Victor Hugo, Tas de Pierres III ( 1830-1833).« Le théâtre n'est pas le pays du

Victor Hugo, Tas de Pierres III ( 1830-1833).« Le théâtre n'est pas le pays du réel : il y a des arbres en carton, des palais de toile, un ciel de haillons, des diamants de verre, de l'or de clinquant, du fard sur la pêche, du rouge sur la joue, un soleil qui sort de dessous la terre. C'est le pays du vrai : il y a des cœurs humains dans les coulisses, des cœurs humains dans la salle, des cœurs humains sur la scène » SELON VOUS, L'ILLUSION CRÉÉE PAR LE THÉÂTRE ÉLOIGNE-T-ELLE LE SPECTATEUR DE LA VÉRITÉ OU LUI PERMET-ELLE DE S'EN RAPPROCHER ? LES CLÉS DU SUJET Comprendre le sujet  Vous devez analyser tous les mots importants du sujet. Trouvez l'objet d'étude : « théâtre », « spectateur » : le théâtre, texte et représentation.  Cherchez sous quel angle précis vous devez aborder ce thème : « illusion », « vérité ». Il s'agit du rapport du théâtre avec la réalité, du rapport de l'artifice et de la vérité.  Reformulez la question avec vos propres mots, en variant les termes interrogatifs, de façon à vous ouvrir des directions de réponse variées : « Le théâtre est-il éloigné ou est-il proche de la réalité et de la vérité ? » Chercher des idées  Pour trouver des idées, réfléchissez : o à partir du sens des mots et de leur contraire : « illusion » implique l'idée de « factice » et s'oppose à « réalité » ; « vérité » implique l'idée d'« authenticité » et s'oppose au mensonge, à la « fausseté » ; o aux éléments du spectacle (décor, costumes, lumières, rythme) et à ses divers intervenants : metteur en scène, acteurs, public...  Cela vous amène à organiser votre travail en deux parties : 1. « En quoi le théâtre est-il un art de l'artifice et de l'illusion ? » ; 2. « En quoi le théâtre est-il un art de la vérité, de l'authenticité humaine ? »  Cela vous suggère d'autres sous-questions : o « Qu'est-ce qui est faux/artificiel dans le théâtre ? » o « Qu'est-ce qui est vrai/réel/authentique dans le théâtre ? » ; « Quelle vérité nous dévoile le théâtre ? » o Ou, pour dépasser cette contradiction : « Comment se fait-il qu'un art aussi artificiel et conventionnel permette d'atteindre une certaine authenticité ? »  Répondez à ces questions avec des exemples précis.  Utilisez les scènes du corpus et constituez-vous une réserve d'exemples de pièces que vous avez lues ; rappelez-vous aussi précisément les spectacles théâtraux auxquels vous avez assisté. CORRIGÉ Plan analytique : question ouverte + plan dans la question Introduction Amorce : Le théâtre, par ses artifices matériels et ses conventions, semble nous écarter du réel et de la vérité. Les termes jeu et jouer indiquent bien ce côté factice et illusoire. Problématique : Mais le théâtre n'est-il qu'artifice et conventions, ou l'illusion théâtrale dévoile-t- elle la vérité ? Annonce du plan : S'il n'est pas « le pays du réel » (Hugo), le théâtre ne dépasse-t-il pas l'artifice pour nous conduire par des détours à ce que Hugo appelle « le vrai » ? I. Le théâtre : artifice, illusion et faux-semblants Le théâtre est surtout représentation. Or, représenter signifie « remplacer », « tenir lieu de » : le verbe implique la notion d'illusion. Et, de fait, rien n'est vrai au théâtre. Tout ce qui fait la réalité de la vie - lieu, espace et temps, mais aussi parole - y est transformé. 1. Le lieu : un univers factice de carton La matérialité factice de la mise en scène est aisément visible.  Au théâtre, le lieu est illusion : le spectateur admet que la scène présente comme réel un lieu en réalité factice et que les deux cents mètres carrés du plateau représentent une forêt dans l'acte II de Dom Juan, un champ de bataille dans Cyrano de Bergerac.  Hugo explique que « le théâtre n'est pas le pays du réel : il y a des arbres en carton, des palais de toile, un ciel de haillons, des diamants de verre, de l'or de clinquant, du fard sur la pêche, du rouge sur la joue, un soleil qui sort de dessous la terre. »  Les masques du théâtre antique amplifient et déforment voix et visages pour mieux souligner l'identité du personnage. De même, les costumes prennent une valeur symbolique : le traître est vêtu de noir et porte un large chapeau qui lui couvre le visage pour mieux montrer sa vilenie.  La commedia dell'arte abonde en codes simples qui permettent au spectateur de se repérer et de comprendre les enjeux de l'intrigue.  Comble de l'illusion : dans certaines œuvres, la mise en abyme redouble l'illusion spatiale. Ainsi, dans L'Illusion comique (Corneille), les personnages incarnent des acteurs en train de jouer une pièce. 2. Le temps et les invraisemblances de l'action Le lever et de le baisser du rideau, les jeux d'éclairage (lumière/noir) sont des signes conventionnels qui coupent le théâtre du réel. a. Le temps  Le temps théâtral est illusion : le spectateur admet que deux heures de spectacle équivalent à une journée réelle, voire à plus de dix ans dans Cyrano de Bergerac. Le temps du spectacle raccourcit le temps de la fiction et l'auteur, pour créer l'illusion qu'une journée ou dix ans sont égaux à deux heures, recourt à des moyens artificiels.  L'auteur recompose le temps et le résume en quelques répliques. Les entractes accélèrent son déroulement : des mois s'écoulent entre les actes I et II de Ruy Blas, et le valet a eu le temps de devenir Premier ministre. b. Les invraisemblances de l'action  Les rebondissements se multiplient : Beaumarchais sous-titre significativement Le Mariage de Figaro « la Folle Journée ». La limitation de l'action de la tragédie classique à 24 h conduit à une concentration de rebondissements bien rare dans la réalité : Phèdre avoue son amour à son beau-fils Hippolyte, Thésée - son mari qu'elle croyait mort - revient inopinément, elle calomnie Hippolyte auprès de Thésée, celui-ci maudit son fils que Poséidon fait mourir, et Phèdre, rongée de remords, se suicide.  Une scène de reconnaissance, improbable dans la vraie vie, vient dénouer de nombreuses comédies de Molière. Dans L'Avare, Anselme, qu'Harpagon destine comme mari à sa fille Élise, n'est autre que le père du jeune Valère qu'aime la jeune fille et que son père croyait mort ; voilà qui résout tous les problèmes : Élise épousera Valère...  Enfin, comment parler de « vérité » quand le surnaturel intervient sur scène ? Après qu'un spectre lui est apparu, c'est une statue de pierre animée qui provoque la mort de Dom Juan. Dans le théâtre de l'absurde, ce sont des faits surnaturels qui soutiennent la tension de l'action. Ainsi, chez Ionesco, les hommes se transforment en rhinocéros.  Pourtant, le public, « victime » consentante de l'illusion créée par ces artifices, adhère à ces invraisemblances. 3. Une énonciation et un langage artificiels L'énonciation et donc les procédés d'écriture sont eux aussi conventionnels et éloignés de la réalité.  Parmi ces procédés, la double énonciation : les personnages dialoguent entre eux, mais leurs paroles sont en réalité destinées au public qui, lui, n'intervient pas dans la pièce. Elle se concrétise parfois de façon plus évidente par les apartés. Dans la scène où Dom Juan courtise les deux paysannes toutes proches l'une de l'autre, comment croire que Mathurine n'entend pas ce qu'il promet à Charlotte, et inversement ?  Le langage non plus ne reflète pas la réalité : le monologue crée une situation artificielle où le spectateur admet qu'un personnage, seul sur scène, s'adresse à voix haute à lui-même et au public. Dans la vie réelle, le long monologue de Figaro dans l'acte V du Mariage de Figaro le ferait passer pour un fou.  Au théâtre, la communication passe aussi par les gestes, souvent outrés jusqu'à la caricature : la scène du sac des Fourberies de Scapin, avec les coups de bâton répétés que le valet inflige à son maître, pourrait-elle exister dans la réalité ?  Enfin, la parole théâtrale elle-même est artificielle : parlons-nous en alexandrins comme dans les tragédies classiques ou les drames de Hugo ? Les valets s'expriment-ils avec le lyrisme passionné de Ruy Blas devant les ministres assemblés (III, 2) ? II. Le théâtre, un art de l'authenticité et du « vrai » Après avoir affirmé que le théâtre n'est pas « le pays du réel », Hugo ajoute qu'il « est le pays du vrai : il y a des cœurs humains sur la scène, des cœurs humains dans les coulisses, des cœurs humains dans la salle ». 1. Un travail bien réel  Le spectacle se déroule dans un lieu bien réel avec une scène, des coulisses... Outre le metteur en scène et les acteurs, une troupe comprend des éclairagistes, des ingénieurs du son, des techniciens vidéo uploads/Litterature/ 2nde-1e-dissertation-l-x27-illusion-au-theatre-citation-victor-hugo.pdf

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