CONTRIBUTION A L'ETUDE DE LA PRODUCTION AGRICOLE EN BELGIQUE DE 1846 à 1913 par

CONTRIBUTION A L'ETUDE DE LA PRODUCTION AGRICOLE EN BELGIQUE DE 1846 à 1913 par J. GADISSEUR Assistant à l'Université de Liège "La Belgique est citée partout comme le pays le plus essentiellement agricole de l'Europe". (Un membre du Conseil supérieur d'agriculture - 1847) EN GUISE D'A VANT-PROPOS Quand nos amis Dhondt et Craeybeckx nous demandèrent d'apporter à leur étude des sociétés agricoles du 19e siècle la contribution que nos recherches collectives d'histoire quantitative belge permettaient, nous avions accepté avec réticence. Nos recherches, en effet, étaient moins avancées pour le secteur agricole qu 'elles ne l'étaient pour le secteur industriel, le commerce extérieur ou les finances publiques. Nous pensions rédiger cet article avec M. Jean Gadisseur, qui, au sein de notre groupe d'études de l'histoire quantitative et du développement, a la responsabilité de l'évaluation et de l'analyse du produit physique (en gros, industrie et agriculture) de la Belgique de 1830 à 191 S. En fait, c'est M. Gadisseur qui a assuré la totalité de la charge. Il n'en doit cependant pas assumer seul la responsabilité. En effet, seul le devoir impérieux que nous considérions avoir envers la mémoire d'un homme qui fut un grand ami et pour lequel nous avions la plus grande admiration, nous a décidé de publier les pages qui suivent. De celles-ci, on se doutera peu, en les lisant, des trésors de finesse, de subtilité et d'imagination qu'il fallut mettre en oeuvre 1 pour construire le donné. La chose étant dite et hommage en ayant été rendu à l'auteur, nous ne pouvons trop insister sur le caractère hâtif et provisoire du présent essai. Ai. Gadisseur en est parfaitement conscient, il le dira. Nous demandons simplement aux lecteurs de ne pas exiger davantage qu'on ne leur donne, mais, par contre, nous les pressons vivement de nous faire part de leurs critiques et suggestions, sans lesquelles l'oeuvre achevée - si tant est que ce mot ait un sens en histoire - ne serait pas ce qu'elle pourrait être. Ayant pris des risques en mémoire d'un homme qui les aimait, nous attendons la collaboration critique des lecteurs en mémoire d'un homme qui l'aurait appréciée. Pierre Lebrun. INTRODUCTION Alors qu'au lendemain de l'indépendance, l'agriculture était considérée unanimement comme la "principale industrie" du pays, et que le gouvernement s'inquiétait des moyens propres à accroître sa production, nous ne, trouvons pour le dix-neuvième siècle qu'une statistique agricole relativement pauvre. Antérieurement à 1846, aucun relevé annuel ne fut opéré et seules quelques informations de valeur assez inégale sont disponibles. Le recensement de 1846 marqua le point de départ d'une statistique annuelle des prix moyens et des rendements à l'hectare des principales cultures. Encore ces dernières n'étaient-elles établies qu'à partir d'estimation et non de mesures précises. Tous les dix ans d'abord, tous les quinze ans ensuite, les grands recensements permirent d'établir un état de la répartition des cultures, des effectifs du cheptel et de l'organisation du secteur agricole. Ce ne fut que de 1901 à 1913 qu'eurent lieu des recensements annuels, d'ailleurs assez sommaires. Cette pauvreté des informations chiffrées, ainsi d'ailleurs que leur fréquente imprécision, nous ont convaincu qu'une analyse quantitative digne de ce nom ne pouvait être poursuivie sans une importante recherche heuristique complémentaire. Fort heureuse- ment, les Bulletins du Conseil supérieur d'agriculture, les Exposés de la situation administrative des provinces ainsi que dans une mesure moindre les Exposés de la situation du Royaume renferment des trésors de renseignements - chiffrés ou non - qui, par leur exploitation systématique, permettront, sinon de compléter la statistique, au moins de la préciser et d'établir des modèles d'estimation vraisemblables. Bien que largement entamé, le dépouillement de ces importantes publications nous prendra encore de nombreux mois. Quoique déjà assez nombreux, les renseignements actuellement recueillis, s'ils nous ont permis de jeter une lumière occasionnelle sur certains événements, ne pourront être pleinement utilisés que lorsque, l'ensemble du travail étant terminé, le rapprochement systématique des informations de nature ou d'origine diverses leur donnera toute leur signification. En attendant ce jour force nous est de nous contenter de peu, et de chercher, en une phase exploratoire, à extraire de ('immédiatement disponible un maximum d'indications. La présente étude est donc provisoire, sommaire et incomplète. Quant au fond, elle souffre d'une quadruple limitation. Premièrement, nous avons adopté pour point de départ, non pas 1831, comme il eut été logique, mais 1846, comme il a été possible. Deuxièmement, notre analyse sera globale et nous négligerons pour le moment les caractères propres aux diverses régions. Troisièmement, l'important problème des relations et des influences entre secteurs sera laissé de côté, à l'exception toutefois de l'incidence possible de la croissance industrielle sur l'agriculture. Enfin, le caractère sommaire des relevés effectués jusqu'ici ne nous permettra, ni d'affirmer avec force, ni d'expliquer avec exactitude, ni de conclure avec précision. Quant à la forme, nous avons cru pouvoir nous dispenser, étant donné le caractère provisoire du travail et le peu de place dont nous disposions, de développer comme il eut été souhaitable les commentaires historiques et critiques et de donner les références de détail (1). Dans un premier chapitre, nous esquisserons les circonstances principales de la croissance agricole, de façon à donner une idée du contexte général dans lequel se situe son histoire. Le second chapitre sera consacré au produit agricole. Nous y exposerons d'abord la méthode utilisée pour mesurer ce produit; nous examinerons ensuite les grands traits de son évolution. Nous tenterons, dans lés deux chapitres suivants, l'un consacré à l'étude des rendements, l'autre à celle de l'évolution des structures, de proposer au moins à titre (1) Nous ne pouvons omettre de signaler l'excellent ouvrage de G. BUBLOT, La production agricole belge, Etude économique séculaire 1846-1955, Louvain- Paris, 1957. Quoique d'une orientation différente, puisque l'auteur étudie principalement révolution des coûts de production, ce livre a été pour nous, par la richesse et l'exactitude de sa documentation, un guide constant. d'hypothèses, quelques explications aux faits qui se dégagent de l'étude du produit. Enfin, avant de conclure, nous tenterons, en quelques pages, d'estimer la part de l'agriculture dans l'ensemble du produit physique, afin d'éclairer quelque peu le processus d'industrialisation. Comme on le verra, la prétention de cet article n'est nullement d'apporter aux questions posées des réponses définitives. Bien au contraire, nous nous contenterons simplement de préciser dans la mesure de nos moyens quelques-uns des aspects de la croissance agricole de la Belgique au XIXe siècle, d'émettre quelques hypothèses et d'ouvrir quelques pistes. Notre espoir est que les lecteurs, faisant preuve d'un esprit de critique sévère vis-à-vis du texte, mais indulgente vis-à-vis de l'auteur, nous feront part de leurs suggestions et, par leurs conseils, nous permettront de donner à notre recherche une orientation meilleure. I. LE SECTEUR AGRICOLE De 1831 à 1913, le produit physique de l'industrie belge se trouva multiplié par douze. En 1845, la production de fonte était de 135.000 tonnes par an. En 1913, elle atteignait 2.485.000 tonnes. En moins d'un siècle (1831-1913) le sous-sol belge avait livré 1.250 millions de tonnes de charbon (2). Avec le recul du temps, cette croissance industrielle ap para IT. frénétique. Elle ne se traduisit pas seulement dans les chiffres de la production, mais exerça sur les autres aspects de la vie économique une influence profonde. En contraste, l'agriculture belge paraît un secteur passif, qui n'évolue, sur le plan de la production comme sur celui des structures, que d'une manière lente, par une suite de modifications assez peu perceptibles et, le plus souvent, sous la pression d'événements extérieurs. En fait, cette inertie témoigne autant des limites qu'impose la nature à l'accroissement des productions que des progrès déjà réalisés auparavant. En dehors de quelques régions, il ne restait en 1846 que peu de terres laissées à l'abandon faute de main-d'oeuvre. Le plus souvent, il s'agissait de terrains peu propres à la culture et qui ne pouvaient produire que grâce à un apport continuel d'amendements et d'engrais. L'aide au défrichement apportée par les pouvoirs publics (2) J. GADISSEUR, L'indice de la production industrielle en Belgique de 1830 à 1913, (2 vol.), Liège, 1971 (stencilé). au début de la période, en fournissant la chaux nécessaire à prix réduit (3), permit certes d'approprier à la culture des étendues appréciables. Mais il convient de remarquer que nombre de ces défrichements furent fort éphémères dans leurs effets. REPARTITION DU DOMAINE AGRICOLE (4) (en milliers d'hectares) Années 1846 1856 1866 1880 1895 1910 Cultures (5) 1.743 1.796 1.918 1.925 1.853 1.890 Terrains incultes (6) 290 262 232 169 108 Bois (7) 524 447 508 544 542 II apparaît à la lecture du tableau qui précède que les superficies cultivées augmentèrent assez considérablement de 1846 à 1866 (8), à la fois par le défrichement de terres incultes et par le déboisement. Dès 1866 cependant, le mouvement s'infléchit et l'on constate que si la mise en valeur des terres incultes se poursuivit, ce ne fut guère au profit de la culture proprement dite, dont l'étendue passa de 1.918.000 hectares en 1866 à 1.853.000 hectares en 1895 pour remonter ensuite, en 1910 à 1.890.000 hectares. De 1846 à 1910, l'étendue réservée aux cultures proprement dites uploads/Industriel/ btng-rbhc-04-1973-1-2-pp-001-048.pdf

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