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Tous droits réservés © La revue Séquences Inc., 1958 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ Document généré le 5 avr. 2022 13:27 Séquences La revue de cinéma Le roman à l’écran À quelles conditions? Numéro 15, décembre 1958 URI : https://id.erudit.org/iderudit/52206ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) La revue Séquences Inc. ISSN 0037-2412 (imprimé) 1923-5100 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article (1958). Le roman à l’écran : à quelles conditions? Séquences, (15), 8–11. ~\ aàl . OC.É e roman a i e écran ilea conditlonô C a a uelleô con Tous les arts ont vécu aux dépens des autres. Les sculpteurs ont créé aux porches des cathé- drales romanes et gothiques des chefs-d'oeuvre dont les thèmes provenaient de la Bible. Des pein- tres ont illustré des scènes de la vie du Christ et de la Divine Comédie. Des musiciens s'inspirant d'un livret ont composé des opéras. Il en va de même au cinéma. Si les réalisateurs traitent de sujets originaux, plus que jamais, de nos jours, ils puisent dans le trésor romanesque universel des su- jets qu'ils animent à l'écran. Mais pour que ces oeuvres nouvelles méritent le respect du spectateur, ne faut-il pas qu'elles remplissent certaines conditions ? On a beaucoup écrit sur l'adaptation du roman au cinéma. Des esthéticiens de renom n'ont pas manqué d'en signaler les dangers et les trahisons. A l'occasion de chaque nouveau roman porté à l'é- cran, les mêmes questions se posent : ce film n'est-il pas une déformation de l'oeuvre originale ? ce film ne dessert-il pas le romancier ? ce film rend-il vraiment l'atmosphère du roman ? Que valent ces interrogations ? Nous voudrions essayer de définir l'adaptation, d'en poser les conditions, d'en connaître les mo- des et d'en établir les phases. Enfin, il sera bon d'étudier sommairement quelques problèmes pro- pres à cette question et de discuter certaines idées d'André Malraux sur le sujet. 1. Qu'est-ce que l'adaptation? Commençons par une définition. Adapter, c'est exprimer une oeuvre dans un autre langa- ge que celui où elle a été conçue et réalisée ori- ginellement. Mais le problème de l'adaptation se pose différemment pour chaque art. Les rela- tions apparaissent plus fortes entre le cinéma et le théâtre qui sont des arts de la représentation et aussi entre le cinéma et le roman qui sont des arts du récit. On notera que le cinéma participe à la fois de la représentation et du récit, ayant le privilège de raconter une histoire à l'aide de personnages animés. Contentons-nous de traiter ici des rapports entre le cinéma et le roman. 2. Les conditions de l'adaptation Que se passe-t-il quand un réalisateur veut porter un roman à l'écran ? Il commence d'a- bord par lire et relire l'oeuvre choisie. S'il cons- -no.u \\ 'saâud ainui ap said B UBUIOJ ar anb ajB} bliera pas que son film ne devra pas dépasser une heure et demie ou deux heures de projec- tion. C'est dire que le réalisateur sera obligé de couper dans le récit et d'abandonner des scè- nes même importantes. Il faut bien reconnaître que le réalisateur ne peut pas tout exprimer comme le romancier car il est soumis à une li- mite de temps assez rigoureuse. De plus, au cinéma, nous avons la représen- tation de ce qui est écrit dans le roman. Les per- sonnages vivent directement à l'écran. Le roman- cier n'est plus là pour expliquer et commenter. En conséquence, les personnages ne se révèlent que par l'action et la parole. Car ici tout doit être concret, tout doit faire image. Ce qui relève de l'abstrait ne peut passer au cinéma que grâce à la suggestion. Enfin, il faut tenir compte également que le récit cinématographique se poursuit sans inter- ruption. Le spectateur n'a pas la faculté de re- venir en arrière comme dans un livre. L'auteur de l'adaptation doit donc s'efforcer d'être assez clair pour que le spectateur puisse suivre le film sans trop de difficulté. Naturellement, le met- teur en scène peut toujours avoir recours à des moyens de facilité, c'est-à-dire suppléer par la parole à la déficience des images. Mais n'est-ce pas sacrifier le septième art à l'art oratoire ? Un véritable réalisateur ne recourt à la parole que lorsqu'il ne peut vraiment pas faire autre- ment. On comprend qu'il y a tant de mauvaises adaptations. Des tâcherons du cinéma se con- tentent de morceler un roman et de fabriquer une histoire qu'ils articulent habilement. 3. Les modes d'adaptation On peut réduire à quatre les modes d'adap- tation. a) L'illustration d'un livre. — L'adapteur se révèle respectueux du récit romanesque. Il re- tient les faits et les principaux personnages. Le film ressemble alors aux "comics" et les dialo- gues et le rythme des images remplacent les lé- gendes. On pense à Notre-Dame de Paris de De- lannoy et aux Misérables de Le Chanois. b) L'équivalent visuel. — Le cinéaste cherche à reproduire les lieux où se déroule l'action et les comportements des personnages. Nul doute Décembre 1958 / * " • qu'il manifeste un certain talent sans toutefois qu'on décèle chez lui une puissance créatrice. On peut citer L'homme au bras d'or d'Otto Pre- minger, Celui qui doit mourir de Dassin. c) Le vrai par le chemin du roman. — Le réa- lisateur fait un choix. Il accepte une part du ro- man seulement et désire faire un film différent du modèle. Ce qu'il veut vraiment, c'est prolon- ger l'imagination du lecteur du roman. On peut relever Une place au Soleil de Stevens, Les sen- tiers de la gloire de Kubrick. d) L'élection d'un héros. — Le metteur en scène a trouvé un héros qui l'intéresse. Il va tourner un film sur lui et, au besoin, susciter des aventures pour le mettre en évidence. Pierre Ve- ry avoue que "si l'on a sauvé le sourire de Vol- taire en adaptant Voltaire, si l'on est parvenu à rendre sensible à l'écran le battement du grand coeur généreux de Victor Hugo en adaptant Vic- tor Hugo, on a sauvé ce qui est précieux, ce qui est essentiel". Dans cette catégorie, on peut nom- mer Le carosse d'or de Renoir, Robinson Cru- soé de Bunuel. 4. Les phases de l'adaptation L'adaptation nécessite trois étapes. a) Adapter, c'est sacrifier. Nous l'avons dit : toute adaptation exige l'abandon d'une partie d'un ouvrage. Il est impossible de raconter tout un roman dans un film. Le réalisateur doit se plier aux exigences des quatre-vingt-dix minu- tes. Et le spectateur ne doit pas lui en faire grief. C'est évident que nous n'avons pas tout le Journal d'un curé de campagne dans le film de Bresson. Mais l'essentiel y est : le drame inté- rieur du petit curé au coeur de sa paroisse. b) Adapter, c'est choisir. L'adaptateur élit deux ou trois personnages. Les autres, il les laisse dans l'ombre. Evidemment, le manque de temps ne lui permet pas de faire évoluer profondément les personnages. D'ailleurs, au cinéma, n'oublions pas que l'évolution des personnages est généra- lement due aux circonstances toutes extérieures. Il faut bien que le cinéma m o n t r e . c) Adapter, c'est adopter. Chaque créateur a sa propre vision du monde. Chaque réalisateur porte en lui un univers qu'il traduit dans ses oeuvres. C'est pourquoi, même par le truche- ment des sujets d'autrui, le réalisateur parvient à s'exprimer librement. Il y réussit en faisant porter son attention soit sur la peinture précise du cadre ou du milieu où se déroule l'histoire, soit sur les caractères des personnages, soit sur le rythme ou le mouvement dramatique de l'ac- tion. Comment ne pas nommer des hommes comme Marcel Carné, David Lean, Frederico Fellini, Cari Dreyer, John Huston qui réussis- sent à refléter sur l'écran leur monde intérieur par le tamis des oeuvres des romanciers ? 5. Quelques problèmes particuliers De plus, il faut reconnaître que l'image, le dialogue, le commentaire posent des problèmes particuliers au réalisateur qui veut porter un ro- man à l'écran. a) L'image. On aime répéter qu'au cinéma, l'image est reine. C'est vrai. Mais chassons cette idée qu'au cinéma, on part de l'image. En fait, on ne part pas de l'image, on y arrive. La pri- mauté de l'image n'est qu'une primauté esthéti- que, c'est-à-dire une primauté d'importance, le film terminé. Elle n'est pas une primauté chro- nologique dans l'ordre de la création. L'image synthétise donc tout le travail qui précède et en fait sa valeur. b) Le dialogue. Sachons que le dialogue n'est pas préparé pour boucher les moments creux d'un film. Il doit contribuer à déterminer les ca- ractères et à exprimer des idées. Il faut donc que les phrases attribuées uploads/Litterature/ 1958-nd-le-roman-a-l-x27-ecran-a-quelles-conditions.pdf
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- Publié le Sep 24, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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