Armand Colin A PROPOS DE PHILOLOGIE Author(s): Karl Uitti and Éric Hicks Source

Armand Colin A PROPOS DE PHILOLOGIE Author(s): Karl Uitti and Éric Hicks Source: Littérature, No. 41, INTERTEXTUALITÉS MÉDIÉVALES (FÉVRIER 1981), pp. 30-46 Published by: Armand Colin Stable URL: http://www.jstor.org/stable/23801919 Accessed: 02-03-2017 15:22 UTC JSTOR is a not-for-profit service that helps scholars, researchers, and students discover, use, and build upon a wide range of content in a trusted digital archive. We use information technology and tools to increase productivity and facilitate new forms of scholarship. For more information about JSTOR, please contact support@jstor.org. Your use of the JSTOR archive indicates your acceptance of the Terms & Conditions of Use, available at http://about.jstor.org/terms Armand Colin is collaborating with JSTOR to digitize, preserve and extend access to Littérature This content downloaded from 105.159.253.81 on Thu, 02 Mar 2017 15:22:54 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms Karl Uitti, Université de Princeton. A PROPOS DE PHILOLOGIE Il y a presque deux mille ans, au temps de l'empereur Nér personnages de l'arbitre des élégances, l'écrivain Pétrone, se jusque dans les dîners à la mode — inter cenandum — l'on ex vernis de philologie. Ce sont évidemment les belles-lettres qu'il e là, peut-être même les potins littéraires, — quelque chose qui à nos bavardages de salon. En tout cas la philologie de Pétrone gnée de tout ce que l'on pourrait entendre aujourd'hui par ce recouvre bien des choses. On voit cependant que c'est un term qui plonge ses racines au cœur de l'Antiquité classique, et qui tunes diverses selon les époques, les pays, voire les disciplin néanmoins une constante qui pourrait caractériser les usages qu'a connus le terme « philologie » : il a désigné dans l'ensem et pratiques discursives qui se sont presque toujours montrée formulation idéologique, à la systématisation. A leurs heures reuses, la théorie et la pratique philologiques sont restées im toute formulation théorique claire et nette. Ses qualités, sa na damentalement celles que l'on associe à l'esprit conservateur, esse non systématique, et même poétique. Le grec philologia serait une réfection abstraite sur phil le sens non seulement de « qui aime les mots », mais aussi « ler », « qui aime les disputes », voire « bavard ». « La philologi dès le départ, subordonnée à « philolo-gue, -giste, -isant » : c dire de l'agent, non d'une cohérence interne propre, a prio cette activité. Une tradition séculière oppose avec ténacité l'am et l'amour de la sagesse pure, ou la philosophie — comparais peu flatteuse pour la philologie. Sénèque, entre autres, dépl nérescence de la philosophie de son temps en philologie : 30 This content downloaded from 105.159.253.81 on Thu, 02 Mar 2017 15:22:54 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms philosophia fuit, facta philologia est1 », regret qui trouve son écho chez ce Britannique du XVIIe siècle, Whitlock (1654), cité par Y Oxford English Dic tionary, à l'entrée « philologie » : « Whereas hee [Sénèque] complaineth Philo sophy was turned into Philology; may not we too sadly complain, most of our Christianity is become discoursive noise. » (On se rappelle la phrase célèbre de Ionesco, « la philologie mène au crime ».) L'Antiquité au contraire tint parfois en grande estime le philologue et la philologie; l'amoureux des mots était un homme de goût, de science, connaissant à fond l'art littéraire et ses valeurs, qui ne devait qu'à lui-même ses titres de noblesse. Pour Cicéron par exemple, Homère était le philologue par excellence : « Homerus philologiae omnis dux «Jugement que l'on a souvent repris; dans une formule bien frappée, ce même Cicéron déclare en somme qu'un homme pouvait être de la plus haute noblesse, quant à la naissance et à sa condition, sans accéder au rang de philologue : « Homines nobiles illi quidem, sed nullo modo philologi2 ». Nous avons là, assurément, l'un des antécédents de cette association dans la dis tinction de clergie et chevalerie (voir le prologue de Chrétien à Cligès). Force est de conclure que les termes de « philologie » et de « philologue », dont on ne paraît guère pouvoir se dispenser, doivent en partie leur longue survie précisément aux sens différents qu'ils ont pu revêtir à différentes époques; tout en restant fidèles à certaines constantes, ils se sont montrés d'une grande souplesse. Portées aux nues ou dénigrées, les activités comprises sous ces deux rubriques ont été, 1) traditionnellement opposées à toute activité relevant de la philosophie « systématique », et, en même temps 2) orientées vers des préoccupations de langage, surtout le langage « concret » de ce qui est devenu pour nous « la littérature ». Pour Cicéron, la pratique éclairée des belles-lettres n'était, à tout prendre, que philologia; quant au philologus, il en était en même temps l'auteur et l'interprète : on conjuguait de la sorte création et interprétation. Textes et la textualité qu'ils incarnent n'ont cessé d'orienter l'activité philologique : les valeurs de ces textes, leurs incidences dans et sur le monde, ne peuvent être appréhendées que par la critique minu tieuse de leurs attributs spécifiques (ce sera même, à l'occasion, comme on le verra plus loin, une analyse poétique), mais il est évident que les attributs que l'on peut considérer à juste titre comme spécifiques ont varié à travers les années. Et même, l'on pourrait affirmer, je crois, avec justesse que chaque fois que les formes littéraires et poétiques du discours étaient tenues en haute considération, ce que nous appelons philologie, sous ce vocable ou d'autres 1. Ad Lucilium epistularum, éd. F. Haase, liv. XVIII, ép. 5 (108), 24, Leipzig, Teubner, 1897, p. 355. Sénèque prend à parti le grammaticus « formaliste », qui, à la lecture de l'admirable phrase virgilienne, « fugit irreparabile tempus », se contente de noter « que chaque fois que Virgile parle de la fugacité du temps, il emploie le mot fugit ». Le « philosophe » de Sénèque, cependant, se penche sur ce vers et explique avec minu tie son sens profond et, on le suppose, irrévocable — ce qui constitue, une fois pour toutes, sa référence (voir p. 355 et sqq.). 2. Epistulae ad A tticum, éd. D. R. Shackleton Bailey, Liv. XIII, ép. 12, 3, Oxford, Clarendon Press, 1961, p. 172. 31 This content downloaded from 105.159.253.81 on Thu, 02 Mar 2017 15:22:54 UTC All use subject to http://about.jstor.org/terms (par exemple, grammatica ou clergiè), jouissait également d'une haute estime. Les déclins périodiques qu'a connus la philologie peuvent être attri bués dans l'ensemble, soit à l'usure, soit à la banalisation du mot lui-même (et par conséquent l'adoption d'un autre terme), soit à la primauté donnée aux formes non poétiques du discours (par exemple à la logique dans les cercles de l'Université parisienne au xme siècle, à la pensée hégélienne ou « histoire », dans l'Europe du XIXe siècle). A ses meilleures heures — qui me paraissent être aussi les plus caracté ristiques —, la philologie a tenu que non seulement l'étude, mais également la pratique des créations individuelles étaient les moyens les plus légitimes de parvenir à la créativité — appelée tantôt Créateur ou Création, tantôt Humanité ou, à l'apogée du romantisme, Peuple. « Per creaturas ad Creatorem », tel était le dogme au xne siècle de cette admirable école de Chartres3, dont on ne saurait mésestimer l'influence sur la poésie et la pensée européennes, tant en latin qu'en langue vulgaire. Cette idée parvenait essen tiellement du De nuptiis Mercurii et Philologiae de Martianus Capella, texte au titre prometteur, mais que l'on a tendance à ignorer, si ce n'est à détester (daté habituellement aux environs de 410 à 429). Certes les savants ont admis, et cela de longue date, l'importance de ce remarquable prosimetrum pour la transmission, de l'Antiquité tardive au haut Moyen Age, du concept des Sept Arts libéraux4; mais le caractère foncièrement poétique du travail entrepris par Martianus5, et partant le rôle exemplaire joué par le De nuptiis dans la « philologie créatrice » des Chartrains, et surtout de leurs successeurs ou homologues en langue vulgaire (par exemple, Chrétien de Troyes, le poète d'Aucassin et Nicolette, Jehan de Meun, Dante), voilà ce que bien peu de spécialistes se sont avisés de reconnaître. Dans l'ensemble, depuis la Renaissance, la recherche a préféré s'orienter vers le « contenu » idéologique du De nuptiis, contenu qui lui paraissait « confus » et « déroutant »; elle a arraché les voiles de l'allégorie, ou à moins de s'en moquer, ignoré totalement les élaborations poétiques essentielles de Martianus. Le De nuptiis devient ainsi une sorte de manuel scolaire des arts libéraux, à la sauce mythologique, concoction vaine et fictive, voire incompréhensible ou « délirante6 ». Alors 3. Voir par exemple Winthrop Wetherbee, Platonism and Poetry in the Twelfth Century, Princeton University Press, 1972, p. 83-92, surtout p. 90. 4. Par exemple, Ernst Robert Curtius, La Littérature européenne et le moyen âge latin, p. 37 et suiv. de la traduction anglaise par W. R. Trask, New York-Evanston, Harper and Row, 1963. Cf. Wetherbee, op. cit., p. 83, et W. H. Stahl, « To a Better Understanding of Martianus Capella », Speculum, XL (1965), p. 102-115. 5. La uploads/Litterature/ a-propos-de-philologie-karl-uitti-and-eric-hicks.pdf

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