Éthique publique Revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale vo
Éthique publique Revue internationale d’éthique sociétale et gouvernementale vol. 17, n° 2 | 2015 Enjeux éthiques des (biens) communs Gouvernance contributive, réseaux coopératifs locaux et communs Michel Briand Édition électronique URL : http://journals.openedition.org/ethiquepublique/2297 DOI : 10.4000/ethiquepublique.2297 ISSN : 1929-7017 Éditeur Éditions Nota bene Édition imprimée Date de publication : 1 septembre 2015 ISSN : 1488-0946 Ce document vous est offert par Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne Référence électronique Michel Briand, « Gouvernance contributive, réseaux coopératifs locaux et communs », Éthique publique [En ligne], vol. 17, n° 2 | 2015, mis en ligne le 06 mai 2016, consulté le 18 juin 2019. URL : http:// journals.openedition.org/ethiquepublique/2297 ; DOI : 10.4000/ethiquepublique.2297 Ce document a été généré automatiquement le 18 juin 2019. Tous droits réservés Gouvernance contributive, réseaux coopératifs locaux et communs Michel Briand 1 Élu local durant trois mandats (1995-2014) à Brest et sur l’agglomération, j’ai essayé de développer une gouvernance contributive (Briand, 2014) qui s’appuie sur la coopération et les communs à l’échelle du territoire local : le pays de Brest. Cette expérience s’est notamment concrétisée dans l’organisation des semaines « Brest en Biens Communs ». La question des communs portée notamment par Vecam dans « Libres savoirs : les biens communs de la connaissance. Produire collectivement, partager et diffuser les connaissances au XXIe siècle » (Vecam, 2011) s’est considérablement élargie depuis quelques années dans un mouvement dont rend compte « La renaissance des communs : Pour une société de coopération et de partage » (Bolier, 2014). 2 Dans le même temps, la semaine d’initiatives « Brest en biens communs » 2009, puis 2011 est devenue partie prenante d’une dynamique du réseau francophone des communs, Gouvernance contributive, réseaux coopératifs locaux et communs Éthique publique, vol. 17, n° 2 | 2015 1 animé par l’association Vecam, associant plusieurs centaines d’initiatives. Nous voici à un moment où des dizaines d’initiatives locales pratiquent les communs, sans forcément les considérer comme tels (jardins partagés, fablabs, recycleries...). La victoire de « Barcelone en commun » aux élections municipales du 24 mai 2015 montre que les communs peuvent devenir un projet qui rassemble largement. Cette émergence des communs est visible dans la petite bibliographie « autour des communs » qui référence déjà 200 articles pour le premier semestre 2015 et une dizaine de rencontres organisées depuis un an autour des communs1. 3 Nous commençons à parler de « communs populaires » pour exprimer le fait que les communs concernent des centaines de personnes dans une ville et ne sont pas l’apanage d’une poignée de convaincus : les 65 jardins partagés brestois sont des communs gérés par plus d’un millier de personnes au sein des quartiers populaires. Faire des communs un thème populaire peut ouvrir dans les prochaines années une perspective de rassemblement à cette myriade de mouvements qui participent à l’innovation et à la transformation sociale. 4 Avec le développement de nos usages des outils numériques, notre société devient plus contributive : il est possible pour chacun d’échanger, de s’exprimer et d’être lu par des personnes du monde entier, mais aussi d’innover et d’entreprendre en réseau. Sur « Le bon coin », nous sommes tour à tour consommateurs et vendeurs, sur le web nous sommes tour à tour lecteurs d’un blogue ou contributeurs avec un commentaire. Le numérique introduit aussi les automatisations, de nouveaux modèles économiques en rupture qui amènent des suppressions massives d’emplois comme le développe Bernard Stiegler (2015), avec le « pharmakon » porteur à la fois de formidables possibilités et de menaces pour notre société et le vivre ensemble. 5 Nous voici dans un monde dont les principes organisateurs cessent peu à peu de fonctionner. Les ressources qui s’épuisent ne peuvent pas assurer à toute la planète le mode de vie occidental, et le réchauffement climatique impose de revoir nos consommations d’énergie. La croissance qui a forgé notre modèle social est en panne et l’automatisation amène la perspective de suppressions massives d’emplois. 6 C’est dans ce temps de crises multiples qu’émergent les communs, comme une autre façon de faire société et dont je vais essayer de présenter ici quelques facettes au croisement d’une politique publique et de dynamiques contributives locales. La gouvernance contributive support d’une politique publique autour des communs 7 Nous avons construit la démarche contributive au fil des années autour de trois piliers : « faire avec », « être en attention », « donner à voir ». Ces axes, progressivement déployés sur le territoire de Brest, au fur et à mesure de leur apprentissage, constituent la base de la dynamique de coopération et des communs. « Faire avec » 8 Le réseau en proximité des points d’accès public à internet ou PAPI, développé à la fin des années 1990 a permis l’apprentissage du « faire avec ». Le choix de proposer un accès public accompagné dans les lieux ordinaires fréquentés par différents publics a été Gouvernance contributive, réseaux coopératifs locaux et communs Éthique publique, vol. 17, n° 2 | 2015 2 fondateur. Chaque structure devient un lieu de médiation numérique à son rythme, quand elle en perçoit l’intérêt. Chaque année, cinq à dix nouveaux PAPI élargissent le réseau permettant d’avoir un PAPI à moins de 400 mètres de chez soi. Cette adhésion progressive facilite la généralisation : en 2011 tous les centres sociaux, maisons pour tous, patronages laïques, bibliothèques et mairies de quartier participaient au réseau. 9 Cet accès public dans les lieux existants favorise la diffusion des usages d’internet parmi les acteurs de la médiation sociale, aussi bien dans le tissu associatif que dans les services publics. Une prise en compte particulière des personnes socialement éloignées du numérique a été mise en œuvre à travers le projet « Internet pour tous à 1 € par mois » déployé dans six quartiers « politique de la Ville ». Ici aussi, le déploiement dans chaque quartier a été progressif sur six ans, au rythme long d’une appropriation par des associations de quartier porteur du projet sur chaque territoire. Les 108 PAPI qui maillent la ville en grande proximité et « Internet pour tous » sont une base du travail coopératif, en amont de la diffusion des idées de communs (Briand, 2014). 10 Cette approche du « faire avec », si elle semble aller de soi dans une démarche participative, n’est pas évidente dans une culture du service public en France où les évolutions sont souvent décidées en haut et appliquées à tous. Ici, au contraire, l’approche est ascendante et progressive, respectant le temps long des appropriations par les personnes (sur une période d’une quinzaine d’années). « Être en attention » 11 Le second volet de cette démarche contributive, « être en attention » repose sur un appel à projets qui épaule chaque année plusieurs dizaines d’initiatives (49 en 2013). Il s’agit ici plus d’un « appel à envies », puisque toutes les propositions qui s’inscrivent dans les axes proposés sont retenues. L’apport de la Ville est modeste, (limité à 2 300 € par projet), mais cela suffit pour que l’envie de faire se concrétise. Des dizaines d’innovations sociales voient le jour tel le projet intergénérations qui met des élèves en rupture scolaire et sociale en situation d’être professeurs auprès de personnes très âgées et de leur tenir la main, eux qui étaient en échec à l’école et ne tenaient pas en place. 12 Un bilan réalisé par le laboratoire des usages Marsouin en 2007 nous a appris que la mise en réseau des acteurs et l’accompagnement sont aussi importants que la subvention. 13 Cette abondance de projets (500 en une quinzaine d’années) a été facilitée par des dizaines d’ateliers autour des logiciels libres, tant en bureautique que pour le travail en réseau (système sympa, wikis) et l’écrit public multimédia (logiciel spip, puis wordpress, médiablog, médiaspip...). Cette diffusion des outils du libre est un point essentiel de l’appropriation sociale et du développement des communs. Elle a mis en valeur les acteurs locaux du logiciel libre qui animaient ces ateliers et apporté un financement complémentaire aux associations. Au croisement des PAPI et des projets associatifs, l’usage des logiciels libres, est devenu une culture commune des journaux de quartiers, équipements de quartiers, acteurs associatifs et du réseau des écoles. Gouvernance contributive, réseaux coopératifs locaux et communs Éthique publique, vol. 17, n° 2 | 2015 3 C’est dans ce cadre que vont commencer à éclore de nombreux projets autour de communs : c’est par exemple la ferme de services de l’association Infini, où chacun, habitant associatif, acteur du service public peut disposer d’un service de courrier électronique, de listes de diffusion, d’hébergement de site web multimédia. Ce sont aussi la photothèque « Un Zef d’images », le « Médiablog coopératif » ou la radio OUFIPO « Ouvroir de finistérités potentielles » qui favorisent la production de contenus librement réutilisables2. « Donner à voir » 14 À côté du « faire avec » et de « l’attention aux initiatives », l’écrit public qui met en valeur les acteurs locaux est le troisième élément de cette dynamique contributive. Nous avons pris le parti dans cet appel à projets d’un uploads/Ingenierie_Lourd/ gouvernance-contributive-reseaux-cooperatifs-locaux-et-communs.pdf
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- Publié le Oct 03, 2022
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