www.comptoirlitteraire.com André Durand présente ‘’Les contemplations’’ (1856)

www.comptoirlitteraire.com André Durand présente ‘’Les contemplations’’ (1856) recueil de Victor HUGO pour lequel on trouve ici une présentation générale puis successivement les analyses de : ‘’Vere novo’’ (page 2) ‘’Melancholia’’ : deuxième épisode (page 3) sixième épisode (page 5) ‘’Ô souvenirs ! printemps ! aurore !’’ (page 8) ‘’Demain dès l’aube’’ (page 10) ‘’J’ai cueilli cette fleur’’ (page 13) Bonne lecture ! 1 Ces poèmes, que Hugo fit paraître à Paris et à Bruxelles et dont la composition commença dès 1834 et s’étala sur près de vingt ans, sont, selon la préface, les «mémoires d’une âme». Ils assument la remémoration, traditionnelle dans le lyrisme («une destinée est écrite là, jour après jour»), de l’enfance, de l’amour pour Juliette Drouet, et, surtout, de la mort de Léopoldine. Cet événement sépare les deux volumes qui forment un diptyque : “Autrefois”, “Aujourd’hui”, composés de trois livres chacun. Ces «mémoires d’une âme» s’élèvent par degrés de l’évocation paisible d’un bonheur individuel (‘’Un soir que je regardais le ciel’’) à la méditation douloureuse mais apaisée sur le grand deuil de 1843. Sous le titre de ‘’Pauca meae’’, emprunté à Virgile, Hugo dédie à la mémoire de sa fille disparue quelques-uns de ses vers les plus émouvants, puis le rappel du premier drame de l’histoire humaine (Adam et Ève pleurant sur leur fils dans ‘’Les malheureux’’) jusqu’à la vision apocalyptique de ‘’Ce que disait la bouche d’ombre’’. Réinterprétant le mystère de la création et de l’évolution, le poète y développe une philosophie composite et syncrétique, réconciliant christianisme, pythagorisme et panthéisme. _________________________________________________________________________________ Livre I : “Aurore” Dans ces vingt-neuf poèmes, Hugo évoqua sa jeunesse, ses premiers émois d’adolescent (“Lise”), ses souvenirs de collège (“À propos d’Horace”), ses premières luttes littéraires (“Réponse à un acte d’accusation”), ses impressions de promeneur ému par la beauté de la nature (“Vere novo”, “Le poète s’en va dans les champs”) ou le spectacle bucolique (‘’La fête chez Thérèse’’). --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- ‘’Vere novo’’ Comme le matin rit sur les roses en pleurs ! Oh ! les charmants petits amoureux qu’ont les fleurs ! Ce n’est dans les jasmins, ce n’est dans les pervenches Qu’un éblouissement de folles ailes blanches Qui vont, viennent, s’en vont, reviennent, se fermant, Se rouvrant, dans un vaste et doux frémissement. Ô printemps ! quand on songe à toutes les missives Qui des amants rêveurs vont aux belles pensives, À ces va-t-il confiés au papier, à ce tas De lettres que le feutre écrit au taffetas, Au message d’amour, d’ivresse et de délire Qu’on reçoit en avril et qu’en mai l’on déchire, On croit voir s’envoler, au gré du vent joyeux, Dans les prés, dans les bois, sur les eaux, dans les cieux, Et rôder en tous lieux, cherchant partout une âme, Et courir à la fleur en sortant de la femme, Les petits morceaux blancs, chassés en tourbillons De tous les billets doux, devenus papillons. Analyse Un hymne au printemps de la nature qui est aussi celui des êtres humains, qui sont amants, qui s’écrivent des lettres, dont les amours ne durent pas plus d’un mois, les lettres étant déchirées et leurs «petits morceaux blancs» devenant des papillons qui participent eux aussi au printemps. Le poème commence par l’évocation des papillons (les amoureux qu’ont les fleurs), passe aux missives par une sorte d’association d’idées (car on appelle aussi «papillons» de petits textes) et y revient à la fin : c’est d’une très agréable fantaisie. 2 Quelques remarques de détail : «les roses en pleurs» : parce qu’elles ont reçu la rosée du matin ; la progression amour – ivresse- délire : ça a donc l’air très sérieux et la contradiction arrrive au vers suivant ; l’analogie traditionnelle entre la fleur et la femme ; L’alexandrin est parfois tout à fait régulier (coupé en deux hémistiches égaux), parfois très coupés (vers 5, 14), présentant aussi un habile enjambement avec «ce tas / De lettres» qui met en relief la surprise voulue par le poète. _________________________________________________________________________________ Livre II : “L’âme en fleur” Dans ces vingt-huit poèmes, Hugo célébra son amour pour Juliette Drouet, la plupart des poèmes étant inspirés par elle : il évoqua les premiers émois de leur rencontre, leurs promenades dans les vergers et les forêts ; il immortalisa les moments de bonheur (“Hier au soir”, “Mon bras pressait sa taille frêle”) et les épreuves vécues en commun, les désaccords, les réconciliations ; note pour elle des impressions de voyage (“Lettre”), lui écrit qu’il a rêvé d’elle (“Billet du matin”). _________________________________________________________________________________ Livre III : “Les luttes et les rêves” Dans ces trente poèmes, Hugo dénonça la misère sociale et morale dont il était témoin : les scandales, la guerre, la tyrannie, la peine de mort (“La source”, “La statue”, “La nature”), la misère des sociétés modernes (“Melancholia”), le livre s’achevant par un grand poème (“Magnitudo parvi”) qui décrit la contemplation du poète tenant par la main son enfant et sondant avec elle le mouvement des astres. -------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- “Melancholia” Le poème est une interprétation de la gravure célèbre de l’Allemand Albrecht Dürer : un ange, accablé d’une indicible tristesse, songe et médite. Pour Victor Hugo, cette tristesse de l’ange a son origine dans l’injustice sociale. Il avait déjà exprimé sa pitié même dans “Les feuilles d’automne” (“Pour les pauves”), dans “Les chants du crépuscule”, dans “Les rayons et les ombres” (“Rencontre”). Il s’est préoccupé de plus en plus au long de sa vie du sort des misérables et a lutté contre toutes les formes d’injustice sociale. Ici, huit épisodes résument symboliquement toute la douleur humaine. --------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- Deuxième épisode Le poète dénonce le travail dur et pénible des enfants, dénonce leur exploitation dans l’univers infernal de l’usine, puis exprime ses sentiments et ses idées de justice et de liberté. Où vont tous ces enfants dont pas un seul ne rit? Ces doux êtres pensifs, que la fièvre maigrit? Ces filles de huit ans qu’on voit cheminer seules? Ils s’en vont travailler quinze heures sous les meules ; Ils vont, de l’aube au soir, faire éternellement Dans la même prison le même mouvement. Accroupis sous les dents d’une machine sombre, Monstre hideux qui mâche on ne sait quoi dans l’ombre, Innocents dans un bagne, anges dans un enfer, 3 Ils travaillent. Tout est d’airain, tout est de fer. Jamais on ne s’arrête et jamais on ne joue. Aussi quelle pâleur ! La cendre est sur leur joue. Il fait à peine jour, ils sont déjà bien las. Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas ! Ils semblent dire à Dieu : “Petits comme nous sommes, Notre Père, voyez ce que nous font les hommes !” Ô servitude infâme imposée à l’enfant ! Rachitisme ! travail dont le souffle étouffant Défait ce qu’a fait Dieu ; qui tue, va-t-il insensée, La beauté sur les fronts, dans les va-t-il la pensée, Et qui ferait – c’est là son fruit le plus certain !- D’Apollon un bossu, de Voltaire un crétin ! Travail mauvais qui prend l’âge tendre en sa serre, Qui produit la richesse en créant la misère, Qui se sert d’un enfant ainsi que d’un outil ! Progrès dont on se demande “Où va-t-il? Que veut-il?” Qui brise la jeunesse en fleur ! Qui donne, en somme, Une âme à la machine et la retire à l’homme ! Analyse C’est avec réalisme que le poète nous décrit l’état physique des enfants. Il insiste sur : - leur mauvaise santé : «que la fièvre maigrit» ; - leur fatigue : «bien las» ; - leur manque de vitalité. Les couleur qu’il évoque sont pâles : «quelle pâleur ! La cendre est sur leur joue». Ces enfants sont victime des adultes qui les emploient pour le profit. Victor Hugo insiste sur leur conditions de travail : «ils s’en vont travailler quinze heures sous des meules» . Il nous plonge dans le monde de l’usine, dur, glacial et usant, où subissent leur esclavage ces innocents qui sont des êtres jeunes et naïfs qui ne comprennent pas ce qui leur arrive : «Ils ne comprennent rien à leur destin, hélas !» Ils sont impuissants contre ceux qui les exploitent. Mais le poète sait rendre fantastique ce monde inhumain, employant de nombreuses métaphores et personnifiant les machines : «sous les dents d’une machine sombre» - «monstre hideux qui mâche» - le «souffle étouffant» de cette si orte de dragon - «la serre» de cet oiseau de proie. Dans cet univers froid et dur, «tout est d’airain tout est de fer», et la gradation est croissante pour rendre cet univers infernal : «prison ; bagne ; Enfer». Il oppose à la puissance des machines la faiblesse des enfants «accroupis sous les dents d’une machine sombre», qui ne sont que des serviteurs de la machine, des outils. Il glisse des adverbes de temps qui suggèrent le travail répétitif et monotone : «éternellement» - «même mouvement» - «quinze heures sous les meules». Il utilise beaucoup de dentales pour suggérer la dureté du travail. Il dénonce avec force cette forme d’exploitation «qui tue». Il pense aux conséquences physiques et intellectuelles que uploads/Litterature/ hugo-les-contemplations.pdf

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