Colloque pluridisciplinaire : « Construction des connaissances et langage dans
Colloque pluridisciplinaire : « Construction des connaissances et langage dans les disciplines d’enseignement » Bordeaux 2003 1 TERWAGNE Serge Haute École Albert Jacquard de Namur - Belgique terwagne.serge@skynet.be Département pédagogique LES CERCLES DE LECTURE LITTÉRAIRE À L’ÉCOLE PRIMAIRE Mots-clés : lecture littéraire, interprétation, didactique, socioconstructivisme Qu’en est il pour l’heure de la lecture littéraire dans l’enseignement primaire de la Communauté francophone de Belgique ? À la vérité, il s’agit encore là, tout simplement, d’un objet virtuel : on ne trouvera pas trace, dans nos programmes de l’enseignement fondamental, d’une didactique de la lecture littéraire, avec ce qu’elle comporte d’enseignement de savoirs, de stratégies, de compétences spécifiques. Par contre, on y trouve bien une pédagogie, succinctement, mais correctement, résumée par le schéma suivant, qui se trouve dans le tout nouveau programme de l’enseignement fondamental de 2002. Une pédagogie fonctionnelle de la lecture LIRE POUR S’INFORMER POUR SE DISTRAIRE INFORMATIONS CONCERNANT LES THÈMES ABORDÉS JOIE DE LIRE BESOIN DE S’ÉVADER GOÛT DU MERVEILLEUX DOCUMENTS AUTHENTIQUES TÂCHE PRATIQUE CONCRÈTE TEXTE MOTIVANT FAMILIER BIEN ILLUSTRÉ BIEN STRUCTURÉ SANS CONTRÔLE INHIBITEUR Ministère de la Communauté française de Belgique (2002), Programme des études - Enseignement fondamental, p. 447. La pédagogie dont il est question est, c’est assez évident, d’inspiration fonctionnelle, les deux fonctions principales de la lecture reprises ici étant la fonction d’information et la fonction de distraction. Et c’est bien sûr au travers de cette dernière que se fonderait une lecture littéraire, en tant que pratique personnelle, affective et privée, une pratique qui ne demanderait qu’à se développer pour peu que l’école ne vienne pas l’inhiber, la corrompre : Jean-Jacques Rousseau et Daniel Pennac sont passés par là. Le bon lecteur serait une sorte de bon sauvage qu’il ne faut surtout pas venir pervertir avec des enseignements et des “ contrôles inhibiteurs ”… L’essentiel du travail de l’enseignant consisterait à mettre l’apprenti-lecteur en présence de “ textes motivants, familiers, bien illustrés et structurés ”, Colloque pluridisciplinaire : « Construction des connaissances et langage dans les disciplines d’enseignement » Bordeaux 2003 3 comme l’indique le schéma. C’est à ces conditions que les apprentis-lecteurs pourront connaître la révélation du plaisir de la lecture. Certes, les critiques de Pennac (1992) à l’égard des pratiques scolaires concernant la littérature ne manquent pas de pertinence ni de séduction. Elles ne peuvent pourtant pas faire fi de toutes les recherches qui ont montré que les élèves du primaire peuvent tirer bénéfice, dans leur compréhension des récits, de connaissances sur les éléments proprement littéraires, qu’il s’agisse du schéma narratif, de la caractérisation des personnages ou d’autres particularités narratives (Pearson & Camperell, 1994). Nous avons pu nous-même constaté, tout au long de nos recherches (Terwagne, Vanhulle & Lafontaine, 2001), que beaucoup d’élèves rencontrent de sérieux problèmes de compréhension à la lecture de livres qui sont pourtant écrits (et bien écrits !) pour eux… et que ces problèmes de compréhension, s’ils ne sont pas levés, ne les encouragent pas non plus à entrer dans le monde de la lecture. Un tel constat va à l’encontre de l’idée qu’il suffirait de proposer des textes motivants et adaptés aux jeunes enfants pour qu’ils entrent dans le monde de la lecture littéraire. Nous avons donc de solides arguments en faveur d’une intervention proprement didactique sur la lecture littéraire, et cela dès l’école primaire. Qui a donc raison ? En fait, la théorie transactionnelle de la lecture proposée par Louise Rosenblatt (1994) nous laisse penser que ces deux positions ne sont pas nécessairement exclusives l’une de l’autre. Posture esthétique et posture efférente À l’instar des théories de Iser (1985) et de Eco (1985), la théorie de la lecture de Rosenblatt est une théorie de la réception : Le lecteur et le texte constituent deux aspects d’une situation dynamique globale. La “ signification ” ne réside pas toute prête “ dans ” le texte ou “ dans ” le lecteur, mais advient ou naît de la transaction entre le lecteur et le texte. (Rosenblatt, p.1063. Notre traduction) Le lecteur peut donc adopter à l’égard de tout texte différentes postures, dont les pôles extrêmes sont constitués par la posture esthétique et la posture efférente. Ces postures font donc partie d’un continuum et ne s’excluent donc pas réciproquement : La posture efférente se préoccupe davantage des aspects publics, cognitifs, factuels, analytiques, logiques, quantitatifs de la signification, tandis que la posture esthétique concerne ses aspects privés, affectifs, émotionnels, qualitatifs. Mais jamais on ne peut dissocier complètement la part purement publique et la part purement privée de la lecture. Aussi faut-il bien souligner qu’une posture prédominante ne va pas sans connaître des fluctuations. Au sein d’une lecture à Colloque pluridisciplinaire : « Construction des connaissances et langage dans les disciplines d’enseignement » Bordeaux 2003 4 dominante esthétique, le lecteur peut passer d’une expérience affective à une analyse efférente, alors qu’il identifie une technique narrative ou émet un jugement critique (Rosenblatt, p.1068. Notre traduction). Si l’on suit Rosenblatt, il semble donc qu’il soit non seulement possible, mais tout à fait souhaitable d’aider nos élèves, dès le plus jeune âge, à adopter de manière flexible différentes postures de lecture, à se déplacer, en quelque sorte, le long de ce continuum allant de la posture esthétique à la posture efférente. Voyons donc comment on peut relever un tel défi didactique. Dispositif des cercles de lecture La posture esthétique concernant le monde “ privé ” du lecteur et la posture efférente son monde “ public ”, on ne s’étonnera pas qu’au centre de notre dispositif didactique on trouve la pratique de discussions “ littéraires ”, tant il est vrai qu’on n’a sans doute jamais inventé de meilleur moyen que la discussion pour assurer des échanges entre monde privé et monde public, qu’il s’agisse d’échanges entre élèves ou entre élèves et adulte. Ce dispositif centré sur la discussion, nous l’avons appelé du terme générique de “ cercle de lecture ”, et nous l’avons expérimenté depuis bientôt une dizaine d’années dans le cadre de la formation initiale d’instituteurs1 ainsi qu’avec des instituteurs enseignant dans des classes allant du CE2 jusqu’à la 6 e, dans le cadre d’une recherche-action menée de 1997 à 20002. Voici tout d’abord le schéma didactique général de ce type d’activité : 1 Au Département pédagogique de la Haute École A. Jacquard de Namur. 2 Au Service de Pédagogie expérimentale de l’Université de Liège. Colloque pluridisciplinaire : « Construction des connaissances et langage dans les disciplines d’enseignement » Bordeaux 2003 5 Schéma didactique Déroulement en classe Lecture Écriture Discussions Enseignement de stratégies de Évaluation lecture é criture discussions Les cercles de lecture Les cercles de lecture Terwagne, 2003 On peut diviser une séquence didactique de cercles de lecture en trois grandes étapes: LA PHASE DE LECTURE Le plus souvent, le projet de lecture consiste à lire un roman tous ensemble et en plusieurs séances. Comme l’activité doit déboucher sur des discussions, il est préférable de sélectionner des livres qui abordent des problèmes importants et sujets à controverses. Les lectures se font en classe. En général, les enfants lisent silencieusement, chacun à leur rythme, mais certains peuvent encore avoir besoin d’être soutenus dans ce long travail de lecture, soit par un condisciple, soit par l’institutrice elle-même. Celle-ci, par ailleurs, peut, occasionnellement, faire une lecture à haute voix d’un chapitre entier, par exemple au début du livre, pour mettre les élèves dans l’ambiance. LA PHASE D’ÉCRITURE Après chaque moment de lecture, les élèves écrivent dans leur carnet de lecture leurs réactions, leurs impressions, leurs réflexions. Et au fil du temps, ils développent divers modes de réflexions, qu’elles soient d’ordre personnel, créatif ou critique (nous y reviendrons). Bien sûr, surtout au début, l’enseignant peut les aider en leur fournissant quelques questions ouvertes pour stimuler leurs réflexions. Colloque pluridisciplinaire : « Construction des connaissances et langage dans les disciplines d’enseignement » Bordeaux 2003 6 LA PHASE DES DISCUSSIONS 1) Viennent ensuite les discussions en petits groupes de quatre ou cinq élèves. Celles-ci sont vraiment au centre du dispositif. Elles doivent clairement être comprises comme un moment, un lieu où l'on s'exprime sur ses interprétations, où l'on apprend ensemble à mieux comprendre des textes. Un tel apprentissage est indissociable de cet autre : il faut savoir s'écouter activement pour pouvoir dialoguer et construire ensemble de nouvelles interprétations et connaissances. 2) Les mises en commun ont pour objet le partage du fruit des discussions menées en petits groupes. Elles offrent l’occasion de revenir sur les questions qui ont préoccupé l’un ou l’autre groupe, de proposer de nouveaux éclairages, d’approfondir encore les interprétations. Suite à une mise en commun, on peut prolonger la réflexion sur l’un ou l’autre aspect de l’œuvre en demandant aux groupes de réaliser tel ou tel travail de schématisation, en leur demandant d’étudier l’évolution d’un personnage ou de l’histoire, de relever les caractéristiques du genre narratif de leur récit, etc. Ces activités de schématisation impliquent évidemment que les élèves soient progressivement initiés à la pratique d’outils de conceptualisation tels que tableaux comparatifs, diagramme… Insistons encore sur le point suivant : il ne s’agit jamais de discuter pour discuter. uploads/Litterature/ cercles-de-lecture-litteraire-terwagne.pdf
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- Publié le Mai 24, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
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