Céreq Bref n° 140 - MARS 1998 1 LES NORMES D’ASSURANCE QUALITÉ ISO 9000 Prescri

Céreq Bref n° 140 - MARS 1998 1 LES NORMES D’ASSURANCE QUALITÉ ISO 9000 Prescription accrue ou opération de dévoilement des savoirs de l’entreprise ? Si la certification aux normes d’assurance qualité ISO 9000 constitue pour les entreprises un atout concurrentiel, elle représente aussi une démarche lourde qui suppose la mise en place de nouvelles méthodes de travail et l’écriture des procédures de travail. Bien qu’elle modifie leur façon de travailler, et même lorsqu’elle est réalisée de façon peu participative, cette démarche emporte l’adhésion des personnels de production. Ils la perçoivent comme source de plus de rigueur, de plus d’efficacité, de plus d’autonomie... En effet, elle légitime les savoirs d’expérience propres à la fonction de production qui ainsi peuvent devenir une ressource d’apprentissage pour l’ensemble des salariés. Elle constitue dès lors une opportunité pour l’entreprise d’enclencher une dynamique d’amélioration continue de ses processus. Toutefois, sa mise à profit dépend des formes organisationnelles adoptées. La certification aux normes d’assurance qualité ISO 9000 se veut un dispositif qui donne confiance aux clients dans l’aptitude de l’entreprise à réaliser et à maintenir la qua- lité voulue. À la différence des démarches qualité antérieures qui se limitaient au contrôle de produits finis, elle vise à prévenir l’apparition de non- conformités. Elle engage l’entreprise à s’assurer que toutes les activités ayant une influence sur la qualité de ses produits sont suf- fisamment définies et maîtrisées. Elle suppose la mise en place préalable de méthodes de travail spécifiques, telles la métrologie ou la gestion documentaire, et la mise par écrit des processus et procédures de travail. De plus, afin d’être capable de fournir la preuve tangible qu’elle a respecté les conditions de déroulement du pro- cessus sur lequel elle s’est engagée, l’entreprise certifiée ISO 9000 est tenue de garder la trace écrite et individuali- sée par lot du suivi quotidien de ce déroulement ; c’est ce que l’on appelle la « traçabilité ». La certification ISO 9000 est une démarche controversée. Elle tend en effet à accroître la codification du travail et ses détracteurs, associant très étroitement procédures écri- tes et pratiques prescriptives, la situent dans le strict prolongement de la tradition taylorienne. Critique que les promoteurs de la certification estiment pour leur part peu justifiée puisque, assurent- ils, elle vise essentiellement à recueillir et à consigner par écrit des pratiques profession- nelles courantes. Au- delà de ces analyses divergentes, les salariés qui sont directement concernés par le dispositif ISO 9000, bien que n’ayant pas des points de vue totalement homogènes, s’ac- cordent tant sur ses apports méthodologiques que sur l’intérêt de la mise en écriture des procédures de travail (cf. encadré page 3). DES APPORTS MÉTHODOLOGIQUES INCONTESTÉS La certification ISO 9000 n’est pas sans conséquences sur les méthodes de travail des exploitants, c’est- à- dire l’ensemble des personnels de fabrication de l’opérateur au responsable de la fonction. Revenant comme un leit- motiv, le terme de « rigueur » semble résumer leur représentation partagée des effets de la certification. Quelles que soient leurs activités ou leur position hié- rarchique, ils considèrent que les méthodes de travail induites par la certification ISO 9000 augmentent la ri- gueur. Cet accroissement de la rigueur, généralement décrit comme très positif, revêt plusieurs aspects : ce sont, par exemple, les mesures de contrôle systémati- ques des matières premières, les étalonnages « fréquencés » des instruments de mesure et des appa- Bref C E N T R E D ' E T U D E S E T D E R E C H E R C H E S S U R L E S Q U A L I F I C ATIONS Céreq Bref n° 140 - MARS 1998 2 reils de production, ou encore l’actualisation des docu- ments techniques et des dossiers de fabrication. Ces démarches éliminent les causes d’erreurs et diminuent la variabilité des processus de production qui, en con- séquence, deviennent plus faciles à maîtriser pour les exploitants. Par ailleurs, le fait de devoir consigner par écrit les con- ditions effectives du déroulement de la fabrication engendre des historiques sur des activités dont l’entre- prise ne considérait pas, jusqu’alors, utile de conserver une mémoire. Ce recueil d’informations n’induit pas seulement une sorte de sédimentation de l’expérience détenue. Il permet également de mieux comprendre les processus de production et les variations qui peuvent intervenir au cours de leur déroulement. La production systématique de « traces » ouvre ainsi la voie à une meilleure maîtrise et à une amélioration des conditions de la production. L’ÉCRITURE SYSTÉMATIQUE DES RÈGLES DE TRAVAIL, UNE DÉMARCHE QUI RECUEILLE UNE RÉELLE ADHÉSION L’écriture des procédures de travail, préalable à toute certification ISO 9000, est généralement réalisée par des responsables de fonction et par l’encadrement in- termédiaire. Les exploitants n’étant sollicités que pour effectuer une relecture et faire des remarques ou des suggestions. C’est donc une démarche qui peut s’avérer peu participative. Pourtant, contre toute attente, même lorsqu’elle est peu participative, l’écriture des procédures de travail n’est pas perçue par les opérateurs comme ayant été subie. Et elle ne paraît guère affecter les jugements qu’ils por- tent sur le dispositif lui- même. Au contraire, ils s’en disent généralement satisfaits. Bien que l’écriture des procédures tende à homogénéi- ser la manière de travailler, les exploitants ne la perçoivent pas comme une remise en cause profonde de leur activité. À leurs yeux, elle constitue plutôt une « sorte de mise en ordre » des pratiques courantes qui présente plusieurs avantages. • Tout d’abord, elle clarifie les zones de responsabilité car elle permet de hiérarchiser les caractéristiques des processus de fabrication considérées comme intangibles, dans le sens où l’encadrement exige qu’elles soient ab- solument respectées, de celles qui tolèrent des variations et relèvent de l’appréciation des exploitants. • Elle est également perçue comme pouvant être source d’autonomie car elle constitue un remède à l’oubli dans le cadre de certaines tâches qui sont effectuées peu fré- quemment. De plus, elle permet à l’opérateur de « se débrouiller seul » là où précédemment il devait recou- rir à l’encadrement pour corriger un dysfonctionnement ou une dérive du processus. Les procédures écrites in- diquent en effet les opérations à réaliser en cas de problèmes. Elles ne précisent toutefois pas la façon de mener à bien ces opérations. • Les procédures écrites sont aussi perçues, par les jeunes opérateurs comme par les plus expérimentés, comme une ressource de formation. Les possibilités d’apprentissage qu’offre l’écriture des pro- cédures de travail conduisent souvent les opérateurs à abandonner leurs traditionnels « petits carnets » individuels dans lesquels ils notent les informations de travail qu’ils jugent utiles (recettes, manières de faire, événements par- ticuliers...). Avec les procédures écrites, explique l’un d’eux, on a maintenant « un gros carnet collectif ». • Enfin, la construction du dispositif ISO 9000 suscite un réel intérêt car elle offre une plus grande lisibilité des inter- relations entre les activités qui concourent à la réalisation de la production, tant au sein d’un atelier qu’entre celui- ci et les services fonctionnels. Du coup, il devient plus natu- rel pour les opérateurs de se préoccuper des incidences de leur propre travail sur l’activité de ceux qui interviennent en aval. Ils sont ainsi amenés à se construire une représen- tation de l’ensemble du processus de production. DES PROCÉDURES QUI REFLÈTENT LES PRATIQUES COURANTES DES PERSONNELS DE FABRICATION Le décalage entre la faible participation des exploitants à l’écriture des procédures de travail et l’adhésion qu’ils manifestent à l’égard du dispositif ISO 9000, au moment de sa construction, est en fait moins paradoxal qu’il n’y paraît de prime abord. Les concepteurs et rédacteurs des procédures – en dehors des responsables de fonction – ont en général été eux- mêmes des opérateurs expérimentés et sont restés au contact direct des exploitants de base. Ils disposent donc d’une connaissance intime des pratiques de terrain. En sorte que les procédures écrites, loin de tra- duire le strict point de vue de l’encadrement, reflètent largement les pratiques de fabrication des opérateurs : « Les procédures, c’est l’historique du vécu des anciens » ; « (ISO 9000) c’est mettre au propre des modes opératoires, l’ex- périence des gens, le métier qu’on a maintenant ». Dès lors, le simple fait d’avoir été consultés, sollicités col- lectivement, pour relire les procédures écrites et faire des propositions constitue un changement important pour les opérateurs. Symboliquement cela signifie que l’on recon- naît explicitement qu’ils possèdent un savoir spécifique à apporter, que l’encadrement attend d’eux une forme d’ex- pertise sur l’activité qu’ils pratiquent. L’attention soudaine portée à la fonction fabrication in- dustrielle, souvent considérée comme subalterne par rapport à des fonctions dans lesquelles l’identité de métier est à la fois plus manifeste et plus structurée comme la maintenance, constitue même à leurs yeux un véritable progrès, une forme de consécration : « On a un métier, mais les gens disent qu’on n’a pas de métier parce que c’est un truc qu’on n’apprend pas à l’école. Eh bien oui, on apprend par bouquin, par expérience, par les procédu- res, tandis que les gens de l’entretien ils uploads/Industriel/ les-normes-d-x27-assurance-qualite-iso-9000.pdf

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