1 Réflexions sur les multiples dimensions de la performance dans le commerce et

1 Réflexions sur les multiples dimensions de la performance dans le commerce et la distribution1 Camal Gallouj Professeur des Universités CEPN-CNRS Université Paris 13 IUT de Saint Denis Place du 8 Mai 1945 93206 Saint Denis Cedex Camal@Gallouj.com 06 62 18 58 77 Marie Hélène Vigliano Maître de Conférences Université de Paris 13 IUT de Saint Denis Place du 8 Mai 1945 93206 Saint Denis Cedex mhvigliano@gmail.com 1 Cette communication s’appuie sur un certain nombre de travaux menés en collaboration avec Faïz Gallouj et Faridah Djellal. 2 Réflexions sur les multiples dimensions de la performance dans le commerce et la distribution Résumé : La question de la performance est une question récurrente dans les travaux sur le commerce et la distribution. Elle a cependant souvent été réduite (tant dans les travaux de recherche que dans les pratiques managériales) à la construction et à l’usage de ratios de productivité (selon une logique industrialiste). Nous montrons que cette manière de faire est trop restrictive et de moins en moins adaptée à un secteur commercial qui s’est fortement complexifié et dématérialisé. Nous dessinons ensuite les contours d’une approche multicritères d’évaluation de l’output commercial et nous proposons une grille de lecture des performances qui pourrait servir de base à la négociation entre acteurs. Mots clés : productivité, performance, évaluation, services, approches multicritères Discussions on the Various Dimensions of Performance in Large Scale Retailing Abstract : the topic of performance is rather a recurrent one in researches on retailing. It has nevertheless often been reduced (both in academic publications and in managerial practices) to the construct and the use of productivity ratios (following an industrialistic logic). We contend that this way of doing in rather restrictive and far from beeing adapted to the retailing sector who has encountered increasing complexity and intangibility. We then draw the frontiers of a multicriteria approach to evaluate the output of retailing and we build a grid which allows use to grasp the various dimensions of performance. This grid can also be used as a negociation basis between actors and stakeholders in the field. Key words : productivity, performance, evaluation, services, multicriteria approach 3 Dans les années 80, certains travaux menés notamment aux Etats-Unis ont eu tendance à montrer que le niveau de croissance de la productivité dans le commerce et plus largement dans les services) se situait très nettement en dessous des niveaux moyens atteints par l’industrie manufacturière. Ces travaux ont contribué à conforter l’image d’un secteur commercial neutre, voire parasitaire, à faible intensité capitalistique et faible capacité d’innovation (1) Cependant, dans le milieu des années 90, les recherches sur la performance et la productivité dans le commerce ont connu un net enrichissement, en particulier parce qu’ils ont bénéficié des développements issus de l’économie et du management des services. Ces recherches (dont les nôtres) ont montré que le commerce était un secteur singulier, caractérisé par un output relativement flou. Le commerce est en effet un service architectural de type complexe2 dont la productivité et plus généralement la performance ne peut être abordée au travers de critères simples forgés généralement pour le monde industriel. Dans cette contribution, nous cherchons à revenir sur les difficultés d’évaluation de la performance dans le secteur du commerce. Dans une première section nous faisons rapidement état des pratiques traditionnelles d’évaluation de la performance commerciale et nous insistons tout particulièrement sur les approches en termes de productivité. Dans une deuxième section nous mettons en avant la diversité des produits commerciaux, qui fait qu’une évaluation simple de la performance est trop souvent parcellaire et restrictive. Enfin, les sections 3 et 4 sont consacrées à la mise en avant de la diversité des niveaux d’analyse de la performance dans le commerce et les relations que ces différents niveaux d’analyse peuvent entretenir entre eux. 1. Performance commerciale et « dictature » de la productivité » : l’état du débat Un rapide survey des travaux sur la performance dans le secteur du commerce et de la distribution montre que c’est bien la notion de productivité et l’analyse (et la construction) de ratios de productivité qui restent au cœur des réflexions des chercheurs en management de la distribution. Cette notion de productivité continue également, selon les termes de Walters et Laffy (2), d’être une dimension centrale des préoccupations managériales de la distribution. Les données de productivité permettraient en effet de faciliter ou encore de soutenir un certain nombre de décisions tant stratégiques qu’opérationnelles. Comme le précisent Dubelaar et al. (2002, p. 417) : « Retail productivity provides vital information for number of tactical, strategic and policy related decisions in the retail industry… Clearly, given its wide use, retail productivity plays an important role in the control and management of retail organisations ». Les ratios en question sont relativement nombreux et divers. Il n’est pas nécessaire d’y revenir ici en détail. Nous en proposons néanmoins, dans l’encadré 1, une sélection parmi les plus courants et les plus diffusés auprès des professionnels et des chercheurs (4,5,6) . 2 On aurait même assisté ces dernières années à une complexification accrue du produit dans le grand commerce en particulier (Gallouj et Gallouj, 2009). 4 Encadré 1 : Quelques exemples de ratios (« dits ») de productivité Espace de vente CA au m2 (surface de vente) Marge bénéficiaire brute par m2 de surface de vente Nombre de transactions par m2 de surface de vente Débits (nombres de passages en caisse sur une période donnée Panier moyen (CA/débits) Stocks Taux de rotation des stocks Pourcentage de marge bénéficiaire brute Rentabilité de la marge bénéficiaire brute sur les stocks Personnel CA, ventes par employé (ventes par h. par personne) Marge bénéficiaire brute par employé (heures travaillées) Actif total Ventes nettes par rapport à l’actif total La diffusion et le succès des travaux et réflexions mais surtout l’usage courant par les managers des ratios de productivité, s’explique très largement par leur simplicité apparente. En effet, en tant que ratio3, la productivité rapporte une quantité d’output à une quantité d’input (ou ressources utilisées) contribuant ainsi à fournir des indications sur l’efficacité avec laquelle les ressources sont employées. Derrière l’apparente simplicité de la définition de la productivité (et des ratios considérés) se cachent cependant d’énormes problèmes liés à la mesure et à la multiplicité des indicateurs possibles. Il n’est pas nécessaire de revenir sur les nombreuses difficultés techniques sous- jacentes (pour plus de précisions, on se référera à l’ouvrage de Djellal et Gallouj (8) qui en propose une synthèse et une critique détaillée). Nous nous contenterons ici de relever un certain nombre de limites plus fondamentales qui font que les analyses en termes de productivité sont, dans le secteur commercial, fortement sujettes à caution. 1). Les travaux existants sur la productivité et la performance dans le champs commercial souffrent pour l’essentiel d’un des biais maintes fois soulignés par les chercheurs en économie et management des services, à savoir que les outils et concepts de mesure de la performance (de la productivité) les plus utilisés sont en fait empruntés directement aux pratiques de l’industrie. Autrement dit, ils ne sont que faiblement adaptés à l’évaluation de la performance commerciale. Nooteboom (9), parmi d’autres, nous met en garde justement contre les transferts mécaniques de notion industrielles ou industrialistes vers les activités commerciales : « (manufacturing) industry provides a utility of form, while retailing provides a utility of time and place. In view of thoses differences, one should not readily and uncritically employ concepts and tools from studies of productivity in industry ». 3 Les ratios en question sont habituellement dérivés de quantités et pas d’unités monétaires. Dans le cas contraire on ne sait pas à priori si les améliorations éventuellement observées sont liées à une meilleure utilisation des ressources ou simplement à une fluctuation monétaire. 5 2). La recherche de la productivité à tout prix entraine certaines externalités négatives tant à court terme qu’à long terme4. Ainsi, elle peut induire un certain nombre de coûts sociaux (stress, problèmes de santé…) ou écologiques (dégradation de l’environnement) qui ne sont pas pris en compte généralement dans l’évaluation de la productivité. Au niveau « micro », la relation fréquemment dénoncée entre des stratégies trop agressives de productivité et la dégradation de la qualité (du service) est bien connue… 3). L’un des grands intérêts à priori des mesures de productivité réside dans leur utilisation dans une perspective de benchmarking inter et intra-organisationnel. Or, si l’on se limite au seul niveau intra-organisationnel, on peut montrer que ces mesures et comparaisons de productivité posent un problème d’équité et de justice. Elles sont souvent injustes, contreproductives et décourageantes pour les entités concernées. Ces dernières exercent en effet leurs activités dans des environnements socio-économiques (niveau de la demande locale, intensité de la concurrence locale…) souvent très différents et qui supportent difficilement les comparaisons trop mécaniques (10) ; 4). De nombreux travaux ont montré que dans les services, l’output exerce ses effets dans le temps. Il est nécessaire de distinguer le service commercial à court terme (service en actes) de ses effets à moyen et long termes. La littérature anglo-saxonne distingue ainsi l’output uploads/Industriel/ 2011-galloujvigliano2011 1 .pdf

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