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1 ________________________________________________________________________________________ Site Présence de la littérature - Dossier Larbaud © SCÉRÉN-CNDP, 2009. Le point de vue de l’inspection pédagogique régionale des Lettres sur le projet Valery Larbaud conduit pendant l’année scolaire 2006-2007 dans l’académie de Clermont-Ferrand Par Christèle Mazeron. Madame Dravers, professeur de Lettres au collège Jules-Ferry à Vichy, nous a sollicités, Monsieur Gorge et moi-même, pour suivre, sur l’académie de Clermont-Ferrand, un projet intitulé simplement « À la découverte de Valery Larbaud ». C’était en février 2006 ; se préparaient déjà les manifestations qui allaient accompagner le cinquantenaire de la disparition de Valery Larbaud 1957-2007 : un colloque international « Du journal intime au monologue intérieur dans la littérature du XXe siècle » et la traditionnelle remise du prix Larbaud (cette année le 41e), placés sous l’égide de l’Association internationale des amis de Valery Larbaud que préside Michel Déon. L’inauguration à la médiathèque de Vichy par Philippe Lejeune, d’une exposition consacrée au journal intime et la présentation des travaux des élèves engagés par leurs professeurs dans la connaissance de la vie de l’auteur – et surtout dans la lecture de ses œuvres, ont animé ce lieu d’une présence très nombreuse. Nous avons d’emblée accepté les propositions de Madame Dravers, qui se présentaient sous la forme d’un vaste programme s’appuyant sur toutes les ressources littéraires dont l’œuvre de Larbaud abonde. Nous avons soutenu cette initiative en encourageant les professeurs et leurs élèves dans la découverte et l’approfondissement de l’auteur par un courrier adressé à tous les chefs d’établissement. Il nous importait que la manifestation prévue pour marquer le cinquantième anniversaire de la mort de Larbaud soit l’occasion, pour les collégiens et les lycéens, de comprendre ce qu’est la pensée vivante d’un auteur, d’être des lecteurs plus curieux, d’explorer, au cœur de sa province d’origine, certaines étapes de sa biographie, enfin de découvrir en quoi consiste la recherche en littérature, domaine dont ils ignorent tout. Le « lancement » de l’opération annoncé par un courrier daté du mois d’avril 2006 a été suivi de nombreuses initiatives pédagogiques et culturelles dont Annie Dravers, soucieuse de la qualité des lectures et des productions d’élèves que celles-ci leur avaient inspirées, nous a régulièrement rendu compte. Un bilan d’étape et une présentation à la presse de l’ensemble des projets scolaires ont eu lieu au Fonds Valery Larbaud de la médiathèque de Vichy le 23 janvier 2007. Le rendez-vous final, le 2 juin 2007, a réuni dans « la maison » du partenaire le plus actif de cet événement, la médiathèque de Vichy, des écrivains, des universitaires, des élèves, des 2 ________________________________________________________________________________________ Site Présence de la littérature - Dossier Larbaud © SCÉRÉN-CNDP, 2009. bibliothécaires, des professeurs, des lecteurs passionnés et des personnalités politiques pour que soient loués une fois encore le patrimoine littéraire et la langue que nous nous devons de transmettre à la jeunesse d’aujourd’hui. Pour savoir comment des collégiens et des lycéens français, allemands et polonais se sont approprié les poèmes, les nouvelles, les textes autobiographiques de Larbaud et les lieux qui sont indissociables de sa passion cosmopolite, il convenait de se rendre à la médiathèque pour lire les témoignages que les élèves avaient « accrochés » sur les panneaux que l’on trouvait près de l’entrée. Nous n’aurons pas la maîtrise des bienfaits de cette rencontre pour chacun des quelque six cents élèves concernés par le projet. En tant qu’éducateurs, nous croyons au bénéfice de cette lecture, mais nous tenons aussi à ce que les œuvres de Valery Larbaud continuent d’être, bien au-delà de cette année exceptionnelle, objets de découverte, d’enchantement et d’enseignement. Cet auteur trop ignoré, quand il n’est pas d’emblée méprisé, classé – hâtivement et injustement – parmi les « écrivains du terroir », mérite indubitablement ce que nous oserons appeler une réhabilitation, tant une certaine conception de la littérature a tenu ses écrits à l’écart du panthéon des œuvres capitales. Peut-être faudrait-il dire « littérarité » – comme Larbaud invente le terme « parisianité » – pour désigner « ce mépris, cette incompréhension militante à l’égard de tout ce qui n’est pas Nous » et s’en moquer dans « Paris de France », premier texte de Jaune bleu blanc. Les happy few, eux, n’ont jamais douté. Il est temps de les imiter. La méconnaissance dont Larbaud est encore victime trouve l’une de ses sources dans les manuels scolaires, souvent confondus par les enseignants avec les programmes officiels. Le fameux Lagarde et Michard, bien que peu loquace à l’endroit de notre auteur, avait au moins le mérite de le signaler au lycéen attentif. Dans un chapitre intitulé « Poésies du monde et de l’aventure » du tome consacré au XXe siècle, on trouve page 38 une allusion aux Poésies d’A.O. Barnabooth et la citation de six vers tirés de la fameuse Ode ; le chapitre qui traite « le roman avant 1914 » énumère les principaux titres de l’œuvre larbaldienne et donne à lire un bref extrait d’Enfantines, pages 136 et 137. La plupart des ouvrages de ce type parus depuis les années 1990 et jusqu’à 2005 ne contiennent pratiquement aucune référence à Larbaud. Cet oubli semble réparé par l’Histoire de la France littéraire publiée en mars 2006 aux PUF, dont le troisième tome, « Modernités. XIXe-XXe siècles » développe plusieurs aspects de l’activité littéraire de Valery Larbaud et évalue l’importance de son influence. Cet immense travail de synthèse qui a été réalisé sous la direction de Michel Prigent fait partie des ouvrages fondamentaux que doit fréquenter assidûment tout étudiant inscrit aux concours de recrutement des professeurs de collège et de lycée… Faisons le pari que les futurs enseignants de Lettres auront bénéficié des apports de la recherche et enseigneront les textes de Larbaud. 3 ________________________________________________________________________________________ Site Présence de la littérature - Dossier Larbaud © SCÉRÉN-CNDP, 2009. Les contenus des programmes de Français et les textes officiels les plus récents touchant l’introduction du roman en classe de première les y invitent par le biais des objets d’étude qui les composent. La poésie de Larbaud se prête évidemment à la compréhension de la spécificité de l’écriture poétique et de ce que l’on entend par modernité ; il suffit de relire, par exemple, « Images » dans Poésies d’A.O. Barnabooth pour renouer avec l’humanité la plus touchante de Baudelaire quand il croque les « Tableaux parisiens » ; il faut saisir deux vers de « L’ancienne gare de Cahors » – « Voyageuse ! ô cosmopolite ! à présent / Désaffectée, rangée, retirée des affaires » – pour entendre un poète, tendre, taquin et mélancolique, s’adresser à une gare en la tutoyant pour saluer sa mise à la retraite définitive. Conversation jusqu’alors inouïe ! Les nouvelles d’Enfantines, l’unique roman de Larbaud, Fermina Marquez, offrent une écriture exemplaire des deux formes de récit qui caractérisent ces genres narratifs qu’un lycéen est censé distinguer en classe de seconde ; le professeur trouvera dans ces œuvres de quoi illustrer un enjeu essentiel de l’évolution du roman, l’écriture du point de vue, celle du monologue intérieur qui met le lecteur au plus près de la vision du personnage, de sa conscience et de sa conception du monde. Beauté, mon beau souci… Amants heureux amants… Mon plus secret conseil… font entendre une voix narrative pénétrante qui livre les pensées sans apprêt, les confidences à peine habillées de mots, reliées entre elles par une syntaxe sommaire, débridée, sans anticipation : « Elles dorment encore. Tant mieux. J’aime me sentir seul à cette heure la plus fraîche et la plus solitaire ; la plus de toutes, lucide… Bon, de se retrouver soi-même, l’esprit net et tranquille, désabusé, après la confusion et le délire. Ne pas bouger. Mais non. J’irai. Les regarder dormir. Doucement ; pourvu que le chien de Cerri ne se mette pas à aboyer » (Amants heureux Amants…). La liberté formelle, la multiplicité des thèmes abordés, les pensées dégagées de toute convention, font le don au lecteur de ce cadeau inestimable : il revisite sa vie, se sent comme détaché, distant, il ne subit plus l’aliénation de sa vie ordinaire, et pourtant il a simplement l’impression de lire ce que pensent et vivent des personnages très éloignés de lui. Les professeurs qui voudront bien entendre notre invitation à aimer l’œuvre de Larbaud découvriront en elle une tonalité particulière, un mélange de prose poétique moderne, venue de la poésie antique, avec parfois des accents rimbaldiens, une maîtrise classique de la langue la plus exacte qui n’empêche nullement l’expression d’un hédonisme sage, hérité de La Fontaine, mais contemporain de Colette. Allen est une œuvre qui se présente comme un dialogue original et savoureux qui ne laisse pas de nous faire songer à Diderot ; les notes de l’auteur qui en éclairent la composition et le parti pris esthétique révèlent aux élèves, véritable bonus, comment Larbaud conçoit son travail d’écrivain et vers quels effets il vise pour atteindre son lecteur. Les Notes pour servir à ma biographie, que publie Claire Paulhan dans un petit livre magnifique, expliquent au 4 ________________________________________________________________________________________ Site Présence de la littérature - Dossier Larbaud © SCÉRÉN-CNDP, 2009. uploads/Litterature/ a-la-decouverte-de-valery-larbaud 1 .pdf

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