Revue des Sciences Religieuses Le Targum palestinien A. Diez Macho Résumé L'ara
Revue des Sciences Religieuses Le Targum palestinien A. Diez Macho Résumé L'araméen du Targum palestinien est une langue araméenne parlée par le peuple, contrairement à celle de Qumrân qui serait davantage une langue littéraire. Son ancienneté est prétannaïtique et il n'est pas le produit d'une évolution linguistique postérieure à l'araméen de Qumrân. De cette ancienneté découle sa grande importance pour la recherche du substrat araméen des Évangiles et des Actes ainsi que pour le choix des variantes primaires dans la critique textuelle. On trouve dans ce Targum l'origine la plus reculée de la tradition rabbinique, et il offre des possibilités de rapprochements avec le Nouveau Testament qui ne sauraient être négligées. Citer ce document / Cite this document : Diez Macho A. Le Targum palestinien. In: Revue des Sciences Religieuses, tome 47, fascicule 2-4, 1973. Exégèse biblique et judaïsme. pp. 169-231; doi : https://doi.org/10.3406/rscir.1973.2676 https://www.persee.fr/doc/rscir_0035-2217_1973_num_47_2_2676 Fichier pdf généré le 05/04/2018 LE TARGUM PALESTINIEN 1. Définition du Targum Palestinien (= TargP) On entend par « targum » une traduction de la Bible hébraïque en langue araméenne pour l'usage (liturgique) de la Synagogue. La LXX, traduction de l'hébreu en grec, ne serait pas à proprement parler un targum bien que sa manière de traduire rappelle de bien près les targumim et quelle soit destinée à l'usage synagogal : en effet « targum » est devenu l'équivalent d'« écrit biblique en araméen » (1) . La version de l'A.T. dite christo-palestinienne n'est pas un Targum parce qu'elle est une traduction du grec ; la Peshitta non plus parce que c'est une version pour les chrétiens (2). Le Penta- teuque araméen des Samaritains est un vrai targum, un targum tout à fait littéral, plus littéral que le Targum d'Onqelos et que celui de Job retrouvé dans la grotte XI de Qumrân. Onqelos renferme beaucoup de haggadas palestiniennes, comme l'ont relevé G. Vermès et J.W. Bowker (3) ; quand même, il demeure fidèle à sa méthode de littéralité, se servant de mots habilement choisis pour introduire haggada ou halakha ; par ex., là où le TM dit (Ex. 21, 12) : « Quiconque frappe un homme et que celui-ci meure » (homicide involontaire, sans préméditation) , Onqelos traduit : « Quiconque frappe un homme et le tue » (homicide volontaire) en conformité avec la Mekhilta et d'autres sources rabbiniques (4). La traduction interprétative, paraphrastique, bien que non essentielle au targum, se trouve même dans les targums littéraux et, pour cela, on attribue souvent le nom de targum à toute version paraphrastique de la Bible (5). Mais la paraphrase pour être tar- gumique, doit rester subordonnée à la « traduction » systématique 170 A. DÎEZ MACHO de la Bible, verset par verset. Une réélaboration libre des récits de la Bible comme celle de l'Apocryphe de la Genèse de Qumrân, des Testaments des douze Patriarches, des Jubilés, etc., ne constitue pas un targum (61). Parmi les targumim, ceux des Hagiographes présentent des paraphrases tellement étendues et étrangères à la traduction du texte, que leur éditeur, A. Sperber, les considère comme une «transition from translation to Midrash » : « These texts are not Targum-texts but Midrash-texts in the disguise of Targum» (7). On ne saurait appeler Targum que les paraphrases dont l'intention première est de « traduire », non de commenter le texte. Un commentaire verset par verset du texte biblique est un midrash, nullement un targum. On peut se demander si le Pseudo Jonathan est un targum. G.J. Kuiper vient de publier sa thèse de doctorat, dont le but a été de montrer que le Pseudo Jonathan (= Ps) est un authentique targum palestinien (8), plus ancien que celui d'Onqelos. Mais il paraît être plutôt un hybride de targum et de midrash. Les conclusions de M. Ohana sur ce sujet sont différentes: d'après lui, le Pseudo- jonathan d'Exode est un targum palestinien dans la haggada, mais dans la halakha il est un calque d'Onqelos auquel il s'accommode en ajoutant souvent la formulation plus explicite et détaillée du midrash Mekhilta (9) . Les targums palestiniens, c'est-à-dire ceux dont la forme actuelle est née en Palestine, sont — hormis le Targum samaritain et ceux de Qumrân — riches en paraphrases, même le ms Neofiti 1 qui ordinairement a une allure très littérale. Le Targum fragmentaire {= TJ II), les fragments du Targum palestinien publiés par P. Kahle dans Masoreten des Westens, II (Stuttgart 1930), les rares fragments du Targum palestinien des Prophètes qui ont survécu (10) , le Targum des Hagiographes, tous sont généreux en paraphrases, quelques-uns au risque de devenir midrashim, cessant ainsi d'être de vrais targums. Nous reviendrons tout de suite sur les rapports entre targum et midrash, mais d'abord il faut préciser que seulement les Targums du Pentateuque et des Prophètes étaient destinés à la récitation, — toujours orale — , de la Synagogue ; les Targums des Megïllot étaient utilisés dans quelques fêtes juives à la synagogue, le reste des Targums aux Hagiographes n'ayant pas de caractère liturgique (11). LE TABGUM PALESTINIEN 171 Étant donné que le TargP des Prophètes est pratiquement disparu et que les Targums des MegiUot sont des compositions tardives, nous nous bornerons dans cette conférence au TargP du Pentateuque, mais ce que je dirai tout de suite sur Targum et Midrash est valable pour toute espèce de targum. 2. Targum et midrash En raison de ce que nous avons noté — existence de quelques targums qui seraient plutôt des midrashim — on se pose la question s'il n'existe pas d'incompatibilité entre targum et midrash. Certes, elle existe si par Midrash on entend les compositions de la littérature rabbinique qu'on appelle midrashim (MekhUta, Sifra, Sifre, Babbot, Pesiqta, Tanhuma, etc.). C'est le Midrash avec majuscule. Mais si on entend par midrash l'herméneutique juive ancienne, la méthode exégétique des juifs dans l'Antiquité, il n'existe aucune opposition : au contraire, le Targum inclut couramment des paraphrases et celles-ci sont le résultat du midrash (midrash avec minuscule). Le midrash ou derash comme méthode d'exégèse juive, est présent dans toutes les œuvres juives anciennes qui concernent l'explication de la Bible : on le rencontre dans la Septante, dans la Sagesse, l'Ecclésiastique, les Jubilés, les Testaments, les écrits de Qumrân, tels l'Apocryphe de la Genèse, le Document de Damas, les Pesharim qui interprètent par derash les prophéties de l'A.T. dans la Communauté de Qumrân ; il est présent dans la littérature juive hellénistique (Aristobule, Lettre d'Aristée, Philon, Josèphe, 4 Maccabées) ; on en trouve des traces même dans la Bible hébraïque : dans la littérature prophétique qui réinterprète les données des livres antérieurs, dans des Psaumes, dans les Chroniques, etc. Le midrash est particulièrement présent dans le TargP. E. Levine a dressé une liste de 400 éléments midrashiques dans la Genèse du Pseudo jonathan et une liste de 450 dans l'Exode du même Targum (12). Pour le judaïsme ancien, en effet, le sens de l'Écriture ne s'épuisait pas quand on traduisait le peshat, le sens qui appartient à la surface du texte ; on devait chercher {derash = recherche) le sens profond du texte : sens énormément riche parce que « la Torah a soixante-dix faces», aspects, significations (Yesh shib'in panim la-Torah, Ba-Midbar Rabbah 13,15), parce que «un passage de la Bible a plusieurs significations » (Miqra ehad yose le-khammah 172 A. DÎEZ MACHO fe'amim selon le mot de R. Ishmael). Dieu a mis dans sa parole une signification inépuisable, un sens pour toutes les circonstances, pour tous les âges. Pas seulement le double sens (farté mashma', TB Megillah 14b) (13) dont fait mention le rabbinisme, pas seulement le double sens mentionné dans plusieurs passages de l'Evangile de Jean (14) , ou le «sensus plenior » accepté par beaucoup d'exégètes contemporains. Le sens de l'Ecriture d'après le judaïsme ancien est incomparablement plus riche, et c'est le rôle du midrash, du derash, d'en extraire les richesses. Les soferirn, les darshanim, les maîtres du bet ha-Midrash — déjà cité dans Ben Sira 51,28 — et de la Synagogue s'adonnaient à cette tâche. Outre la Torah bi-ketab (loi écrite), on considérait appartenir à la Parole de Dieu, la Torah she-be-'al pe (Loi orale) ; au moins depuis le IIe siècle après J.-C, toutes deux étaient considérées mi-Moshe mi-Sinai, données par Moïse au Sinaï. En réalité, la plus grande partie de la loi orale dérivait de l'exégèse derash des docteurs et elle augmentait par accumulation. Le siècle de la naissance du christianisme fut un siècle de grande activité exégétique juive. La Bible léguée par le judaïsme au christianisme était une Bible interprétée : une somme de peshat et de derash, parce que d'après les idées juives, partagées par les premiers chrétiens venus du judaïsme, le derash — le sens tiré par ce procédé exégétique — appartenait aussi bien au sens de la Bible que le peshat. C'est un gros anachronisme dont n'a pas su se garder suffisamment Ch. Albeck (16), de séparer peshat et derash aux premiers siècles avant et après le christianisme. Au Moyen Age, mais pas avant 'Anan ben David, les grammairiens et exégètes juifs Sa'adia Gaon, Ibn Gannâh, uploads/Litterature/ a-diez-macho-le-targum-palestinien.pdf
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- Publié le Nov 13, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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