2 3 BERNARD CHARBONNEAU : HABITER LA TERRE Actes du colloque du 2-4 mai 2011 Un

2 3 BERNARD CHARBONNEAU : HABITER LA TERRE Actes du colloque du 2-4 mai 2011 Université de Pau et des pays de l’Adour 4 Photos de couverture Vallée d’Aspe, 1957 (Documentation Aérienne Pédagogique) Bernard Charbonneau (cliché : Henriette Charbonneau) Conception : J. Pezon AVERTISSEMENT AUX LECTEURS Les textes regroupés dans ce corpus correspondent aux conférences données à l’occasion du colloque « Bernard Charbonneau : habiter la Terre » organisé à l’Université de Pau et des pays de l’Adour les 2-3 et 4 mai 2011. Il s’agit des textes bruts qui n’ont pas fait l'objet de révision par les membres du comité scientifique. Nous vous souhaitons une bonne et fructueuse lecture. Le Comité d’organisation. 2012 Université de Pau et des Pays de l’Adour SET (UMR 5603 CNRS/UPPA) 5 COMITÉ SCIENTIFIQUE D. Cérézuelle, philosophe, directeur scientifique du PADES. S. Charbonneau, maître de conférences honoraire en droit, Université de Bordeaux I. A. Etchelecou, professeur émérite de démographie, Université de Pau et des Pays de l’Adour. A. Gras, professeur de sociologie, Université de Paris 1 Panthéon-Sorbonne. F. Jauréguiberry, professeur de sociologie, Université de Pau et des Pays de l’Adour. J-L Loubet Del Bayle, professeur émérite de sociologie, Université de Toulouse I. T. Paquot, professeur de philosophie, Université Paris XII. J. Prades, maître de conférences HDR en économie, Université de Toulouse II. J.Y. Puyo, professeur de géographie, Université de Pau et des Pays de l’Adour. J.F. Soulet, professeur d’histoire, Université de Toulouse II. C. Thibon, professeur d’histoire, Université de Pau et des Pays de l’Adour. COMITÉ D’ORGANISATION A. Cazenave-Piarrot, maître de conférences HDR en géographie, Université de Toulouse II. M. Charbonneau, maître de conférences en géographie, Université de Pau et des pays de l’Adour. M. Papy, maître de conférences en histoire, Université de Pau et des pays de l’Adour. 6 7 SOMMAIRE Discours d'ouverture. L’actualité de la pensée de Bernard Charbonneau Francis JAURÉGUIBERRY ____________________________________________________________ 9 Le sens de la Terre chez Bernard Charbonneau Daniel CÉRÉZUELLE _______________________________________________________________ 13 L’espace géographique chez Bernard Charbonneau Alain CAZENAVE-PIARROT _________________________________________________________ 22 Bernard Charbonneau et Jacques Ellul : des critiques similaires de la grande ville, au nom de la liberté Jean-Sébastien INGRAND __________________________________________________________ 31 Crises en zone d’économie de plantation et dégradation du milieu écologique au Togo : une analyse de la dynamique rurale selon la pensée de Bernard Charbonneau Edinam KOLA ____________________________________________________________________ 40 Sentiment de la nature, sentiment tragique de la vie. Jeunesse de Bernard Charbonneau (1910-1937) Sébastien MORILLON ______________________________________________________________ 53 Deux pionniers méconnus : Bernard Charbonneau et Ludwig Klages Jacques DUFRESNE _______________________________________________________________ 64 Repenser l’homo sociologicus à la lumière de l’œuvre de Bernard Charbonneau Annette DISSELKAMP _____________________________________________________________ 72 Regards croisés sur la révolte écologiste : l’écosocialisme de Gorz et le sentiment de la nature chez Charbonneau Isabelle LAMAUD _________________________________________________________________ 80 La truffe et le maïs Jean-Paul GACHET ________________________________________________________________ 90 Quelle écologie temporelle ? Thierry PAQUOT_________________________________________________________________ 101 Bernard Charbonneau et la critique des racines chrétiennes de la Grande Mue Frédéric ROGNON _______________________________________________________________ 108 Bernard Charbonneau devant ses élèves Michel PAPY ____________________________________________________________________ 117 8 Bernard Charbonneau : Quel militantisme entre réflexions théoriques et pratiques de terrain ? Michel Rodes ___________________________________________________________________ 129 Bernard Charbonneau, homme total par l'espace : l'exemple du Comité de Défense de la Côte Aquitaine Timothée DUVERGER _____________________________________________________________ 139 Le paysan bio et la simplicité volontaire. Questionnements autour d’une agriculture biologique alternative Benoît LEROUX __________________________________________________________________ 146 La riposte des paysans Silvia PÉREZ-VITORIA _____________________________________________________________ 157 Une lecture du Manuel de Transition de Rob Hopkins à la lumière de Bernard Charbonneau Christian ROY ___________________________________________________________________ 162 Approches de l’habiter et mises en œuvre d’alternatives viables Jacques JULIEN _________________________________________________________________ 170 9 DISCOURS D’OUVERTURE. L’ACTUALITÉ DE LA PENSÉE DE BERNARD CHARBONNEAU Francis JAURÉGUIBERRY Professeur de sociologie, Directeur du laboratoire SET. Merci aux promoteurs de ce colloque pour leur heureuse initiative et efficace organisation. Et j’y ajouterai, de façon égoïste : merci de m’avoir donné l’occasion de relire Bernard Charbonneau ! Je voudrais brièvement évoquer trois thèmes qui m’ont particulièrement interpellé et qui m’amènent à penser que la pensée de Bernard Charbonneau est très actuelle : la critique du modernisme, la question de la réflexivité et du sujet, et l’expérience temporelle. CRITIQUE DU MODERNISME I. - Charbonneau ne se livre pas à une critique de la modernité. Au contraire, sa pensée est profondément moderne, en ce qu’elle est réflexive, critique et tendue vers les conséquences du présent sur le futur. Par contre, toute son œuvre est traversée par une claire dénonciation du modernisme, ce qui est tout autre chose. Car le modernisme n’est pas la modernité : il n’en est que la traduction agressive, prométhéenne et suffisante d’elle-même. Dans son élan à vouloir contrôler le réel et mater la nature, le modernisme devait conduire au déclin des spécificités locales face aux enjeux universels, au dépassement des pesanteurs régionales par l’accélération mondiale des flux, à l’effacement de l’inscription spatiale du lien social par la généralisation des échanges. D’une certaine façon, il devait aussi conduire à la fin de la géographie traditionnelle par la généralisation d’un espace sans distance et d’une déterritorialisation des appartenances et des occupations. A l’époque où écrivait Charbonneau, tout ce qui résistait à ce mouvement était taxé de rétrograde, réduit à n’être que pures réactions ou nostalgies passéistes. Depuis les années 1980, par contre, on ne cesse de nous rebattre les oreilles avec le thème de la crise de la modernité, sa fin même et son dépassement par quelque chose qui, faute d'être discernable, est platement baptisé post-modernité. Mais c’est moins la modernité qui est en crise que son idéologie offensive, le modernisme, qui pendant près de deux siècles a lutté contre les croyances traditionnelles, l’attachement communautaire et la subjectivité partagée en ce qu’elles s’opposaient à la raison, à la liberté individuelle, à la science et au progrès. Les recherches que nous menons au SET ont amplement montré que l’assimilation de la modernité au modernisme, de la raison à la rationalité instrumentale, et de la subjectivité à l’irrationalité doit être dépassée. L’urgence à penser les limites de la modernité et la diversité de ses manifestations est par contre plus que jamais d’actualité. Et c’est pourquoi toute notre intention porte sur les problèmes, les contradictions et les impasses, auxquels mène la modernité lorsqu’elle s’exacerbe et se radicalise dans certains de ses aspects au point d’engendrer de graves dysfonctionnements. Nous avons proposé d’appeler hypermodernité cet aspect de la modernité par excès et d’en étudier les dimensions, plus particulièrement dans la transformation des rapports à l’espace, aux territoires et aux lieux1. Que font les acteurs de nos sociétés contemporaines face aux 1 L’individu hypermoderne (éd. N. Auber), Toulouse, Érès, 2004. 10 excès et parfois aux points de saturation auxquels mène l’hypermodernité ? Comment parviennent-ils à mettre en œuvre des actions visant à ménager leur environnement alors que tout, et d’abord le système économique, pousse à l’exploiter ? Comment inventent-ils de nouvelles représentations spatiales, mêlant par exemple proximité télécommunicationnelle et éloignement physique ? À quelles formes hybrides et inédites l’écrasement du monde sur l’accès immédiat et en même temps l’expérience concrète de la distance donne-t-il naissance ? En quoi la superposition de plusieurs appartenances, l’attachement à plusieurs lieux et le vécu de plusieurs proximités se jouant avec la distance, modifient-ils, en définitive, l’expérience d’être au monde ? Sur toutes ces questions, Charbonneau s’est montré précurseur, en particulier sur l’impératif de ménager la nature et de « bien habiter la terre », thème de ce colloque. La notion de développement durable, même si elle est actuellement en voie de complète récupération (et l’on peut s’interroger sur la vertu de continuer d’employer ce terme valise) a au moins eu le mérite de dénoncer le modernisme sans renoncer à la modernité. Le fait de penser un développement durable prenait en effet acte des impasses auxquelles conduisaient l’idéologie et les pratiques modernistes dans les rapports aux milieux (les dégâts du progrès). Mais il permettait dans le même temps les dépasser par une pensée et des actions qui ne rompaient pas avec les fondements de la modernité (en particulier la raison et la capacité à offrir un espace politique à la liberté individuelle). RÉFLEXIVITÉ ET LIBERTÉ INDIVIDUELLE II. - La notion de réflexivité et de liberté individuelle traverse toute l’œuvre de Charbonneau (ou en tout cas ce que j’en ai lu). Ainsi, dans « Je fus », il décrit le sujet comme « l’autonomie d’un Je qui s’affirme ». La notion de réflexivité ne fait pas partie de son vocabulaire, mais c’est bien de cela dont il s’agit lorsqu’il aborde le statut de la liberté individuelle et de la responsabilité qui en découle. En amont (et il s’agit là d’un postulat métaphysique de Charbonneau), réside le statut ontologique de la liberté de l’individu dans sa capacité « d’arrachement », c’est-à-dire d’échappement aux déterminismes sociaux. Le propre de l’individu moderne est précisément cette capacité de distanciation, de prise de distance, de regard extérieur de soi à soi. Donc de réflexivité. Charbonneau voit dans cette mise à distance de soi à soi et de la liberté qui en résulte une double conséquence. D’abord, et il s’agit du versant positif, c’est parce que l’individu a uploads/Litterature/ actes-colloque-bernard-charbonneau-habiter-la-terre-set.pdf

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