[LA LITTÉRATURE EN CLASSE DE FLE] Alliance française/ SS / Classe de 2nd 1 Acte

[LA LITTÉRATURE EN CLASSE DE FLE] Alliance française/ SS / Classe de 2nd 1 Acte II Scène 2 Explication littéraire. A. Mœurs La première et la dernière réplique de Géronte confirment le fait bien connu de la toute-puissance paternelle au XVIIe siècle : se marier sans le consentement de son père est une action qui passe tout ce qu’on peut s’imaginer ; Qu’on se rendre au logis. Il en va ainsi dans tous les romans du temps et dans la plupart des autres comédies de Molière : les fils sont menacés d’être chassés du toit paternel (ici : je te renonce pour mon fils, et tu peux bien pour jamais te résoudre à fuir de ma présence), emprisonnés ou déshérités (cf. Octave) ; pour les filles, le couvent. Le sentiment de l’honneur l’emporte sur l’affection : Géronte refuse d’embrasser Léandre qu’il n’a pas vu depuis deux mois ; il est prêt à le renier pour son fils et à le chasser définitivement. Et en quoi l’honneur consiste-t-il en ce domaine ? Géronte ne voit pas ce que l’on peut faire de pis que de se marier sans le consentement paternel. Ce n’est pas seulement la désobéissance qu’il réprouve, c’est la mésalliance probable. Et s’il savait que son fils n’a fait que courtiser Zerbinette, il serait rassuré. Argante tenait le même raisonnement quand il disait : je m’en suis toujours tenu à la galanterie, et je n’ai point été jusqu’à faire ce qu’il a fait, c’est-à-dire se marier (I, 4). En effet, au XVIIe siècle, la morale est souvent sacrifiée à l’honneur, ou plutôt l’honneur crée sa propre morale. De nos jours au contraire, pour des raisons de droit (lien légal), de religion (sacrement), ou de simples convenances (respectabilité), le mariage qui vient couronner une intrigue répréhensible est plutôt considéré comme circonstance atténuante et un facteur de régularisation. B. Psychologie C’est bien entendu à Léandre, personnage nouveau lui aussi, que nous nous intéressons. Après ce qu’il a fait pendant l’absence de son père, il n’est pas sûr que ses démonstrations d’affection soient entièrement pures de toute hypocrisie : d’autant plus qu’il les poursuit sans paraître s’apercevoir de l’attitude de Géronte, comme s’il espérait éviter l’explication qui s’annonce. Hypocrisie mêlée d’habileté, car aux questions il répond de façon également interrogative, ce qui lui permet de gagner du temps et d’essayer de savoir si son père est renseigné avec précision sur sa conduite (Ce qui s’est passé ? ; Que voulez- vous, mon père, que j’aie fait ?). Croyant alors pouvoir se rassurer, il affirme avec cynisme son innocence. Mais il est encore inexpérimenté et se laisse surprendre à l’évocation de Scapin. Il ne peut alors que répéter ce nom, « d’une voix fausse, un peu étranglée » (Copeau) et en rougissant, ce qui le démasque. En somme, au premier abord, Léandre nous paraît moins sympathique qu’Octave. Son père mène l’entrevue d’une façon qui se révèle assez efficace. Du soupçon du début, il passe à la certitude (Ah,ah ! ce mot vous fait rougir), puis à la colère (Ah ! traître…). C. Comique Certes cette scène est comique. On rit de l’embarras des deux adversaires qui combattent un peu dans le noir : Géronte ne sait ce qu’a fait son fils, et Léandre ignore de quoi son père est au courant. D’où ce dialogue hésitant, où le ton, d’une fermeté affichée et qui veut faire illusion, contraste avec les termes neutres et vagues et avec les tournures interrogatives. Mais le rire ainsi suscité n’est pas sans mélange. Les confrontations entre parents et enfants, chez Molière, ne sont pas toujours empreintes de tendresse. Sans être comparable aux durs affrontements de L’Avare, cette scène laisse cependant une impression quelque peu désagréable, due surtout au fait que les deux protagonistes ne sont guère sympathiques. Nous n’en serons que plus à l’aise, il est vrai, pour rire d’eux, quand, séparément, ils seront aux prises avec Scapin. Et c’est sans doute ce que veut Molière. Scène 3 Notes complémentaires. Sources possibles. Dans L’Inavvertito de Barbieri (1629), Scapino est également menacé par Fulvio, qui se croit trahi. Quant aux aveux par erreur, on les trouve aussi dans Pantalon, père de famille, mais comme ce canevas italien n’est pas daté, il est difficile de savoir si c’est Molière qui imite les Italiens (thèse de Despois et Mesnard) ou l’inverse. Comparer la situation de Scapin à celle de Célimène dans Le Misanthrope (IV, 3), quand elle ne sait pas de quelle ne sait pas de quelle « trahison » Alceste l’accuse. Mais bientôt elle se défendra, puis passera à l’offensive ; de même ici, dans la scène suivante, nous verrons Scapin reprendre l’avantage sur Léandre. [LA LITTÉRATURE EN CLASSE DE FLE] Alliance française/ SS / Classe de 2nd 2 Explication littéraire. A. Les caractères Deux nouveaux traits viennent compléter l’idée que nous nous faisons de Léandre, et ils ne sont pas en sa faveur. Le premier est le manque de perspicacité. En effet, il se dit bien (première réplique) que Scapin a tout intérêt à cacher à Géronte ce qui s’est passé, mais il en reste là, et au lieu de réfléchir et d’essayer de percer la vérité, il se contente de menacer ; son épée lui tient lieu de cerveau. Son rôle dans les trois tours que lui a joués Scapin ne démontre pas non plus son intelligence. Mais surtout il est lâche. Autant il était flatteur et humble en face de son père, autant il se montre violent à l’égard de son valet. Il ne respecte que ce qu’il craint, et il a peur du loup-garou autant que de son père, ce qui explique sa fuite peu glorieuse et sa chute dans la cave où il faillit se rompre le cou. Sur l’attitude de Scapin dans cette scène, les avis sont partagés. Copeau le voit très à l’aise : « C’est la première scapinade (de scappare : fuir, échapper), c’est la première fuite. Scapin n’est pas ici un lâche pleureur et geignard. Il fait sentir ici aussi sa supériorité : là aussi il joue. » Au contraire, pour méprise doit se faire à croupetons, l’œil ironique et l’épaule tremblante sous la menace de l’épée : un Scapin-Sganarelle plein de couardise et de malice. Au lieu de cela, on (la tradition Copeau-Jouvet) vous le montre désinvolte, dominant Léandre du haut de son escalier… et récitant ses aveux avec condescendance. » Mais ne peut-on concilier ces deux interprétations ? P. Brisson ne conteste pas la supériorité de Scapin (« l’œil ironique ») ; il insiste seulement sur son jeu extérieur (« l’épaule tombante »). Il est de fait que, dans cette scène, Scapin rase souvent le sol, en bon valet préoccupé d’échapper aux orages (voir ci-dessous les jeux de scène), mais il sait aussi profiter de la moindre occasion pour se défendre et pour sauvegarder sa dignité : plaisanterie (C’est trop d’honneur que vous me faites), humour (afin de voir quelle heure il est) et surtout fierté difficilement voilée dans le récit complaisant des trois fourberies. B. Le comique Le comique le plus visible s’apparente ici à celui de Tabarin ou de ce que sera plus tard Guignol, à l’imitation des marionnettes italiennes, les pupazzi : du mouvement, des gestes vifs et contrastés, du bruit. Voici quelques jeux de scène de J. Copeau : « Ah ! je vous apprendrai… Dégaine et bondit sur le tréteau par l’escalier de gauche… Eh ! monsieur. Scapin se blottit sur l’escalier, levant les mains en l’air… je vais te passer cette épée… Dégaine de nouveau. Ah ! monsieur… Vert de peur, met un genou en terre… Tu l’ignores ! L’épée à la main. Octave passe devant Léandre, les deux mains sur sa poitrine pour l’arrêter. Scapin pousse un cri et tombe à genoux. Courte lutte entre Octave et Léandre. Celui-ci se dégage. Alors Scapin, à genoux, commence : Hé bien ! monsieur… nettement, résolument, pour en finir, comme quelqu’un qui se débarrasse d’une confession légère… Il est presque plaisant, etc. » De même, plus loin : « Peste ! Se remet sur un genou, voilà tout ce que j’ai fait. Se révèle résolument. Léandre s’élance, Octave le suit, Scapin se sauve. Il va être rejoint, retombe à genoux, en criant : Hé bien ! oui… C’était moi, monsieur. Pathétique, se frappe la poitrine. » Élément de comique (de mots et de caractère) dans le fait que Léandre répète, ton mécanique, yeux béants et cerveau vide, les principales phrases des récits de Scapin : C’est toi, pendard, qui m’as bu mon vin d’Espagne… ? ; C’est toi qui as retenu ma montre ? ; C’était toi, traître, qui faisais le loup-garou ? Y ajouter le comique tenant à la répétition de la tournure. Mais le comique provient surtout ici des aveux de Scapin, et il est double. D’abord il est toujours plaisant de voir un trompeur trompé. Or ici, Scapin, ne sachant ce qui lui est reproché, essaie de jeter du lest et avoue ainsi des fautes dont il n’était nullement soupçonné. Tête de Léandre uploads/Litterature/ acte-ii-scene-2.pdf

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