1 Petit abécédaire du théâtre A comme… Architecture • L’histoire du théâtre est
1 Petit abécédaire du théâtre A comme… Architecture • L’histoire du théâtre est inséparable de l’histoire des lieux de représentation : le mot théâtre vient du grec theâtron, qui désigne une partie de la construction – en plein air – où s’accomplissait le rituel dionysiaque des panathénées (fêtes données en l’honneur de la déesse Athéna au VIe siècle av. J.-C.). Cette construction spécifique se compose d’une scène (proskenion), séparée des gradins en demi-cercles par l’orchestra. L’ensemble du dispositif est le plus souvent adossé à la pente d’une colline, comme le théâtre de Dionysos, sur le flanc de l’Acropole, à Athènes. Ce type d’architecture perdure pendant l’Empire romain, avec quelques améliorations techniques : pose de toile pour protéger le public du soleil ; ajout d’un mur de séparation entre la scène et les coulisses ; mur incliné vers l’avant pour rabattre les voix des comédiens vers le public. Les Romains aménagent aussi le sous-sol des théâtres pour y placer des machineries de plus en plus perfectionnées. ( Voir « Scénographie ».) Bel exemple bien conservé de ce type d’architecture : le théâtre d’Orange (Vaucluse) où se déroulent chaque année des Chorégies : http://www.choregies.asso.fr/fr/histoire.html • Le Moyen Âge voit fleurir de nouveaux espaces scéniques : le parvis des églises pour les drames religieux (miracles et misteres), les rues et les places pour les spectacles profanes (fêtes de Carnaval, jongleries, pantomimes, farces et soties). Tous ces lieux sont d’accès libre. Les places payantes apparaissent au milieu du XVe siècle pour accéder aux cours d’auberge ou d’hôtels particuliers, selon le public auquel est destiné le spectacle. En France, le mécénat royal (XVIIe siècle) et la création des premières troupes subventionnées entraînent la construction de nouveaux lieux dont l’architecture s’inspire du modèle antique : amphithéâtre pour le public, nettement distinct de l’espace scénique dont il est séparé par la fosse d’orchestre, mais espace global complètement fermé, dissimulant dans son architecture les machineries destinées à faire triompher l’illusion. Premier du genre, le théâtre du Palais-Royal est construit en 1641 pour accueillir la troupe de Molière ; il abrite aujourd’hui la Comédie Française, troupe créée en 1680. http://www.comedie-francaise.fr/institution_presentation.php • Ce type de théâtre, dit « à l’italienne » – en référence à la célèbre Comédie Italienne qui partage, avec Molière, la salle du Palais-Royal et de l’Hôtel de Bourgogne – se répand dans toutes les capitales d’Europe et fixe pour longtemps les caractéristiques du théâtre : un espace scénique nettement distinct de l’espace spectateur. Les nombreux théâtres construits tout au long du XIXe siècle (Restauration et Second Empire) sont construits sur les mêmes principes, indépendamment des genres de spectacles proposés. • Au XXe siècle, la naissance de l’électricité et la découverte de nouveaux matériaux permettent des innovations dramaturgiques, mais ne modifient pas l’architecture globale du théâtre. La politique culturelle de l’après-guerre entraîne la création, dans toute la France, de nouveaux Centres dramatiques nationaux puis, sous l’impulsion d’André Malraux, premier ministre de la Culture de la IVe République, de Maisons de la Culture polyvalentes, dont l’architecture possède les caractéristiques des années 1960 : formes géométriques audacieuses, matériaux (béton, verre et acier) et structures modulables. Voir, dans les archives de l’INA, en libre accès, l’inauguration de la toute première maison de la culture, celle du Havre, le 25 juin 1961, sous le titre : Le musée du Havre et la maison de la culture. Classiques & Contemporains © Éditions Magnard - 2010 2 Voir aussi les articles « décentralisation théâtrale » et « maisons de la culture » de Wikipedia • Dans les années 1970, on note un retour à la tradition populaire médiévale, avec le spectacle de rue, en accès libre, dans les rues, les jardins, sur les places, voire dans une ville tout entière, comme Nantes, que la troupe Royal Deluxe transforme périodiquement en gigantesque espace scénique. Un autre mouvement s’amorce : la transformation en théâtres de lieux patrimoniaux ou industriels, tels les Haras de Strasbourg, la Cartoucherie de Vincennes, la Criée de Marseille, la Biscuiterie Lu de Nantes, ou les Brasseries de Lorraine (Maxeville). Ces nouveaux espaces, en faisant sortir le théâtre de son lieu réservé, estompent la frontière entre l’espace scénique et l’espace-spectateur. Les barrières entre le théâtre, la danse, le cirque, les arts plastiques, s’effacent également : le théâtre retrouve la place – topographique et culturelle – qu’il occupait au Moyen Âge au cœur des fêtes (religieuses ou profanes) de la cité. Acteur/Actrice • Le mot vient du latin actor (celui qui agit) et ne prend le sens de personnage d’une pièce qu’au début du XVIIe siècle. C’est en ce sens que l’utilise Marivaux, dressant la liste des acteurs (et non des personnages) dans La Colonie et L’Île des Esclaves (C&C n°64). Ce faisant, Marivaux souligne la spécificité du théâtre, qui est langage en action. L’expression action dramatique est une redondance (drama, en grec, signifie action) qui insiste sur le fait qu’au théâtre on voit des acteurs/personnages agir sur scène. Sans acteurs – fussent-ils des marionnettes –, pas de théâtre ! • Dans l’Antiquité, l’acteur porte sur le visage un masque, percé de trous pour les yeux et la bouche, dont l’expression figée permet l’identification du personnage qu’il interprète. L’acteur porte au pied des cothurnes, bottes montantes à lacets et à semelle épaisse, qui peuvent atteindre 20 cm (théâtre romain). On retrouve le port du masque auquel est associé un costume dans la commedia dell’arte, pour les seuls rôles masculins, tels ceux de Matamore, Pantalon ou Arlequin. • Dans la Rome antique, tous les acteurs sont des hommes, la plupart esclaves. S’ils sont des hommes libres, ils n’appartiennent pas à la caste des « citoyens ». Les emplois féminins sont tenus par de jeunes adolescents travestis en femmes. L’interdiction de la scène aux femmes a persisté en Angleterre jusqu’en 1660, où le roi Charles II, amoureux d’une actrice, l’autorise… causant la ruine des acteurs s’étant fait une spécialité de ces rôles féminins ! ( Voir le film Stage Beauty de Richard Eyre, 2004.) On constate ensuite une inversion du travestissement : c’est aux femmes que sont confiés les rôles d’adolescents. L’exemple le plus célèbre est celui de Chérubin dans Le Mariage de Figaro de Beaumarchais. On peut citer également L’Aiglon, rôle dans lequel s’illustra Sarah Bernhardt, alors âgée de plus de 50 ans, qui interpréta aussi Hamlet et Lorenzaccio (C&C n°45). À peu près à la même époque, le rôle de Poil de Carotte de Jules Renard (C&C n°6) est créé par une femme (1900). Il faut attendre Jean-Paul Roussillon, 50 ans plus tard, pour le voir interprété par un homme. • Au Moyen Âge, les femmes n’étaient pas interdites (mais plus rares) dans les troupes de théâtre de foire. Dario Fo, prix Nobel de littérature (1997), fait revivre ces acteurs de foire (bateleurs, jongleurs et autres danseurs de corde) dans sa pièce Mistero Buffo (1969) que la Comédie Française vient d’inscrire à son répertoire (Mystère Bouffe). Quant à la vie des troupes de campagne (celles de Molière, Filandre ou Floridor), elle est formidablement restituée dans le film d’Ariane Mnouchkine, Molière (1978). • D’autres acteurs contemporains de Molière sont passés à la postérité, comme le trio Gros- Guillaume, Gautier-Garguille et Turlupin, dans le registre de la farce (dans les pièces sérieuses, Turlupin devenait Belleville). Rostand – et avant lui Molière et Cyrano de Bergerac – ont immortalisé le « déplorable » Montfleury. Scarron, Corneille (Thomas) et Molière ont écrit spécialement pour Jodelet. Angelo Beolco est devenu célèbre sous le nom de Ruzante, « paysan » qu’il incarna plus de 20 ans (1520-1542). Domenico Locatelli et Tiberio Classiques & Contemporains © Éditions Magnard - 2010 3 Fiorelli ont marqué leur époque dans les rôles de Trivelin et Scaramouche, devenus pour longtemps des « types » au même titre qu’Arlequin. Racine aima passionnément Marie Champmeslé, interprète d’Hermione (dans Andromaque), de Monime (dans Mithridate), de Bérénice, Iphigénie et Phèdre (dans les pièces éponymes). Leur renommée n’empêche pas l’excommunication des acteurs par l’Église catholique qui leur refuse – comme aux prostituées – des funérailles chrétiennes. Celles d’Adrienne Lecouvreur (1692-1730), la plus grande comédienne de son temps, dont la vie fut plusieurs fois portée à l’écran, inspirèrent à Voltaire une ode enflammée : http://fr.wikipedia.org/wiki/Excommunication_des_acteurs • C’est Cocteau qui invente l’expression « monstre sacré » pour désigner ces acteurs hors du commun qui ont laissé leur empreinte dans l’histoire, comme Marie Dorval (1798-1849), Sarah Bernhard (1844-1923) ou Frederick Lemaitre (1800-1876). D’autres acteurs sont ainsi passés du statut d’interprète à celui de sujet de répertoire : Alexandre Dumas et son interprète Frederick Lemaitre ont immortalisé Edmund Kean (1787- 1833) dans un drame, intitulé Kean, sous-titré Désordre et génie, qui inspira à son tour Jean-Paul Sartre (Kean, interprété par Pierre Brasseur, 1953). On se souvient aussi de Louis Jouvet, interprété par Philippe Clévenot dans Elvire Jouvet 40 de Brigitte Jacques (1986) et de Minetti (dans la pièce éponyme de Thomas Bernhard, 1977), interprété par Daniel Emilfork (1983), Michel Bouquet (2002), Michel Piccoli (2009) et Serge Merlin (2009)… tous monstres sacrés, que l’on imagine devenir à leur tour uploads/Litterature/ abcdaire.pdf
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- Publié le Mar 05, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
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