Nous n’avons volontairement pas corrigé les imperfections de forme qui peuvent
Nous n’avons volontairement pas corrigé les imperfections de forme qui peuvent survenir dans chaque copie. Concours externe 3ème épreuve d’admissibilité : Question contemporaine Meilleure copie Note : 18/20 La France a-t-elle toujours vocation à porter des valeurs universelles ? « Car nous défendrons dans la patrie française non l’esprit de haine et d’exclusion, mais la promesse de l’universelle liberté et de l’universelle justice » : c’est ainsi que Jean Jaurès expliquait, à l’aube de la première guerre mondiale, la conciliation de son patriotisme et de son engagement pour l’Internationale. Ce sentiment que la France incarnerait, en raison de son histoire, une idée supérieure qu’elle devrait transmettre à l’humanité est une caractéristique fondamentale du rôle qu’elle entend jouer dans les relations internationales depuis 1789. Se prétendre une vocation à porter des « valeurs universelles » n’est pas chose sans risque étant donné le statut ontologique de l’expression. Les valeurs peuvent être définies comme des principes d’action morale soumis à la règle Kantienne d’ « agir telle que ta maxime soit loi universelle » (Vers la paix perpétuelle) et engageant ainsi en conscience le sujet qui s’y soumet. Lorsque ce dernier est un Etat, l’engagement semble plus difficile et surtout plus périlleux : si un Etat peut se fixer une doctrine d’action, il reste avant tout soumis aux principes les plus permanents de pragmatisme et de raison d’Etat. Le risque est ainsi grand que « la valeur universelle » proclamée soit démentie fermement par les faits. Il est une seconde difficulté à cette expression, qui réside en son caractère absolu et intemporel. Comment en effet prétendre imposer à l'ensemble des contrées du Monde des valeurs correspondant à une histoire et un mode de vie avant tout occidental ? Cette difficulté est d’autant plus poignante que la pensée politique française a très tôt reconnu, dans le sillage de la théorie des climats de Montesquieu dans l’Esprit des lois, une autonomie absolue des peuples pour adopter le régime leur convenant le mieux, les lois civiles étant « des rapports naturels découlant de la nature même des choses » Au-delà de la contradiction apparente de l’association de cette expression à l’action d’une nation, on peut en outre s’interroger sur l’exclusivité de la défense de ces valeurs. L’historien Eric Hobsbawn dans Nations et nationalismes souligne avec justesse que la création d’une nation est toujours le produit de liens proto- nationaux locaux, supra-locaux et d’une prétention certaine à l’universel. On peut en effet remarquer que l’ensemble des grandes nations mondiales partage de manière égale une même vocation à porter un message universel. Cette volonté réside probablement dans la nécessité de donner un sens à l’action publique aux yeux des citoyens comme le souligne Tocqueville s’agissant de la prétention messianique des Etats-Unis dans De la démocratie en Amérique. Or cette conception utilitariste des « valeurs universelles » est contradictoire avec leur objet même, qui est de se placer au dessus des contingences politiques pour guider la marche du monde. Ces critiques ayant été formulées, on distingue néanmoins sans mal le contenu des « valeurs universelles » que la France a compté porter dans l’histoire récente : droits de l’homme, principe des nationalités, et une certaine vision du progrès basée sur l’émancipation des individus. Ces dernières ont reçu une forme de démenti par des faits historiques « peu glorieux » tels la colonisation, le vichysme, l’affaire Dreyfus que François Bédarida distingue comme les « trois crises de la conscience française ». De plus, alors que la France ne semble pas avoir été à même d’appliquer ses propres valeurs, ces dernières ont été faites siennes par un grand nombre d’autres nations occidentales. Dans ce contexte, la contradiction à la fois théorique et pratique de « valeurs universelles françaises » peut être explicative de la perte d’influence de la France dans le monde. La France peut-elle supporter les contradictions de son modèle et porter des valeurs universelles ? La vocation universelle de la France, évidente depuis 1789, demeure sérieusement ébranlée par trois grandes crises de conscience, semant le doute sur son message et sa crédibilité (I). Plus encore, ce doute est aujourd’hui grandi par les évolutions du monde actuel dans lequel la France ne semble pas trouver sa place. Pourtant la marche actuelle du monde, comportant une certaine part de tragédie, rend d’autant plus nécessaire le retour en force d’un message français renouvelé (II). * * * Si la vocation universelle de la France est évidente depuis 1789 (A), celle-ci est sérieusement ébranlée par l’épreuve de trois grandes crises de conscience (B). * Le début de la prétention de la France à incarner des valeurs universelles est à situer au moment de la Révolution française. Au cours de cet événement historique remarqué et servant de modèle au monde, la France a su incarner aux yeux des peuples un exemple singulier et cohérent, que Jules Michelet exprime avec cet enthousiasme : « soudain je la vis, telle une personne ». On peut parler de « moment 1789) en revenant à la source du mot, movimentum, mouvement en latin : c’est à partir de la Révolution française qu’a débuté le mouvement de libération des peuples au XIX° siècle. La singularité de cette révolution réside en ce qu’elle entend se baser sur une vision fondamentale de l’Homme comme être de raison, disposant de droits naturels que le système politique ne peut que garantir, en « pliant le genou devant le droit » selon l’expression d’Emmanuel Kant. De ce moment historique date le qualificatif de « patrie des droits de l’Homme » que la France se plait à défendre mais qui est encore utilisé aujourd’hui par la presse étrangère. Ce « moment 1789 » s’est accompagné, tout au long du XIX° siècle, par le développement d’un modèle politique entièrement tourné vers l’universel. En premier lieu, la conception de la nation française comme politique et non ethnique ou raciale, à la différence du modèle allemand, est une caractéristique forte de cette prétention à l’universalité : il n’est demandé au citoyen qu’un « plébiscite de tous les jours » selon le mot d’Ernest Renan dans Qu’est-ce-que la nation. Cette vision intrinsèquement universelle de la nation peut être illustrée par ce vers de Lamartine dans sa Marseillaise à la Paix, en réponse à un poète nationaliste allemand : « la vérité, voilà mon pays ». En second lieu, le peuple est lui-même conçu comme un tout indivisible, ce qui est une originalité pour l’époque comme le remarque Pierre Rosanvallon dans le Peuple introuvable. L’indivisibilité du peuple ne se sépare pas de la valeur de « fraternité, troisième principe de la devise républicaine, qui fait de l’attention de chacun pour tous une maxime cardinale que Lamartine encore exprimera dans A Félix Guillemardet : « et soudain, insensible à ma propre misère, j’ouvris mon cœur aux douleurs de mes frères ». Ce passage, cette prise de conscience d’être peuple indivisible et fraternel s’accompagne de la définition d’un droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et d’un soutien infaillible au « principe des nationalités » et au révolutions du printemps des peuples de 1848. Cet engagement de la France au côté des peuples opprimés inspire à Charles de Gaulle la fameuse phrase suivante « il existe un pacte vingt fois séculaire qui lie la grandeur de la France à la liberté du monde ». Enfin, la caractéristique la plus puissante du modèle politique français réside dans son idée de progrès : si peuple et nations ne font plus qu’un, c’est bien dans le but du salut moral et matériel de l’humanité. A l’image de la caravane symbolisant le progrès dans le poème Jocelyn de Lamartine, l’action de l’Etat doit être entièrement dévolue à la réalisation du progrès humain en écartant tout sur son passage. Cette vision se retrouve dans la création de l’école publique et laïque, et a pendant longtemps constitué le ciment à la fois imaginaire et concret de la République comme le souligne Mona Ozouf dans l’Ecole de la République : le projet de Condorcet, « rendre la raison populaire » est toujours bien vivant. * Malgré la force et la singularité des valeurs universelles françaises, trois événements historiques symboliques ont sérieusement ébranlé la solidité de l’édifice révolutionnaire. François Bedarida identifie ainsi les « trois crises de la conscience française » que sont l’affaire Dreyfus, Vichy et l’Algerie (symbole de la décolonisation en général). Dans chacun de ces trois événements, la France a fait montre d’un comportement contraire aux valeurs qu’elle prétend défendre. Le déroulement de l’affaire Dreyfus montre qu’une République établie dans la patrie des droits de l’homme peut dénier à un individu, en raison de son origine, l’ensemble des droits fondamentaux qu’elle entend imposer au monde, et ce avec le soutien d’au moins la moitié de ses citoyens. L’épisode de Vichy ne peut pas être interprété comme un simple coup d’Etat dans lequel la France n’aurait aucune responsabilité. En effet comme le montre Marc Bloch dans l’Etrange défaite, la débacle de 1940 a été précédée d’une période de médiocrité intellectuelle et politique rare, laissant aux Nazis le monopole uploads/Litterature/ 3-concours-externe-question-contemporaine-pdf.pdf
Documents similaires










-
33
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Jan 03, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.3357MB