“BON A PENSER, BON A MANGER1”: LE CAS TRANSVERSAL DES ENJEUX STRATÉGIQUES, MARK

“BON A PENSER, BON A MANGER1”: LE CAS TRANSVERSAL DES ENJEUX STRATÉGIQUES, MARKETING ET COMPTABLES DANS L’INDUSTRIE DE L’ALIMENTATION HUMAINE A BASE D’INSECTES EN FRANCE Auteurs: Amélie Boutinot et Pierre-François Lelaurain --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- LIVRET 2 - INFORMATIONS DEDIEES A L’ANALYSE STRATEGIQUE --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- L’objectif de ce livret est de vous fournir les informations nécessaires à la compréhension et à l’analyse de l’environnement d’EntoMovoria. En complément des informations données dans le Livret 1, vous trouverez ici des informations en lien avec les tendances lourdes de l’environnement, l’industrie de l’alimentation humaine à base d’insectes ainsi que la filière y étant associée. INTRODUCTION - PRESENTATION DE LA FILIERE L’écosystème de l’alimentation humaine à base d’insectes est en cours de construction en France. A l’heure actuelle, une poignée de start-ups se livrent une course de vitesse2. Ces start-ups, peu nombreuses, sont généralement de petite taille et se battent pour offrir des insectes de qualité pour l’alimentation humaine. Mais certaines ferment leurs portes, faute de positionnement pertinent face à la lutte assez massive pour rester en vie dans ce secteur. Par exemple, Entomo Farm, créée en 2014, a été placée en liquidation judiciaire en novembre 2018. Selon les fondateurs, le point bloquant majeur a été que leur modèle était trop cher et trop ambitieux. Ils n’ont pas pu 1 Claude Levi-Strauss, 1962, Le totémisme aujourd’hui, Paris: PUF 2 Frasquet R., 13 mars 2018. Les insectes comestibles de demain ont déjà leur usine. Agence France Presse trouver suffisamment de liquidités pour développer leur modèle dans des conditions satisfaisantes de rentabilité3. A l’image de l’alimentation animale à base d’insectes, la filière de l’alimentation humaine à base d’insectes s’organise comme suit: Le maillon “Fournisseur d’insectes” correspond à une activité d’élevage d’insectes (dans une ferme d’élevage, soit artisanale soit automatisée). Les insectes sont considérés comme la matière première de la filière. Le maillon “Transformateur” correspond à une activité de transformation d’insectes entiers vivants provenant des fermes d’élevage en insectes entiers morts, en farine ou en huile. Les procédés de transformation peuvent être artisanaux ou automatisés (et dans ce cas souvent brevetés). En règle générale, les larves arrivées à maturité sont abattues par vapeur d’eau, déshydratées, puis transformées en farine ou huile4. Ces insectes, entiers, en huile ou en farine, peuvent être commercialisés auprès des producteurs et / ou distributeurs de la chaîne. Le maillon “Producteur” correspond à une activité de conception et fabrication d’aliments destinés aux humains, tels que des pâtes, biscuits, crackers… Le maillon “Distributeur” correspond à une activité de commercialisation des produits finis proposés par les producteurs notamment auprès des consommateurs. Ce sont généralement des magasins spécialisés. Une même entreprise peut être présente sur plusieurs maillons de la chaîne simultanément. C’est le cas de l’entreprise Micronutris, qui est à la fois fournisseur (elle a sa propre ferme d’élevage d’insectes), transformateur (elle transforme ses insectes en huile et farine) et producteur d’aliments à base d’insectes (elle vend des crackers sucrés et salés, des barres énergétiques… à base d’insectes), qu’elle vend directement via son site web, ou via des magasins spécialisés comme les magasins d’alimentation biologique. Si elle vend directement ses produits via son site web, elle pourra également être considérée comme “distributeur” - ce qui n’est pas le cas si elle vend à d’autres entreprises (type magasins spécialisés). II.1. Les tendances lourdes de l’environnement: perspectives sur les industries agro-alimentaires françaises 3 https://objectifaquitaine.latribune.fr/business/2018-11-30/clap-de-fin-pour-entomo-farm-799322.html 4 Gaudot, C., Vedeau F. & Bardon, E. (2019). Rapport CGAAER n°18079, Diversification de la ressource protéique en alimentation humaine et animale État des lieux et perspectives, Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation Fournisse ur d’insectes Transf ormate ur Produ cteur Distrib uteur Client s finaux Les tendances lourdes ici présentées font référence à l’environnement agro-alimentaire français. Les industries agro-alimentaires représentent un contexte d’analyse pertinent pour envisager une meilleure compréhension de l’environnement dans lequel une activité en lien avec l’alimentation humaine à base d’insectes peut s’insérer. Une variété de variables peut être envisagée pour comprendre cet environnement très riche et complexe. En voici une liste non exhaustive. Tout d’abord, le constat de l’augmentation de la population mondiale est sans appel. Selon les projections des Nations Unies, la population mondiale devrait atteindre les 9,8 milliards de personnes en 2050. Elle pourrait ainsi atteindre un nombre proche de 11 milliards d'individus vers l'an 21005. Ce constat présente diverses conséquences: - L’augmentation de la population mondiale crée des tensions sur les matières premières et les prix. L’augmentation de la population mondiale fait face aux limites de la planète et des ressources qui ne peuvent se multiplier à l’infini. En effet, dès la fin du XVIIIème siècle, Thomas Malthus constate que l’augmentation de la population est plus rapide que l’augmentation de la production des ressources alimentaires, car le développement de la population est exponentiel alors que le développement des ressources alimentaires est linéaire6. Ce constat, toujours valide, invite à repenser la consommation de matières premières. Pour les économistes libéraux, le marché régule “naturellement” cette équation: la consommation d’un bien se régulera en fonction de sa rareté et donc de son prix. Plus un produit est rare, plus il coûte cher, et moins il est consommé. Pour certains biens, comme les produits de la pêche par exemple, il faut une réglementation, pour éviter une épuration trop massive. - Un besoin de combler un fossé en protéines dans l’alimentation humaine. Comme évoqué dans le Livret 1, il est nécessaire de trouver de nouvelles sources de protéines pour répondre aux besoins nutritionnels de la croissance démographique mondiale. Gaudot et ses collègues, dans leur rapport de 2019 sur la diversification de la ressource protéique, affirment que “si la couverture en lipides et en glucides des 10 milliards d’habitants estimés d’ici 30 ans ne semble pas problématique, la couverture en besoin protéique sera beaucoup plus tendue. [...] Les terres agricoles adaptées à la culture et à l’élevage d’animaux de rente n’étant pas extensibles, il est clair que l’augmentation globale de la demande en protéines alimentaires, ne pourra être satisfaite ni par les productions végétales majoritairement consommées à ce jour (céréales, soja), ni par les productions animales pratiquées aujourd’hui.”7 5 https://www.un.org/fr/sections/issues-depth/population/index.html 6 https://www.andlil.com/les-limites-de-la-croissance-152023.html 7 Gaudot, C., Vedeau F. & Bardon, E. (2019). Rapport CGAAER n°18079, Diversification de la ressource protéique en alimentation humaine et animale État des lieux et perspectives, Ministère de l’Agriculture et - La protéine animale (élevage de boeufs…) massivement répandue dans le monde endommage l’environnement, notamment par le gaz à effet de serre et forte consommation d’eau. Comme évoqué dans le Livret 1, de manière générale, les impacts de l’élevage sur l’environnement sont considérables, tant au niveau des émissions de CO28(15% des émissions mondiales sont liées à l’élevage - soit plus que l’industrie et les transports!) que de la déforestation (91% des terres « récupérées » dans la forêt amazonienne servent ainsi aux pâturages ou à la production de soja qui nourrira plus tard le bétail). Face à ces constats, une consommation alimentaire de plus en plus réfléchie, tournée vers une vision de valeur (qualité, sécurité, propreté, santé, respect de l’environnement…) se met en place dans les pays développés, dont la France. Cette phase de transition nutritionnelle, déjà observée aux Etats-Unis, au Royaume-Uni ou en Allemagne, est en cours en France depuis le début des années 1980. Elle devient lisibles au travers de plusieurs dimensions: - Un essor du “Bio”, avec les labels et les valeurs associés - Une consommation de protéines carnées qui tend à diminuer (viandes de boucherie et particulièrement viande rouge). Les Français absorbent en moyenne 8 % de protéines d'origine animale de moins que dans les années 19909. Parallèlement, on observe un report vers d’autres aliments d’origine animale (œufs, fromages) mais aussi une augmentation de la demande en protéines végétales10. - Le développement du végétarisme (exclusion de viande, poisson et fruits de mer de l’alimentation) et du véganisme (exclusion de tout produit issu de l’exploitation animale) répond à plusieurs motivations : être en meilleure santé, prévenir certaines maladies cardiovasculaires, respecter la condition animale, contribuer à la protection de l’environnement, promouvoir une consommation responsable, entre autres11. Une croissance à deux chiffres de ce marché est actuellement observée en Europe pour la consommation de protéines de l’Alimentation 8 https://www.planetoscope.com/elevage-viande/1235-consommation-mondiale-de-viande.html 9 Gaudot, C., Vedeau F. & Bardon, E. (2019). Rapport CGAAER n°18079, Diversification de la ressource protéique en alimentation humaine et animale État des lieux et perspectives, Ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation 10 Blezat Consulting, Credoc & Deloitte Developpement Durable, 2016. Baisse de la consommation de protéines animales. Comportements alimentaires en 2025, Tendances et impacts. Etude commandée dans le cadre du Contrat de Filière Agroalimentaire (Action N°36) par le ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, l’ANIA, la CGAD, la CGI, Coop de France, la FCD et FranceAgriMer 11 Blezat Consulting, Credoc & Deloitte Developpement Durable, 2016. Baisse de la consommation de protéines animales. Comportements alimentaires en 2025, Tendances et impacts. Etude commandée dans le cadre du Contrat de Filière Agroalimentaire (Action N°36) par le ministère de l'Agriculture, de l'Agroalimentaire et de la Forêt, l’ANIA, la CGAD, la CGI, Coop de France, la FCD et FranceAgriMer végétales12. Cette croissance se trouve uploads/Industriel/ livret2-entomovoria-2021-2022.pdf

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