comment caractériser la qualité de la programmation de la chaîne de télévision

Comment caractériser la qualité de la programmation de la chaîne de télévision Rede Globo de Televisão ? Elizabeth Bastos Duarte1 1. Considérations introductives Tant de diversité ! Télévision publique ? Télévision privée ? Télévision de l’État ? Télévision éducative ? Des contextes médiatiques qui diffèrent d’un pays à l’autre ; des préférences pour des thématiques, types de traitement, genres, formats, tons. En réalité, les questions sur la qualité de la programmation télévisuelle ne sont pas récentes : elles sont même apparues dans différents pays et segments sociaux dès la mise en fonctionnement de la télévision. En outre, elles ont donné lieu à d’innombrables débats sur le thème et à la quête de critères plus sûrs pour définir ce que l’on entend véritablement par une télévision de qualité. Depuis, la discussion sur la qualité télévisuelle – une expression forgée par l’intelligentsia anglaise des années 1970/1980 – oscille entre les questions éthiques, liées à la fonction sociale et éducative de la télévision, et les aspects esthétiques, liés à l’expérimentalisme formel, à l’exploitation de ressources technico-expressives novatrices, à la proposition de nouveaux formats et à la reformulation d’autres déjà consacrés par la télévision elle-même. Il y a aussi ceux qui estiment que le seul moyen d’obtenir une qualité télévisuelle serait de diffuser des produits culturels et artistiques importés d’autres moyens de communication – cinéma, littérature, théâtre, danse, etc. Sans ignorer ces différents points de vue, nous partons du présupposé selon lequel la qualité de la télévision ne peut être définie qu’à partir des caractéristiques, du domaine d’action et des fonctions de ce mass media et, surtout, du type de produit véhiculé. 1 Professeur docteur du programme de troisième cycle (pós-graduação) en communication de l’Université Fédérale de Santa Maria (UFSM), Brésil ; Chercheuse niveau 1C du Conseil National de Développement Scientifique et Technologique (CNPq) ; Titulaire d’un post-doctorat en télévision de l’Université Paris III – Sorbonne Nouvelle ; Directrice de la Collection Estudos sobre o audiovisual [Études sur l’Audiovisuel] de la maison d’édition Sulinas. La télévision est un média qui vit de la consommation des produits qu’elle met sur le marché, aux caractéristiques éminemment discursives : c’est une industrie de textes construits à partir de la grammaire du télévisuel, dont les normes les plus générales sont la sérialisation et la fragmentation conséquente de ses récits ; la mobilisation et l’articulation de différents langages sonores et visuels pour son expression, surdéterminées par les moyens techniques de production, diffusion et consommation de ces récits. Ainsi, la qualité de ces produits que sont les programmes télévisuels est en lien avec : la compétence et la créativité au niveau de la structuration et la réalisation de leurs récits, en dépit des thèmes abordés ; les ressources discursives et expressives utilisées pour leur manifestation ; les technologies employées pour qualifier leur réalisation, diffusion et consommation, en considérant les fonctions qui ont donné à la télévision sa notoriété – loisirs, information, éducation ; l’approbation et la consommation nécessaires de son public cible, les téléspectateurs. Quant aux aspects éthiques ou esthétiques de cette production, ils sont difficiles à évaluer dans la mesure où ils varient selon les cultures et les idéologies. Dans le contexte brésilien où la télévision est née en tant qu’entreprise privée régie par les lois du marché, ces questions auraient pu passer inaperçues si les chaînes de télévision (gratuites) ne vendaient pas des espaces commerciaux pour subvenir à leurs besoins – des espaces à la valeur proportionnelle à l’audience obtenue par une chaîne à un horaire donné. D’où l’importance d’offrir au marché télévisuel des produits de qualité, capables de susciter l’intérêt et de conquérir le téléspectateur, en comptant si possible sur l’assentiment de la critique spécialisée. Dans ce mouvement circulaire, la qualité supposée des produits est avant tout la conséquence de cette logique économique, qui vise à les rendre compétitifs sur le marché télévisuel étant donné que la structuration commerciale des réseaux et chaînes de télévision dépend de l’audience. Lorsqu’on examine la qualité d’un programme, on ne peut donc oublier que le marché télévisuel est extrêmement disputé et qu’il offre à la consommation des spectateurs des textes basés sur les faits, la fiction et la simulation, intégrés aux principes régissant la production de marchandises en général : il faut proposer sans cesse de nouvelles séries de produits qui se présentent comme des nouveautés ; s’il s’agit en réalité d’une répétition de tout ce qui a déjà été testé et qui a fonctionné (entendez par-là une forte audience), il faut les revêtir de nouveaux atouts. C’est le cas 2 des fictions brésiliennes – feuilletons, séries, miniséries –, en particulier celles produites par la chaîne de télévision Rede Globo. De fait, elles possèdent une grande valeur commerciale sur le marché aussi bien national qu’international de la production télévisuelle. Afin de s’imposer sur le marché et de se distinguer des autres grands réseaux de télévision du pays (représentés actuellement par SBT (Sistema Brasileiro de Televisão), Band (Rede Bandeirantes) et TV Record, surtout connus pour diffuser des programmes dits sensationnalistes et populistes (Fenchine, 2007, p. 4)), la Rede Globo s’est appropriée la première du discours de qualité. Grâce à cette décision stratégique, elle est parvenue à dominer l’audience et, par voie de conséquence, à définir les normes de qualité devant être adoptées par les autres chaînes ; sa production est devenue une référence de qualité, objet de respect, d’admiration et d’exemple pour les autres. Le présent travail se propose de partir de cette conception de qualité télévisuelle pour étudier les différents aspects potentiellement responsables de la position dominante de la Rede Globo par rapport aux autres réseaux de télévision, à savoir : sa structuration comme entreprise ; la norme organisationnelle de sa programmation ; les investissements technologiques permanents ; les exigences vis-à-vis du secteur productif ; et, surtout, le type de produit offert au marché. Partant de là, l’objectif est de voir s’il existe réellement un lien entre ses taux élevés d’audience et la qualité de ses produits et de sa programmation. Il convient également de souligner qu’au long de ces soixante années de fonctionnement la télévision brésilienne, et en particulier la Rede Globo, a établi les règles d’une sorte de grammaire de formes d’expression du télévisuel. Et même si elle est en construction permanente, elle structure les récits, met en forme les textes télévisuels en les dotant de caractéristiques spécifiques qui les distinguent d’autres textes audiovisuels diffusés par d’autres médias. À l’heure actuelle, les programmes de la Rede Globo sont cependant en train de connaître des transformations importantes. En cause, les logiques et les intérêts qui règnent sur sa production discursive et les multiples fonctions que la chaîne s’arroge, mais aussi le style imprimé à ces produits avec la corroboration des nouvelles technologies de production, de diffusion et de consommation des produits télévisuels. Si ces altérations se répercutent sur la 3 production télévisuelle de la chaîne tout entière, nous centrons notre réflexion sur les produits fictionnels dans le but de mesurer les interférences de l’incorporation de ces transformations les plus récentes dans son organisation narrative, dans la définition des procédures discursives adoptées et, finalement, dans la qualité de ses produits et dans la grammaire des formes d’expression du télévisuel. 2. Le contexte énonciatif En réalité, les différences pertinentes, celles sur la base desquelles se cristallisent les véritables sentiments identitaires, ne sont jamais entièrement tracées par avance : elles n'existent que dans la mesure où les sujets les construisent et que sous la forme qu’ils leur donnent. Landowski, 2002, p. 12. Les chaînes de télévision ne peuvent pas être pensées comme de simples émettrices ou stations de retransmission : elles sont avant tout des énonciatrices, constructrices d’une identité qui cherche à se manifester de façon cohérente et séductrice. À aucun moment on ne peut oublier que la télévision désire et a besoin d’être assistée. Elle vise à conquérir et à maintenir l’attention des téléspectateurs parce que c’est cela qui assure sa survie en tant qu’entreprise privée à la recherche de profits. C’est la raison pour laquelle elle interpelle constamment le téléspectateur, l’invite à participer à son jeu communicatif. Et comme seul un sujet peut interpeller d’autres sujets, elle doit se constituer comme sujet, se doter d’une identité, d’une image et d’une marque. Finalement, il lui faut se construire discursivement et stratégiquement en tant qu’énonciatrice. Mais la tâche n’est pas simple, car le processus communicatif télévisuel comporte différents niveaux de sujets énonciateurs : l’instance représentée par l’entreprise commerciale, régie par une logique économique et donc en quête de profits ; l’instance institutionnelle, chargée de missions dans l’espace public et institutionnellement responsable des informations diffusées ; l’instance représentative de la marque, toujours en concurrence avec les autres chaînes via ses programmes et sa programmation ; l’instance de réalisation, représentée par les sujets qui font partie de l’équipe de production/réalisation des programmes ; l’instance discursive, qui peut inclure des énonciateurs énoncés, des acteurs discursifs qui opèrent dans le texte télévisuel. C’est le 4 cas des présentateurs, animateurs, présentateurs-vedettes, reporters et/ou intervieweurs, qui tiennent le rôle d’énonciateurs au sein du programme ; l’instance de représentation symbolique uploads/Industriel/ beth-b-duarte-082012-version-ecrite.pdf

  • 27
  • 0
  • 0
Afficher les détails des licences
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise
Partager