CNED TERMINALE HUMANITÉ-LITTÉRATURE-PHILOSOPHIE 1 SÉQUENCE 1 ÉTAPE 2 : LA LEÇON
CNED TERMINALE HUMANITÉ-LITTÉRATURE-PHILOSOPHIE 1 SÉQUENCE 1 ÉTAPE 2 : LA LEÇON Partie C - La construction de soi : De la formation à l’émancipation La présence de plus en plus importante du personnage de l’écolier dans les récits du XIX e siècle est un témoignage probant des évolutions de l’institution scolaire à cette époque. Si dans un idéal éducatif, la formation se doit d’être bienveillante et émancipatrice, c’est aussi par la révolte contre celle-ci, allant même parfois jusqu’à la rupture avec toute forme d’institution que l’individu se construit pour devenir véritablement « soi ». Dans une démarche littéraire, ce « soi » est à la fois un « moi » humain (femme ou homme) et un « moi » écrivain, les deux grandissant côte à côte et s’enrichissant l’un l’autre. Tout d’abord, nous partirons donc à la recherche de l’écrivain Vallès qui, en gestation dans L’Enfant, s’est nourri d’un intertexte signifiant pour en devenir un à son tour… Nous montrerons ensuite, à travers deux expériences d’écriture autobiographique, comment deux écrivaines du XX e siècle – Simone de Beauvoir et Annie Ernaux – relatent leur parcours d’apprentissage, trajectoire les menant à l’émancipation de leur milieu respectif. Un travail parfois douloureux durant lequel l’écriture leur a permis de ne plus subir mais de choisir leur destin. 1. À la recherche de l’écrivain : l’enfance comme temps de gestation Comme nous avons pu le voir précédemment, la figure de l’écrivain apparait explicitement dans L ’Enfant sous les traits du proviseur, auteur des Vacances d’Oscar (cf. Mon marque-page n°1). Cependant, au cœur d’une démarche autobiographique, la figure du personnage-écrivain est omniprésente : le lecteur sait que l’enfant qu’il voit grandir et agir dans le temps de l’histoire est aussi, dans le temps de l’écriture, l’adulte et l’écrivain devenus. Lorsqu’un écrivain se lance dans une démarche autobiographique, la mise en abyme est inévitable et même consubstantielle : le mouvement d’analepse le renvoie à observer et à comprendre ce qui a fait advenir l’écrivain, sans qui l’autobiographie ne serait pas. Au XX e siècle, Marcel Proust va imposer avec la Recherche un modèle à la fois admirable et inspirant, encourageant tout autant que décourageant pour des générations d’auteurs qui l’admirent mais le savent aussi indépassable ! Quant aux prédécesseurs de Jules Vallès, ils ne sont pas moins intimidants et trois écrivains se distinguent : Montaigne et ses Essais (Première parution en 1580), Rousseau et ses Confessions (Première version en 1767), Chateaubriand et ses Mémoires d’outre-tombe (sous forme de feuilleton en 1848). Ces trois titres – « Essais », « Confessions » et « Mémoires » – deviennent même les parangon de l’écriture de soi. Si Chateaubriand est le plus proche chronologiquement de Jules Vallès, c’est l’intertexte rousseauiste qui est le plus apparent dans son œuvre, et ce précisément dans L’Enfant dont le premier chapitre consacré à la « mère » (cf. A.3.) est le reflet d’un miroir inversé du début des Confessions : tandis que Jean-Jacques « coût[e] la vie à [s]a mère », Jacques présente une figure maternelle qui, par ses coups, lui a coûté son enfance. De ces coups émane alors une seconde référence, encore plus explicite avec l’épisode de la « fessée », expérience on le sait décisive pour Rousseau et « premier souvenir » pour Vallès. Si le premier souvenir de Jacques est donc lié à la violence, celui de Jean-Jacques est lié à la lecture, comme il l’écrit dans le premier tome de ses Confessions où le temps des « premières lectures » est la CNED TERMINALE HUMANITÉ-LITTÉRATURE-PHILOSOPHIE 2 date de départ de « la conscience de [s]oi-même ». Force est de constater que la figure du lecteur est plus fréquemment mise en mots que celle de l’écrivain ; elle la précède et en est à l’origine. Quand elle apparaît, c’est souvent au cœur d’un doute, d’un questionnement. Ce passage du livre IX des Confessions avec lequel nous terminerons en est un bon exemple : « Mais je sentais qu’écrire pour avoir du pain eût bientôt étouffé mon génie et tué mon talent, qui était moins dans ma plume que dans mon cœur… » Un extrait à épingler… L ’adulte se cache entre les lignes quand est soulignée l’épaisseur de son récit. Cette épaisseur du temps – différence subtile entre le temps de l’histoire et le temps de l’écriture – est particulièrement mise en avant dans l’extrait épinglé. Soyez attentif et vous entendrez en fond sonore la voix de Jules Vallès à travers celle de Jacques Vingtras ! « Un jour je jetais une croûte, mon père est allé la ramasser. Il ne m’a pas parlé durement comme il le fait toujours. « Mon enfant, m’a-t-il dit, il ne faut pas jeter le pain ; c’est dur à gagner. Nous n’en avons pas trop pour nous, mais si nous en avions trop, il faudrait le donner aux pauvres. Tu en manqueras peut-être un jour, et tu verras ce qu’il vaut. Rappelle-toi ce que je te dis là, mon enfant ! » Je ne l’ai jamais oublié. Cette observation, qui, pour la première fois peut-être dans ma vie de jeunesse, me fut faite sans colère, mais avec dignité, me pénétra jusqu’au fond de l’âme ; et j’ai eu le respect du pain depuis lors. Les moissons m’ont été sacrées, je n’ai jamais écrasé une gerbe, pour aller cueillir un coquelicot ou un bleuet ; jamais je n’ai tué sur sa tige la fleur du pain ! Ce qu’il me dit des pauvres me saisit aussi, et je dois peut-être à ces paroles, prononcées simplement ce jour-là, d’avoir toujours eu le respect, et toujours pris la défense de ceux qui ont faim. » MON MARQUE-PAGE N°3 – Le chapitre « La Petite Ville » Dans L ’Enfant, Jacques en futur écrivain n’apparaît pas véritablement ; c’est au lecteur de relever ce qui, dans cet enfant, sera constitutif de l’adulte-écrivain. Votre marque-page s’arrête donc au chapitre IV qui contient, en germe, de nombreux éléments éclairants sur le héros de L ’Enfant que l’on suivra dans Le Bachelier et L ’Insurgé. En effet, le motif de la « porte » qui ouvre ce chapitre est particulière- ment symbolique : la porte est un passage d’un espace à un autre et ce qui se trouve de l’autre côté peut changer à jamais celui qui le franchit. Fréquentes dans les petites villes du Puy, les portes font passer les piétons de la campagne environnante à la rue. Jacques ressent d’abord « une espèce de vénération » pour ce vestige des « monuments romains » mais cette admiration pour l’Antiquité ne tarde pas à se métamorphoser en « dégoût ». A contrario, c’est la rue emplie de « la poussière fine de la farine » et du « tapage des marchés joyeux » qui le séduit. Après une description des artisans boulangers (cf. Un extrait à épingler) et du marché, Jacques se décrit en petit pêcheur. Résonne alors l’écho de la lecture magique des Vacances d’Oscar (cf. Mon marque-page n°1), ici relayée par celle des voyages du capitaine Cook. Mais, comme pour la porte, la magie finit par ne plus opérer chez Jacques : « Cela ébranla ma confiance dans les récits des voyageurs, et le doute s’éleva dans mon esprit ». À ce point du chapitre, l’enfant aime donc déjà la rue tandis qu’il doute des voyages au long cours. Le chapitre s’achève par une ascension, là encore hautement symbolique puisqu’elle mène Jacques à l’École normale : « Là-haut, tout là-haut, est l’École normale ». Invité à jouer au trapèze et à la balan- çoire avec l’enfant du directeur, Jacques voit ses deux objets d’élévation interdits par sa mère. Certes malheureux, il est sauvé par la « mélancolie » qu’il ressent en regardant le coucher du soleil, les cheveux au vent, « comme un ancien sur un banc ». De ce sentiment particulièrement mature qui entraîne la comparaison de l’enfant avec un vieil homme débouche finalement une seconde comparaison, cette fois beaucoup plus fougueuse, à l’image de l’insurgé qu’il deviendra : ne pensant « pas à [s]a mère, ni au bon Dieu, ni à [s]a classe », Jacques se fait « l’effet d’un animal dans un champ, qui aurait cassé sa corde ». Sans mère, sans Dieu, sans maître donc, il « caracole » dans ce champ de liberté, annonciateur de la cavalcade révolutionnaire qui résonnera quelques années plus tard sur les pavés parisiens… CNED TERMINALE HUMANITÉ-LITTÉRATURE-PHILOSOPHIE 3 Un réseau de références… Le pain du peuple ! Référence 1 – « … nous avons perdu nos auteurs. » (Cf. OA, « 2. Des textes et des tableaux : Sur la trace d’une pensée », page 14) « Les deux enfants emboîtaient le pas derrière lui. Comme ils passaient devant un de ces épais treillis grillés qui indiquent la boutique d’un boulanger, car on met le pain comme l’or derrière des grillages de fer, Gavroche se tourna : — Ah çà, mômes, avons-nous dîné ? — Monsieur, répondit l’aîné, nous n’avons pas mangé depuis tantôt ce matin. — uploads/Litterature/ 7lp06te0120-etape-2-partie-c.pdf
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- Publié le Fev 04, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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