www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Paul VERLAINE (France) (1844-1
www.comptoirlitteraire.com André Durand présente Paul VERLAINE (France) (1844-1916) Au fil de sa biographie s’inscrivent ses œuvres qui sont résumées et commentées (surtout ‘’Clair de lune’’, ‘’Il pleure dans mon cœur’’, ‘’Art poétique’’). Bonne lecture ! 1 Il est né à Metz, le 30 mars 1844, du capitaine Nicolas-Auguste Verlaine et d’Élisa Dehée. Enfant, il ne souffrit pas des fréquents changements de garnison de son père, car il était aimé, choyé par sa mère comme par sa cousine, Élisa Moncomble, qui, plus vieille de huit ans, était comme sa sœur adoptive. En 1851, les Verlaine s’installèrent à Paris, toujours avec Élisa. À neuf ans, le petit Paul fut interne à l’institution Landry, rue Chapsal. À partir de 1855, il suivit les cours du lycée Bonaparte (depuis Condorcet). C’était un élève studieux qui donnait entière satisfaction à ses maîtres, et comblait ses parents. Puis vint la classe de quatrième où, perdant la candeur de son enfance, il fut envahi par le doute, le questionnement sur l’utilité d’être. À quatorze ans, grandi trop vite, il devint un adolescent inquiet qui affectait le genre canaille, et écrivait de sombres poèmes sur la mort, se sachant poète depuis sa découverte des ‘’Fleurs du mal’’, étant partagé entre les deux postulations simultanées dont parle Baudelaire, l'une vers Dieu, l'autre vers Satan. Élisa, son premier amour, repoussa ses avances, affectueusement mais fermement. Elle fit même un mariage de convenance, et quitta la famille Verlaine pour vivre avec son mari à Lécluse dans le nord de la France. Ce chagrin d'amour le laissa inconsolable, «morne et seul». Pendant quatre ans, il n’étudia quasiment pas, mais, en 1862, obtint tout de même son baccalauréat, dans les mêmes conditions que Baudelaire : de justesse ! Cette année-là, il passa ses vacances d'été chez Élisa, et essaya à cette occasion de reconquérir son cœur. En vain. Après ses études, devenu un homme grand, au front haut, et à la barbe folle, il fut expéditionnaire à l'Hôtel de Ville de Paris, emploi peu absorbant qui lui permit de cultiver ses dons poétiques, de fréquenter les cafés littéraires, et de participer aux mouvements de l’époque. Il se mit à boire, peut- être pour échapper à une tristesse anxieuse, et avait les yeux toujours scintillants de quelque excès de cette absinthe, sous l'effet de laquelle il sombrait dans des crises de fureur insensée. On dut souvent le chasser du café Procope, titubant sur ses longues jambes, mais toujours la poésie au cœur et le vers au bord des lèvres. En 1863, il commença à publier des poèmes dans ‘’La revue du progrès moral’’. Il rencontra Banville, Heredia, Coppée. Contribuèrent à le désaxer la mort de son père en 1865, puis celle d'Élisa qui, en 1867, fut victime d’une fièvre puerpérale. Mais elle avait payé l’édition de son premier recueil : _________________________________________________________________________________ “Poèmes saturniens” (1866) Recueil de poèmes --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- “Chanson d’automne” --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- ‘’Mon rêve familier’’ --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- ‘’Monsieur Prud’homme’’ « Son faux-col engloutit son oreille… » Commentaire Joseph Prud’homme était un personnage créé par Henri Monnier (et interprété par lui au théâtre), caricature du bourgeois français, désireux de suivre l’évolution de son temps, et persuadé qu’il possède des lumières en toute choses alors qu’il est niais, conformiste et sentencieux. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 2 Commentaire sur le recueil En dépit d'une profession de foi parnassienne, Verlaine se déclarait né sous une «Influence maligne», ayant «Bonne part de malheur et bonne part de bile». Mais, à cette sensibilité inquiète et triste, au désarroi que lui causait ses amours malheureuses, il joignait de la sensualité et une musicalité suggestive. On trouve, dans ce recueil de poèmes adressés à une destinataire dont le nom est tu, une ardeur poétique heureuse parfaitement canalisée par les réflexes parnassiens. _________________________________________________________________________________ En juin 1869, alors même qu’il brutalisait sa mère au cours de scènes affreuses, Verlaine fit la rencontre d'une jeune fille de seize ans, Mathilde Mauté de Fleurville, la sœur d’un de ses amis, «être de lumière» qui lui apportait la pureté candide à laquelle il aspirait parmi ses hontes secrètes, qui devait l'aider à vaincre ses démons, qui illuminait sa vie de l’immense espoir de trouver, dans le mariage imminent, «un vaste et tendre apaisement», un bonheur tranquille, d’acquérir des habitudes plus régulières, de devenir sérieux après une vie de désordre et de débauche, de fréquenter assidûment son bureau. Il affirmait : «Oui, je veux marcher droit et calme dans la vie». Et n’était-elle pas, elle aussi, une artiste qui écrivait de belles choses, qui jouait du piano? La même année, il publia : _________________________________________________________________________________ “Fêtes galantes” (1869) Recueil de poèmes --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- “Clair de lune” Votre âme est un paysage choisi Que vont charmant masques et bergamasques, Jouant du luth, et dansant, et quasi Tristes sous leurs déguisements fantasques. Tout en chantant sur le mode mineur L'amour vainqueur et la vie opportune, Ils n'ont pas l'air de croire à leur bonheur Et leur chanson se mêle au clair de lune, Au calme clair de lune triste et beau, Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres Et sangloter d'extase les jets d'eau, Les grands jets d'eau sveltes parmi les marbres. Analyse Souvent, la volonté artificielle d’exprimer une joie qui n’est pas vraiment ressentie conduit à laisser paraître la véritable tristesse intérieure. C’est observable dans la vie et dans l’art : la tristesse fondamentale des comiques (Molière, Chaplin, Keaton), des clowns, des lieux dits de plaisir (foires, music-halls). C’est ce qui arrive à Verlaine dans “Clair de lune”, poème où il voulait célébrer sa fiancée, lui faire un compliment galant. Ces trois quatrains de décasyllabes aux rimes croisées étaient donc un madrigal, mais quel étrange madrigal ! Le poète y oublie vite l’âme de sa fiancée, et rend 3 plutôt, à travers l’évocation d’une scène censée être joyeuse, puis du clair de lune et, enfin, d’un parc immobile sous la clarté lunaire, la mélancolie profonde de sa propre âme. Ce paysage n’est pas pris à la nature, mais plutôt au tableau de Watteau “Assemblée dans un parc” dont Verlaine s’inspirait dans son recueil, “Fêtes galantes”, comme l’indiquait nettement la première version du poème (dans “La gazette rimée” du 20 février 1867), où le vers 9 se lisait : «Au calme clair de lune de Watteau». Le peintre rendait dans ses tableaux l’ambiance libertine, licencieuse de l’époque de la Régence. Les sujets qu’il peignait étaient légers, les cadres aimables. Mais chacun peut, selon son tempérament, les interpréter et y projeter ses propres sentiments parce qu’ils se maintiennent toujours dans une sorte de pénombre, de douceur, de tranquillité qu’on peut prendre pour de l’accablement. C’est ce que fait Verlaine qui incline Watteau dans son sens sans qu’on puisse dire qu’il le trahit. C’est le propre des grandes œuvres que de coïncider avec de nombreux états d’âme. Dans le premier vers, qui s’adresse à la fiancée, qui a bien, par le sens comme par le rythme et les sonorités (l’assonance en a-oi : «âme-age-choi»), le caractère solennel du compliment, qui est à prononcer avec un accent d’adoration, l'attitude du poète est toute de respect, et son éloge est d'une rare délicatesse. L’âme de son inspiratrice, jeune fille qu’on devine raffinée, charmée par les plaisirs d’une vie élégante et frivole, est identifiée à un paysage qui est «choisi», mot mis en valeur par sa place à la fin du vers. Mais la description de l’âme est éludée. Elle est une sorte de théâtre, et toute l'attention se porte sur ce décor imaginaire, et sur les mouvements des personnages qui l'animent. La construction ancienne d'«aller» suivi d'un participe présent (chez Ronsard, on trouvait : «ne s’aille réveillant») traduit la durée, le mouvement, la vivacité, la progression dans l’âme de la séduction opérée par les personnages ; le parfum d'archaïsme est confirmé par «charmant», «charmer» le paysage signifiant «le mettre sous l'effet d'un enchantement». Les sujets suivent, d'autant plus unis sémantiquement qu'ils sont employés sans article, et restent ainsi dans l'indétermination. Une paronomase amusante et une rime intérieure très appuyée unissent un mot connu, «masque» (qui désigne ici une personne portant un masque et un déguisement) à un mot rare, «bergamasque» (qu’il faut prendre ici comme désignant une personne dansant une bergamasque, danse du XVIIIe siècle, empruntée aux paysans de la province de Bergame en Italie). Ce sont donc des personnages participant à un carnaval. Ce vers, formé de syllabes longues, a un mouvement ample. Les sons «on» («vont»), «an» («charmant»), assez pesants, accentués par l’allitération en «m» («charmant», «masques», «bergamasques») évoquent la cadence et la lenteur des danses d’autrefois. Le vers 3, au contraire, est fortement coupé, comme si, soudain, les personnages du tableau s’animaient. L'emploi comme épithètes de participes mis sur le même plan que l'adjectif qui les suit contribue à fixer cette évocation éphémère. Le décasyllabe est rendu très souple par les coupes irrégulières (4 / 3 / 3), par la répétition de «et», par l’effet que produisent deux fois deux notes sourdes («jouant», «dansant») suivies de notes aiguës («du luth, et quasi») : on perçoit comme un pas de danse qui reste toutefois en suspens sur l'adverbe uploads/Litterature/ 483-verlaine.pdf
Documents similaires










-
27
-
0
-
0
Licence et utilisation
Gratuit pour un usage personnel Attribution requise- Détails
- Publié le Fev 06, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
- Taille du fichier 0.2407MB