Revista de Lenguas Modernas, N° 18, 2013 / 133-167 / ISSN: 1659-1933 Résumé Cet

Revista de Lenguas Modernas, N° 18, 2013 / 133-167 / ISSN: 1659-1933 Résumé Cet article a pour but de rendre compte du parcours historique et esthé- tique du genre du récit bref en France, de ses origines à aujourd’hui. On tentera de la manière la plus concise et la plus juste de décrire son évolu- tion, à travers les différentes influences qui vont peu à peu caractériser son genre, mais aussi nourrir l’autre genre narratif roi à notre époque : le roman. Mots clés: récit bref, conte, nouvelle, histoire littéraire, genre, esthé- tique, littérature française Resumen Este artículo tiene como objetivo mostrar el recorrido histórico y estético del género del relato en Francia, desde sus orígenes hasta hoy. Se inten- tará de la forma más concisa y justa describir su evolución, a través de las diferentes influencias que van poco a poco a caracterizar su género, pero también a nutrir el otro género rey en nuestra época: la novela. Palabras claves: relato breve, cuento, historia literaria, género, estética, literatura francesa Panorama historique du conte et la nouvelle en France Stéphanie Lebon Escuela de Lenguas Modernas Universidad de Costa Rica Recepción: 19-9-12 Aceptación: 12-11-12 Revista de Lenguas Modernas, N° 18, 2013 / 133-167 / ISSN: 1659-1933 134 Brève introduction L e conte peut-il être l’objet d’une recherche littéraire ? N’est-il pas à priori aujourd’hui, en France, une œuvre avant tout peu sérieuse, divertissante, facile, associée à l’enfance, au rêve, à l’imagination, à la leçon de morale pour enfants pas sages… On a peine à croire que cette littérature puisse s’inscrire dans une poétique, dans une histoire littéraire tumultueuse, être objet de recherche d’écriture. Afin de contredire ces clichés, nous verrons quand et comment est né le conte en France, comment il a évolué en tant que genre et comment il a pleinement nourri la littérature française jusqu’à aujourd’hui. Origines du récit bref en France Les récits brefs au moyen âge Les lais de Marie de France Selon Jean Pierre Aubrit (1997), dès le moyen âge, on peut constater une large production de récits brefs, sous la forme de fabliaux, moralités, mais aussi de lais. Or, ce dernier est défini par Jean Charles Payen (1975 : 23) comme étant « un petit conte en vers qui développe avec sobriété une intrigue romanesque dont la narration prévaut sur le fond ou sens, et qui cultive volontiers l’émotion contenue à travers un langage assez délicat. » On peut donc facilement observer la parenté directe entre le lai et ce qu’on appellera par la suite le conte ou la nouvelle (jusqu’à aujourd’hui, aucun théoricien ne s’est mis d’accord sur une par- tition générique ; c’est pourquoi on emploiera généralement le terme de « récit bref ».) Marie de France, créatrice du genre (du lai) en France est pour sa part, bien consciente de sa démarche esthétique et de son travail d’écrivain. C’est pourquoi, elle va poser les premiers principes de la poétique du lai, récit bref, ancêtre du conte ; elle n’hésite pas à indiquer les sources de ses textes et se pose essentiel- lement en simple relai de la tradition orale. Elle déclare par exemple : « J’ai l’in- tention et il me plaît beaucoup de vous dire l’histoire vraie du lai que l’on nomme Chèvrefeuille ». Elle insiste ensuite dans son Prologue sur sa mise en forme litté- raire : « Je les ai donc mis en rimes et j’en ai fait une œuvre poétique. Combien de veilles y ai-je consacrées ! » (1990). Les fabliaux Aubrit indique ensuite qu’un autre genre a fortement influencé le conte : celui des fabliaux qui s’étend du XIIème au XIVème siècles. Ces derniers étaient généralement composés et colportés de châteaux en auberges par des jongleurs LEBON. Panorama historique du ... 135 professionnels. De même, leurs auteurs sont parfaitement conscients de leur démarche esthétique. Ils distinguent d’ailleurs la « matière » (qu’ils nomment parfois la « fable ») et leurs fabliaux : « De même que des notes ont fait des sons nouveaux et des draps les chausses et les chaussons, ainsi des fables ont fait des fabliaux », explique l’un d’eux, cité en français moderne par Nelly Caullot (1960). Tout comme les lais de Marie, leurs fabliaux se resserrent généralement autour d’une seule anecdote : « l’histoire est brève et courte » souligne le jongleur Garin (Iker, 1967 : 115). Par leur brièveté, leur action unique, ils se différencient du roman épique. Autre aspect des fabliaux : leur volonté de faire rire. En effet, le fabliau rit de tout et de tous, autant du seigneur que du vilain, du marchand, du prêtre et de l’épouse. Ils étaient déclamés autant auprès des rois et des seigneurs que dans les tavernes. Selon Garin, ils sont là pour soulager les hommes quelle que soit leur condition : « Même ceux plein d’angoisse, s’ils entendent raconter un bon fabliau, en reçoivent un grand soulagement, jusqu’à oublier le chagrin, l’apa- thie et les idées noires. » (Iker, 1967). Ils sont en général versifiés en octosyllabe et ne comportent pas de savants jeux de rimes compliqués, propres à cette époque, car l’écriture cherche avant tout la rapidité. Autres récits brefs On trouve aussi à cette époque des récits brefs, marqués par un humour que l’on pourrait qualifier de grivois, qui sont des parodies de la littérature courtoise, en particulier des récits arthuriens. L’influence italienne L’autre grande influence, à l’origine de la naissance du conte ou de la nou- velle en France vient d’Italie. En effet, si on reconnaît Marie de France et ses lais comme la créatrice de la forme brève en France (c’est-à-dire de notre sujet d’étude : le conte et la nouvelle), il ne faut pas oublier qu’elle est surtout l’hé- ritière du Décaméron de Boccace, qui donnera les premiers fondements esthé- tiques de ce genre nouveau : la nouvelle. En effet, toujours selon Aubrit, la structure du Décaméron est totalement innovatrice et va s’imposer en tant que modèle pendant les trois siècles suivants : cet ouvrage a la caractéristique de présenter un recueil cadre, espace d’écriture où vont s’enchaîner tous les récits. Chaque jour privilégiera un thème qui en suggèrera un autre pour le jour suivant. D’autres œuvres auront aussi une grande influence sur les conteurs fran- çais : Les Facéties de Le Pogge, ouvrage traduit à la fin du XVème siècle, ainsi que les Facétieuses Nuits de Starapola, également traduit en français, et qui connaîtront une large diffusion en France. Revista de Lenguas Modernas, N° 18, 2013 / 133-167 / ISSN: 1659-1933 136 XVIème siècle : Naissance officielle de la nouvelle en France Les origines Les cent nouvelles Une traduction du Décaméron aura lieu dès le XVème siècle (1414), grâce à Laurent de Premierfait, (environ 1360- 1418), humaniste, poète et surtout grand traducteur latiniste, appartenant à une génération d’écrivains humanistes qui ont redécouvert la littérature latine classique, de Cicéron à Boccace. Il donnera un nouveau titre au Décaméron : Les Cent nouvelles, introduisant ainsi pour la première fois en langue française, la traduction du mot italien novella sous sa forme francisée : nouvelle. Les Cent Nouvelles nouvelles Aubrit ajoute qu’on verra alors cette traduction donner rapidement naissance à un autre texte, premier recueil de nouvelles écrites en langue française, le recueil anonyme bourguignon : les Cent Nouvelles nouvelles. Par son titre même, cet ouvrage montre son héritage explicite à l’œuvre de Boccace dont le modèle initial a été retra- vaillé. A ce sujet, son auteur, lui-même, déclare dans la table des matières: « S’en- suit la table de ce présent livre, intitulé des Cent Nouvelles nouvelles, lequel en soit contient cent chapitres ou histoires, ou pour mieux dire nouvelles » (Anonyme, 1996). Puis ce dernier justifie le sens de ce nouveau mot en affirmant : « pour ce que l’étoffe, taille et façon » de ces récits « est d’assez fraiche mémoire et de mine beaucoup nouvelle » (Anonyme, 1996). En fait, cette œuvre ne s’inspire pas uniquement du Décaméron, mais aussi des Fabliaux de son époque et surtout des nouvelles humanistes de Pogge : Fa- cetiarium liber (Gian Francesco Poggio). Dans son article intitulé « Los motivos de la risa en Les Cent Nouvelles nouvelles », María del Pilar Mendoza Ramos (2007) nous livre les caractéris- tiques comiques de cet ouvrage. Elle précise que la littérature du Moyen âge était essentiellement destinée à instruire, à intimider, voire interdire. Cepen- dant, en parallèle, va se développer une littérature comique ( basée essentielle- ment sur la transgression des interdits), que l’on retrouve à travers les fabliaux et, postérieurement, les farces, mais aussi dans les Cent Nouvelles nouvelles, dont pratiquement toutes les histoires provoquent le rire, mises à part la 69 et la 98, qui sont au contraire tragiques. Même si cette œuvre ne se présente pas comme étant explicitement comique (tels les fabliaux), ses histoires sont essen- tiellement empreintes de la vie quotidienne et provoquent le rire, notamment, nous explique cette dernière, à travers : La transgression érotique, déjà présente dans les fabliaux (…). Dans les Cent Nouvelles nouvelles uploads/Litterature/ 12360-texto-del-articulo-19783-1-10-20131114-pdf.pdf

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