RECHERCHE OPERATIONNELLE ET GESTION DE LA PRODUCTION Yves CRAMA1, Lionel DUPONT

RECHERCHE OPERATIONNELLE ET GESTION DE LA PRODUCTION Yves CRAMA1, Lionel DUPONT2 et Gerd FINKE3 1 Ecole d’Administration des Affaires Université de Liège Boulevard du Rectorat 7 (B31) 4000 Liège Belgique 2 Ecole Nationale Supérieure de Génie Industriel 46 Avenue Félix Viallet 38031 Grenoble Cedex France 3 Laboratoire Leibniz - Institut IMAG 46 Avenue Félix Viallet 38031 Grenoble Cedex France Juin 1997 Article préparé pour publication dans la revue Nouvelles de la Science et des Technologies 1 Introduction Depuis leurs origines, la recherche opérationnelle et la gestion de la production entretiennent des relations privilégiées. Très tôt, les problèmes de gestion industrielle ont intéressé les mathématiciens: citons les écrits de Monge relatifs à l’organisation efficace des transports de déblais et de remblais ou l’ouvrage de Kantorovich sur les « méthodes mathématiques dans l’organisation et la planification de la production », publié en 1939, ouvrage qui contenait en germe certains des développements fulgurants de la programmation linéaire enregistrés dans les décennies suivantes. Sur le terrain, de nombreuses méthodes issues de ces travaux ont été appliquées de manière effective. Citons pour mémoire: − la gestion des approvisionnements par la quantité économique de commande décrite par Harris (1913) dans son analyse des arbitrages fondamentaux de la gestion des stocks; − la gestion de projet par les méthodes PERT/CPM (années 50); − les nombreuses applications industrielles de la programmation linéaire dès les années 50 dans le secteur de l’industrie pétrolière (planification de la production et de la distribution), agro-alimentaire (transport, mélanges), sidérurgique (modélisation de processus), mécanique (ordonnancement): − la planification des besoins en composants (MRP1 puis MRP2). La gestion de la production et les domaines connexes de la logistique industrielle ont donc rapidement supplanté la gestion des opérations militaires comme champ d’action principal et, simultanément, comme catalyseur du développement de la recherche opérationnelle. La gestion industrielle a considérablement évolué depuis les années 1960. Schématiquement, on peut dire que l’on est passé du modèle Ford au modèle Toyota et d’une économie de production à une économie de marché. Les principales causes de cette évolution sont: − le renversement du rapport entre l’offre et la demande: pour la plupart des produits, les capacités de production actuelles dépassent très largement ce que le marché peut absorber; − la mondialisation de l’économie; − l’accélération du renouvellement des produits. Pour survivre, les entreprises ont dû se refocaliser sur ce qui constitue le coeur de l’activité industrielle: la création de valeur ajoutée. Pour ce faire, elles s’efforcent de supprimer toutes les activités superflues par la recherche de production en juste à temps, ou de production au plus juste, et par un recentrage sur les concepts de qualité, de coûts et de délais. La recherche opérationnelle continue à jouer un rôle actif dans cette croisade. Il suffit pour s’en convaincre de consulter la liste des finalistes de la « Franz Edelman Award » (le prix de la société américaine de recherche opérationnelle − INFORMS − qui couronne chaque année une implantation particulièrement réussie et significative de méthodes quantitatives en milieu industriel) et de constater que les applications en planification de la production, gestion des stocks, distribution et logistique se taillent la part du lion dans cette liste (voir par exemple Assad, Lilien et Wasil 1992 et la revue Interfaces). Par nécessité, on se contentera d’offrir ici un très bref aperçu des applications de la recherche opérationnelle en gestion de la production. L’exposé sera organisé autour de trois thèmes principaux: planification de la production et programmation mathématique, gestion des stocks et conception de systèmes. A titre d’illustration, certains modèles fondamentaux et 2 particulièrement représentatifs seront décrits de façon détaillée. En général, cependant, le portrait esquissé permettra seulement de mettre en évidence quelques-uns des succès ou difficultés rencontrés dans les différents domaines, ainsi que certaines pistes de développement récemment explorées. Pour une couverture plus complète du sujet, le lecteur pourra consulter les références mentionnées en annexe. En particulier, l’ouvrage édité par Graves, Rinnooy Kan et Zipkin (1993) fournit un panorama très large de l’état de l’art sur le plan théorique. Pour un aperçu de la mise en pratique de ces théories en milieu industriel, on renverra au recueil édité par Assad, Wasil et Lilien (1992), à la revue Interfaces et à la section « OR Practice » de la revue Operations Research. Planification de la production et programmation mathématique Considérons le cas d’un constructeur automobile et supposons que la demande commerciale lui impose le montage de 500 voitures le lendemain. Pour y arriver, il va falloir que les pièces nécessaires soient en stock, que la chaîne de montage soit cadencée pour une production de 500 voitures/jour, et que la main d’oeuvre requise soit présente. Ceci suppose que de nombreuses décisions aient été prises dans les semaines, voire les mois précédents, en un mot que l’on ait planifié cette production du lendemain. Le besoin de planification existe dans la plupart des entreprises et ce pour deux raisons principales: 1. le délai de livraison acceptable par le client est généralement plus court que le délai de fabrication, ce qui oblige les entreprises à anticiper la demande pour prendre les décisions relatives aux approvisionnements ou au lancement de tout ou partie de la fabrication; 2. les capacités d’adaptation des entreprises vis à vis des variations du marché sont limitées. Bien qu’elles cherchent à augmenter leur flexibilité (on parle aussi d’agilité) afin d’améliorer leur réactivité, les entreprises restent des structures lourdes, ce qui les amène à produire certains articles de manière anticipée. Une bonne planification doit essayer de concilier au mieux des objectifs souvent contradictoires: − assurer que le client trouve le produit qu’il désire au moment et à l’endroit voulus, − fournir à la production proprement dite (ateliers, opérateurs, etc.) les conditions de travail les plus correctes possibles, ce qui demande au minimum qu’à tout moment les ressources nécessaires à la production soient présentes, qu’il s’agisse des équipements, des ressources humaines ou des matières; − assurer une production au moindre coût ou de rentabilité maximale. Ces objectifs sont assez flous. Dans de nombreux cas, les deux premiers objectifs seront traduits en contraintes quantitatives: on fixera la demande à satisfaire au cours de chaque période et on imposera que les besoins requis pour la production prévue soient couverts par les capacités. On se ramène ainsi à des modèles de minimisation de coût sous contraintes de demande et de capacité. Avant de mettre en place un système de planification, une première question se pose: sur quelles données faut-il travailler? Si nous fabriquons des voitures du modèle X, en version 3 3 ou 5 portes, avec 5 motorisations et 20 couleurs possibles, jusqu’à quel degré de détail faut-il descendre dans la planification? En pratique, la caractéristique couleur peut être écartée d’emblée: on peut en effet estimer que ce détail se règle dans la semaine précédant la fabrication. La motorisation elle, est une caractéristique importante; mais si le délai de fabrication d’un moteur est de 3 mois, est-il intéressant d’en tenir compte pour la planification à un an? Peut-on s’en passer pour la planification à 3 mois? Même sur ce petit exemple, on constate que plusieurs questions se posent: quel horizon de temps faut-il considérer, quels produits faut-il prendre en compte, faut-il estimer la capacité de production au niveau de l’usine, des ateliers ou des machines? La réponse la plus habituelle est de mettre en place un système hiérarchique correspondant: − aux décisions stratégiques sur le long terme, − aux décisions tactiques sur le moyen terme, − aux décisions opérationnelles sur le court terme. Le terme hiérarchique signifie qu’un niveau travaille impérativement dans le cadre défini par le ou les niveaux supérieurs. Parallèlement, le degré de finesse de l’information prise en compte ne sera pas le même. Plus le niveau est bas, et plus l’information retenue sera fine; plus le niveau est élevé, plus l’information requise sera agrégée. Dans ce cadre, les modèles de programmation mathématique occupent une place importante dans l’arsenal des techniques de planification de production, en particulier pour l’établissement de plans à moyen ou à court terme. Planification à moyen terme La planification à moyen terme prend place dans un cadre de décision où le portefeuille de produits et le processus de production peuvent être considérés comme des donnés irrévocables, fixés par la stratégie de l’entreprise. Les questions qui se posent à ce niveau de décision tactique portent donc sur l’utilisation optimale du système productif dans le but de satisfaire la demande prévisionnelle sur l’horizon du plan. A ce niveau de décision, il règne trop d’incertitudes pour s’encombrer de détails qui compliqueraient inutilement la prise de décision. Le gestionnaire cherche donc habituellement à planifier « dans les grandes lignes ». Les produits sont agrégés par familles, les ressources en grandes catégories (de personnel, d’équipements, etc.), les périodes sont relativement longues (typiquement, un mois). On retient essentiellement les contraintes sur les ressources critiques (approvisionnements limités, équipements goulets). Pour cette raison, on appelle parfois plan agrégé le plan de production à moyen terme. L’agrégation des décisions permet de simplifier considérablement la formulation, la résolution et l’interprétation des modèles (moins de données uploads/Industriel/ recherche-operationnelle-et-gestion-de-la-production-yves-crama-lionel-dupont-et-gerd-finke 1 .pdf

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