MÉLANGES POSTHUMES D’HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE ORIENTALES PAR M. ABEL RÉMUSAT

MÉLANGES POSTHUMES D’HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE ORIENTALES PAR M. ABEL RÉMUSAT a PUBLIÉS SOUS LES AUSPICES DU MINISTÈRE DE L’INSTRUCTION PUBLIQUE. PARIS IMPRIMERIE ROYALE M DCCC XLIII AVERTISSEMENT. Ra commission 1 chargée du soin de publier, sous les auspices du ministère de l’instruction publique, les œuvres posthumes de MM. Abel Rémusat et J. SaintrMartin , avait jugé utile de réunir en un vplume plusieurs morceaux d’his- toire et de littérature orientales que le premier de ces deux aca4émiciens composa pendant les dernières années de sa vie. Dans sa sollicitude constante pour tout ce qui tient ausç progrès des lettres et des sciences, M. Villemain, mi- nistre secrétaire d’état au département de l’ins- 1 Cette commission se compose de MM. Hase, Félix Lajard et Eugène Burnouf, membres de l’Académie royale des inscrip- tions et belles-lettres. , -, . II AVERTISSEMENT. traction publique, a bien voulu donner son as- sentiment à ce projet, et prendre les mesures nécessaires pour en assurer l’exécution. La com- mission s’est immédiatement occupée de l’ac- complissement de la nouvelle tâche qui lui était confiée. Le volume quelle publie sous le titre de Mélanges posthumes d’histoire et de littérature orien- tales, parM. Abel Rémusat, renferme divers écrits qui, pour la plupart, avaient déjà paru du vivant de l’auteur, mais étaient disséminés dans plu- sieurs recueils littéraires dont quelques-uns sont devenus très-difficiles à trouver. En réunissant ici ces écrits, la commission a eu le double but de les préserver d’une disparition plus ou moins prochaine, et de donner au monde savant la suite et le complément des quatre volumes de Mélanges asiatiques que M. Rémusat avait fait imprimer en 1 82 5 , 1826 et 1829. L’ordre dans lequel ont été disposés les morceaux détachés dont se compo- sent les Mélanges posthumes, permettra de mieux saisir la pensée de M. Rémusat, et de mieux comprendre par quels points ils se rattachent aux grands travaux de l’auteur sur l’Asie orien- tale. Plusieurs, sans doute, ont perdu quelque chose du vif intérêt qu’ils excitèrent au moment de leur apparition. Les investigations scienti- AVERTISSEMENT ni fiques ne se sont nullement ralenties depuis la mort prématurée de M. Rémusat, et l’on a fait de notables progrès dans la connaissance des ma- tières qui étaient le sujet de ses études de pré- dilection. Mais souvent son esprit pénétrant et sa- gace devança les résultats que devaient obtenir ses successeurs à l’aide de documents qui lui avaient manqué; et si l’on se reporte au temps où il écrivait, on aime à constater que ces nouveaux documents sont venus, non-seulement rendre un éclatant témoignage à la justesse des proposi- tions ou à l’exactitude des faits établis par lui mais changer en certitude plusieurs conjectures au moyen desquelles il avait tenté de suppléer, sur divers points , au silence ou à l’obscurité des textes et des traditions. D’autres morceaux dus à la plume spirituelle et savante de M. Rémusat, loin de rien perdre de leur intérêt primitif, en acquièrent un nouveau, soit parce que quelques controverses se sont élevées parmi les érudits, au sujet de certaines questions ardues que l’au- teur des Mélanges asiatiques avait le premier osé aborder; soit parce que les événements de la po- litique anglaise ont reporté, plus vivement que ja- mais, l’attention du public vers un pays lointain, dont M. Rémusat, le plus habile sinologue de «V AVERTISSEMENT. notre siècle , avait profondément étudié lâ langue, les systèmes religieux ou philosophiques, l’his- toire et les mœurs. Félix LAJARD. Paris, le 26 décembre 1842. MÉLANGES POSTHUMES D’HISTOIRE ET DE LITTÉRATURE ORIENTALES. OBSERVATIONS SUR LA RELIGION SAMAN^ENNE. On est redevable à l’illustre auteur de l’Histoire des Huns de travaux si importants sur l’origine et les migrations des nations orientales, ce docte acadé- micien nous a légué un si grand nombre de savants mémoires sur des sujets variés, mais tous également intéressants , que le premier sentiment dont on doit être animé, quand on ose entreprendre de traiter après lui les mêmes questions , c’est celui du respect et de la reconnaissance. Il peut s’y mêler quelque surprise lorsqu’on songe que M. Deguignes a , le pre- mier, triomphé d’obstacles que personne avant lui n’avait essayé d’aplanir , et que , seul avec son émule et son contemporain Deshauterayes , il avait su faire de grands progrès dans une étude pour laquelle leur maître commun , E. Fourmont, s’était consumé en vains efforts. On comprend avec difficulté comment, muni de si peu de secours , et à une époque où la théorie 2 MELANGES D'HISTOIRE du langage avait encore reçu si peu d’applications ju- dicieuses, il avait pu parvenir à entendre et à inter- préter les chroniques chinoises , pour en tirer toute la substance et reconstruire, en quelque façon, les annales des peuples de la haute Asie , dont les monu- ments originaux ont disparu. Les tables chronologiques qu’il a rédigées avec l’assistance des écrivains chinois, et toute la partie de son grand ouvrage qui repose sur le même genre de recherches, sont le fruit d’une vaste lecture et d’un labeur infiniment pénible. On y voit même une sorte de phénomène; car on aurait peine à faire mieux et même aussi bien , a présent qu’on a recueilli tant de faits nouveaux sur les antiquités de l’Orient, sur les rapports et les différences des races humaines qui y ont habité , sur la marche et le pro- grès des idées qui en ont constitué la civilisation. L’hommage que je viens de rendre à l’un de nos plus célèbres devanciers n’entraîne pas l’approbation de toutes les idées systématiques et quelquefois hasar- dées que M.Deguignes a mêlées, en plusieurs endroits, aux résultats de ses laborieuses investigations. Le pro- grès des études historiques et de celles qui se rappor- tent à la comparaison des langues l’aurait sans doute disposé lui-même à revenir sur quelques-uns des rap- prochements dont il s’était montré séduit. On ne peut plus considérer comme incontestable l’identité des Huns et des Hioung-nou, qu'il a posée pour base de son Histoire, sans même présumer qu’elle eût besoin ET DE LITTÉRATURE ORIENTALES. 3 d’être démontrée. On ne saurait plus confondre, comra^ il a cru devoir le faire , les traditions des peuples de race turque et mongole. Personne, je pense, ne serait disposé à soutenir le paradoxe qu’il avait embrassé avec tant de chaleur sur l’origine égyptienne des Chinois; et l’on voudrait pouvoir supprimer cette étrange note qui se lit à la fin de l’Histoire des Huns, et qui semble avoir pour objet d’effacer le mérite de ce que l’auteur avait écrit de plus solide sur l’antiquité chinoise : « De nouvelles recherches m’obligent à changer de « sentiment , et à prier le lecteur de ne faire aucune « attention à ce qui se trouve sur ce sujet dans les « deux ou trois premières pages. Les Chinois ne sont «qu’une colonie égyptienne assez moderne. Je l’ai « prouvé dans un mémoire que j’ai lu à l’Académie. Les « caractères chinois ne sont que des espèces de mo- «nogrammes formés de lettres égyptiennes et phéni- « ciennes, et les premiers empereurs de la Chine sont « les anciens rois de Thèbes. » Une préoccupation systématique n’est pas la seule circonstance qui ait écarté M. Deguignes de la route de la vérité. Le désir de traiter des questions d’un haut intérêt pour l’histoire générale lui a souvent fait de- vancer l’époque où ces questions pouvaient être com- plètement éclaircies, et, dans ces occasions, il n’a pu que suppléer, par d’ingénieuses conjectures , à ce que la connaissance de certaines sources , encore inacces- sibles , lui eût fourni des faits positifs et incontestables-' h MELANGES D'HISTOIRE Je n'en citerai que deux exemples, qui se rapportent aux recherches mêmes par lesquelles j’ai été conduit à ces considérations. La manière dont les noms étran- gers sont orthographiés dans les livres chinois les rend au premier coup d’œil , méconnaissables ; et ce n’est qu’à force d’avoir étudié , si j’ose ainsi parler, les lois des changements qu’ils subissent, qu’on parvient à re- connaître avec certitude , au milieu d’altérations graves ou d’analogies trompeuses , d’articulations adoucies ou de sons substitués les uns aux autres , la forme primi- tive des mots ou des noms. 11 faut avoir égard aux ha- bitudes de prononciation, aux règles étymologiques, et à d’autres circonstances délicates, qui expliquent les permutations et mettent sur la voie des synonymies. M. Deguignes, qui n’avait pour guide que des dic- tionnaires composés par des missionnaires, où les mots chinois étaient transcrits à la manière portugaise ou italienne, a plusieurs fois été induit en erreur par l’orthographe imparfaite qu’il y trouvait; et c’est ainsi que, sur plusieurs points de géographie comparée, les transcriptions qu’il s’était faites l’ont empêché de retrouver les véritables noms des lieux que l’his- toire lui présentait , ou l’ont conduit à des supposi- tions contraires à la vérité. Le pays de Ki pin eût eu plus d’intérêt pour lui s’il y eût reconnu la Cophène de Pline et d’Etienne de Byzance; Kao fou (Caboul), uploads/Litterature/ abel-remusat-melanges-de-litterature-asiatique.pdf

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