TRAITÉ D'ÉLECTRICITÉ DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE PUBLIÉ SOUS

TRAITÉ D'ÉLECTRICITÉ DE L'ÉCOLE POLYTECHNIQUE FÉDÉRALE DE LAUSANNE PUBLIÉ SOUS LA DIRECTION DE JACQUES NEIRYNCK VOLUME 1 INTRODUCTION À L'ÉLECTROTECHNIQUE par Frédéric de Coulon et Marcel Jufer PRESSES POLYTECHNIQUES ET UNIVERSITAIRES ROMANDES INTRODUCTION AU TRAITÉ D'ÉLECTRICITÉ Ce Traité a pour objectif d'exposer l'ensemble des connaissances de base néces- saires à l'ingénieur électricien de niveau universitaire. L'ampleur et la difficulté de la tâche empêchaient qu'un seul auteur l'entreprenne. Aussi la rédaction d'un ouvrage aussi ambitieux exigeait la collaboration de nombreux spécialistes : ceux-ci ont bien voulu se plier à une discipline permettant de rédiger un ouvrage cohérent tant au ni- veau de la présentation que de son inspiration. Le thème central est l'application de l'électricité dans le domaine industriel. Du- rant les dernières années, les techniques recourant à l'électricité se sont multipliées. En conséquence, les méthodes de l'ingénieur électricien ont acquis une puissance et une complexité à la mesure des dispositifs à étudier. Simultanément, ces méthodes se sont distinguées de plus en plus nettement de celles utilisées par les physiciens. Il n'est donc pas exagéré de conclure à l'émergence d'une discipline neuve et originale, que le pré- sent Traité se propose précisément d'exposer. Pour ordonner la variété des méthodes utilisées par l'ingénieur électricien, le con- cept le plus adéquat est celui de modèle. Avant de construire un dispositif, l'ingénieur l'étudie toujours sur le papier, c'est-à-dire qu'il prévoit le comportement physique à partir d'équations, de règles empiriques, d'abaques, de dessins, ainsi que de son expé- rience et de son intuition. Ces deux dernières ressources ont traditionnellement occupé une place très importante; elles sont du reste irremplaçables puisqu'elles seules distin- guent l'ingénieur d'un programme d'ordinateur. Néanmoins, la rapidité d'évolution des techniques électriques rend l'expérience désuète au bout de quelques années; la complexité croissante des dispositifs diminue l'importance de l'intuition ou même transforme celle-ci en une source d'erreurs. Ainsi, ni l'expérience, ni l'intuition d'un homme ne lui permettraient de concevoir sans autres aides un ordinateur, un réseau de télécommunications ou une centrale électrique, qui ait les performances exigées actuellement. Le modèle, sur lequel travaille l'ingénieur, perd donc de plus en plus son carac- tère verbal, intuitif et personnel. Il devient explicite et rigoureux. Le recours à un savoir-faire presque artisanal, transmis oralement dans les bureaux d'études, cède le pas à un savoir, qu'il devient temps de rassembler et de transmettre. « « :i< En fait, l'ingénieur électricien n'emploie pas un seul modèle, mais une hiérarchie de modèles. C'est la seule façon d'aborder la conception d'un système aussi complexe qu'un ordinateur par exemple. En principe, le fonctionnement de nombreux dispositifs électriques peut toujours se ramener à l'application des équations de Maxwell; il est ce- pendant humainement impossible de comprendre la conception d'un ordinateur en se VI INTRODUCTION A L'ÉLECTROTECHNIOUE cantonnant à un niveau aussi théorique. La principale qualité d'un modèle utilisé par un ingénieur n'est pas d'être le plus fidèle à la réalité expérimentale; il lui faut au con- traire être aussi simple que possible sans négliger aucun des facteurs importants. Ce dilemne entre la simplicité et l'adéquation peut être illustré en évoquant la re- lation qui existe entre une contrée et les cartes que l'on peut en dresser. Les renseigne- ments nécessaires à l'urbaniste, au géologue, au promeneur pédestre, à l'automobiliste ou au pilote d'avion ne sont pas les mêmes : ce qui convient à l'un serait trop détaillé et inutilisable pour l'autre. Choisir entre plusieurs modèles est donc une tâche essen- tielle. La hiérarchie des modèles utilisés par l'ingénieur électricien est ordonnée en fonction de la fidélité à la réalité expérimentale. Au fur et à mesure que l'on monte dans l'échelle, on prend en considération de moins en moins de phénomènes, mais on peut traiter des systèmes comportant un nombre croissant de composants. En principe, un modèle constitue un cas particulier de celui qui le précède dans l'échelle : on a opé- ré certaines hypothèses simplificatrices. * * * Niveau 0 : physique de l'état solide. Ce modèle est essentiel pour l'analyse des propriétés électriques et magnétiques de la matière. Il s'appuie sur les lois de la mécani- que quantique et mène essentiellement à la description de bandes d'énergie et au calcul de leur degré d'occupation. Ce modèle explique par exemple les propriétés fondamen- tales d'un semiconducteur : conductivité, dépendance de la température. Niveau 1 : électromagnétisme. Ce modèle est essentiel pour l'analyse des disposi- tifs travaillant aux hyperfréquences et celle des dispositifs électromagnétiques. Il s'ap- puie sur les relations de Maxwell et fait appel à la théorie mathématique des équations aux dérivées partielles. Ce modèle ne permet plus d'analyser l'influence d'un atome; les corps sont, à un niveau plus macroscopique, décrits par leurs dimensions, leur permitti- vité, leur conductibilité, leur perméabilité, etc... On peut calculer le champ électrique, la répartition des charges. A signaler un cas particulier important, la théorie des lignes, qui ne fait plus intervenir qu'une seule dimension. Niveau 2 : théorie des circuits. Ce modèle est essentiel pour l'analyse des dispo- sitifs électrotechniques dans le cas très courant où les dimensions du dispositif sont lar- gement inférieures à la longueur d'onde du phénomène étudié. Ce modèle s'appuie sur les lemmes de Kirchhoff et la définition d'une demi-douzaine d'éléments discrets, résis- tance, capacité, source, etc... Il n'y a plus de géométrie dans un tel modèle, mais seule- ment une topologie. On peut calculer le courant et la tension, grandeurs scalaires, alors que les champs n'ont plus de sens. Les techniques mathématiques sont celles des équa- tions différentielles ordinaires, transformation de Laplace, calcul matriciel, etc... Niveau 3 : schémas fonctionnels. A ce niveau, on ne tient plus compte de cou- rants ou de tensions, ni a fortiori de la géométrie du système. Celui-ci est constitué par la connexion de blocs remplissant des fonctions caractérisées par des relations entre grandeurs de sortie et d'entrée. Plusieurs schémas fonctionnels existent à ce niveau se- lon le type d'application. Citons à titre d'exemple : • .systèmes logiques. Les grandeurs sont binaires, les blocs fonctionnels sont des opérateurs logiques réalisant les fonctions ET, OU, NON. L'algèbre de Boole est l'outil mathématique le plus utilisé. Selon que le temps intervient ou non, on parle de systèmes séquentiels ou combinatoires. INTRODUCTION AU TRAITE D'ELECTRICITE vii • Circuits de télécommunications. Les grandeurs sont soit des signaux continus, soit des grandeurs binaires; les blocs fonctionnels sont des modulateurs, oscilla- teurs, filtres, etc... Une méthode mathématique couramment utilisée est l'ana- lyse de Fourier. Niveau 4 : systèmes. A ce niveau, on schématise en un bloc fonctionnel un en- semble de blocs du niveau 3. Un ordinateur est par exemple une interconnexion de dif- férents systèmes logiques réalisant chacun une fonction particulière : mémoires, organes d'entrée et de sortie, processeurs. Comme l'ordinateur contient des milliers de systèmes logiques, il n'est pas rationnel de l'étudier au niveau 3. Il y a entre ces niveaux une dif- férence plus quantitative que qualitative. Niveau 5 : logiciel. A partir de ce niveau, l'ingénieur n'ajoute plus de dispositifs supplémentaires, ne les combine plus en des systèmes plus vastes, mais il se contente de programmer la machine. Les méthodes théoriques se rapprochent davantage de la lin- guistique que de la mathématique. * « * Le problème est moins de savoir à quel niveau se situer que d'apprendre quelles sont les limites du modèle. Le contexte, l'expérience, voire le bon sens, imposent le mo- dèle, mais on est tenté de superposer à ses propriétés intrinsèques d'autres qui provien- nent des modèles voisins ou encore de l'expérience physique. C'est ce que l'on appelle dans le jargon technique "raisonner physiquement". Cette méthode peu rigoureuse mène facilement à des contresens. Une bonne approche de ce problème est de présenter des cas limites, analysables simultanément dans les deux modèles voisins et de montrer ce que le modèle plus raf- finé apporte en plus. C'est l'endroit de mettre en valeur les hypothèses simplificatrices et l'appauvrissement qui en résulte. Une autre approche consiste à présenter des paradoxes, énoncés apparemment rigoureux qui débouchent cependant sur des résultats absurdes parce que l'on a "rai- sonné physiquement" (paradoxe des deux condensateurs, non causalité du filtre idéal, etc...). En réalité, on a mal raisonné sur une formule mathématique qui ne tient pas compte de toutes les propriétés physiques. Par ailleurs, il est très important de montrer ce que les modèles ont en commun. Par exemple, la conservation de l'énergie régit les niveaux 0 à 2. Il ne s'agit pas d'un postulat unique, mais d'une propriété que l'on peut déduire des différentes équations fondamentales : ce qui résulte d'une simple sommation au niveau 2 requiert une inté- grale de surface au niveau 1. Il est intéressant de recenser systématiquement les pro- priétés importantes (passivité, causalité, stabilité, linéarité, etc...), de montrer pour quels niveaux elles sont pertinentes et quelles formes elles y adoptent. » * * Entre les modèles utilisés par le physicien et ceux de l'ingénieur, il y a une diffé- rence fondamentale qui résout en partie le dilemne, évoqué plus haut, entre la simplici- té et l'adéquation. En technique, ce dilemne est en partie levé parce que l'art uploads/Ingenierie_Lourd/ i-introduction-a-l-x27-electrotechnique.pdf

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