Table des Matières Page de Titre Table des Matières Page de Copyright DU MÊME A
Table des Matières Page de Titre Table des Matières Page de Copyright DU MÊME AUTEUR Antichambre Chapitre 1 - À l’auberge de l’écu Chapitre 2 - Le relais de chasse de Louis XIII Chapitre 3 - La chambre des nourrices Chapitre 4 - Éventails et paravents Chapitre 5 - Aménagements et grands travaux Chapitre 6 - De Paris à Versailles Chapitre 7 - Nous n’irons plus aux bois Chapitre 8 - Les jardins Montespan Chapitre 9 - Dévots et saintes nitouches Chapitre 10 - Un château intime Chapitre 11 - Intermède mouvementé Chapitre 12 - Conte érotique Chapitre 13 - Inventaire Chapitre 14 - Le Parc aux Cerfs Chapitre 15 - Effeuillage Chapitre 16 - Débauche à Trianon Chapitre 17 - Véroles Chapitre 18 - Secrets d’alcôve Chapitre 19 - Le temple de l’Amour Chapitre 20 - Le parc aujourd’hui BIBLIOGRAPHIE © éditions Grasset & Fasquelle, 2009. 978-2-246-72159-8 DU MÊME AUTEUR LE MONDE DES ÉCORCES, Rouergue, 2003. LE MONDE DES ARBRES D’ORNEMENT, Rouergue, 2005. SAGESSE PAYSANNE, en collaboration avec Pierre Collombert, De Borée, 2005. L'HOMME À LA MAIN VERTE : MES CHRONIQUES À FRANCE INTER ; en collaboration avec Snezana Gerbault, Rouergue, 2006. LE JARDINIER DE VERSAILLES, Grasset, 2006. 1000 QUESTIONS, 1000 RÉPONSES, Rouergue, 2006. LE JARDIN DE VERSAILLES VU PAR ALAIN BARATON, Hugo Image, 2007. SAVOIR TOUT FAIRE DU BON JARDINIER, Maison rustique, 2007. LES PARTERRES DE LE NÔTRE, N. Chaudun, 2009. avec la collaboration de Tous droits de traduction, de reproduction et d’adaptation réservés pour tous pays. Antichambre Dans les années 1980 un jeune et fringant jeune homme se promène en voiture dans les bois de Trianon. La mode est aux cravates piano et, dans les jardins, aux herbes hautes. Ce jeune homme, qui n’est autre que moi, roule à vive allure, jetant de temps en temps quelques coups d’oeil de part et d’autre pour ne pas heurter un lapin ou un promeneur égaré. Soudain, je pile : les herbes à ma droite s’agitent de manière anormale. Me voici à quelques mètres de deux femmes, dévêtues, très préoccupées par l’entretien de leurs nudités respectives. Pudique, je recule et, surgissant de derrière les fourrés avoisinants, une dizaine de voyeurs me reprochent de leur gâcher la vue ! Des histoires comme celle-ci, ou plus drôles, ou plus coquines, et bien sûr plus royales, V ersailles en regorge. En trente ans de service aux jardins, j’en ai tellement entendu ! Pour ne citer qu’un exemple, lorsqu’eut lieu en 1982 la conférence au sommet voulue par François Mitterrand, tous les grands chefs d’État, de Ronald Reagan à Margaret Thatcher, étaient rassemblés au château. La presse, comme il se doit, en fit grand bruit, mais parla peu des deux journalistes américains qui profitèrent de l’occasion pour batifoler dans la chambre de la reine. V ersailles n’est plus le lieu de pouvoir qu’il a été, mais reste le domaine par excellence de l’amour. Louis XIV séduisait dans les bâtiments qu’il faisait construire, Louis XV courtisait Mme de Pompadour et fit édifier pour elle le Petit Trianon, Napoléon fit remeubler le Grand Trianon pour y conquérir quelques femmes. Sexe et pouvoir, le cocktail est explosif : il est un philtre d’amour auquel nul ne peut résister. Chapitre 1 À l’auberge de l’écu V ersailles naît des amours sanglantes d’une reine de France et d’un prélat. L'affaire est ténébreuse, et c’est déjà tout un roman, noir. Nous sommes en 1572 ou 1573, l’époque des guerres de religion, des règlements de compte, des Guise, des Coligny et des Retz. On parle huguenot, mal- content et capucin. La Cour est divisée, les grandes familles tentent de s’imposer devant un pouvoir royal affaibli, retranché au Louvre. L'humeur n’est guère aux sentiments, hormis lorsqu’il s’agit de Versailles. Jean-François de Gondi est archevêque de Paris. Il est également le mignon de Catherine de Médicis. Gondi possède à V ersailles quelques arpents et souhaite agrandir son domaine : il se rapproche du financier de Charles IX, Martial de Loménie, et lui propose de racheter les terres qu’il détient à V ersailles, à l’emplacement de l’actuel parc. Rien n’y fait : Loménie n’est pas vendeur. L'archevêque s’en plaint à sa reine et très probablement maîtresse. Est-ce en échange de quelque faveur – la reine a plus de cinquante ans à l’époque ? Catherine de Médicis a à coeur de venir à la rescousse de son mignon. Italienne, mais du nord, plus exactement de Toscane, de surcroît d’origine auvergnate – elle est comtesse d’Auvergne – et vieillissante, la souveraine est on ne peut plus sensible aux questions financières et au bonheur de celui qui est, au moins, son confident. Martial de Loménie campe sur ses positions : V ersailles a beau être un « marais puant », il ne veut pas s’en défaire. Garder son bien, ne pas écouter les requêtes royales, tout ça n’est pas très catholique. Nous sommes en pleine guerre de religion et les Loménie passent pour protestants. En fait de protestantisme, ils sont surtout très riches et depuis peu. Martial est arrivé à la Cour dans les années 1550 et n’a guère eu le loisir d’y trouver des appuis. En revanche, son succès excite les convoitises, dont celles de la très puissante maison de Retz, à laquelle Jean-François de Gondi appartient. La cabale est montée. A l’époque, l’« huguenotorie » peut facilement passer pour une perversion. Il n’en faut pas davantage pour que Martial de Loménie soit privé de ses charges de secrétaire du roi en la grande chancellerie et de greffier du Conseil du roi. Pour la suite, les versions divergent : selon les uns Loménie est d’abord emprisonné, puis égorgé, non sans avoir au préalable signé à Gondi l’acte de vente qu’il désire; pour les autres il est étranglé à la suite des événements de la Saint-Barthélemy. Sa descendance a tôt fait de se convertir et de céder le lopin versaillais contre une somme suffisamment importante pour faire office de dédommagement. Une vieille femme, austère, acariâtre et avare, qui tient plus de la marâtre – ou du dragon – que de la princesse, un ecclésiastique ambitieux qui n’est autre que son gigolo, des sicaires aux poignards bien aiguisés, pas de château, mais un bourg mal famé, voilà le conte de fées cynique sur lequel s’est bâti Versailles. Pourquoi cette vendetta? Pour une terre pauvre, dont la seule justification est d’être la première étape entre Paris et la Bretagne. Versailles est célèbre pour son marché aux boeufs. Le plus gros du terrain est occupé par des champs dont beaucoup ne sont pas cultivés, grignotés par les marais avoisinants. L'endroit est sauvage, sombre et froid. Les quelques chemins aménagés sont bordés de saules, d’aulnes et souvent envahis par les genêts. L'excès d’humidité rend le lieu malsain, soumis à des épidémies de fièvres, si bien que les bêtes y sont plus nombreuses que les hommes. Les rares documents conservés mentionnent la peste noire qui y fit rage. Y vit une assemblée de jacques mal dégrossis, plus soucieux de faire fructifier leurs biens et de détrousser les voyageurs que d’hygiène. Ils ne sont, selon les estimations, que cinq cents âmes, mais les rapports de police de l’époque attestent d’un grand nombre de rixes. Déjà en 1525, le comte de Brenne pourchassait aux alentours les brigands qui terrorisaient les populations. Escorté du prévôt, de l’échevin et de quelques cavaliers, le noble justicier fit halte à V ersailles. On raconte qu’il y mangea du poulet, denrée alors luxueuse 1, et commanda pour la petite troupe un mouton entier : voilà de quoi s’émeut le Versaillais d’alors. Le seul intérêt de la terre est d’être giboyeuse. Henri IV y va souvent chasser « à vol », avec des rapaces, en compagnie de son ami Henri de Gondi, qui l’invite sur ses terres versaillaises. Du terrain de chasse amoureux au terrain de chasse tout court, il n’y a qu’un pas. Le « vert-galant » vient pour débusquer le gibier, il y reste pour entretenir le damoiseau, à la hussarde, sans précaution car l’époque est aux guerres et à la brutalité. Il est loin le temps raffiné et coquin où le monarque, François Ier, invitait à sa table les dames de la Cour simplement vêtues de leurs bijoux. On raconte que le roi avait pour habitude de se cacher pour observer les jeunes femmes se toilettant dans la sublime salle de bain du château de Fontainebleau. Mme de Maintenon connaissait-elle l’histoire des lieux? Toujours est-il qu’elle fit détruire en 1697 la salle témoin des frasques royales, et demanda sa propre salle de bain ! L'endroit est si inculte que, comme le raconte Guitry dans Si V ersailles m’était conté, lorsque le roi demande son chemin à un paysan, celui-ci fait mine de ne pas le reconnaître. Le roi fut si ravi d’être incognito et de pouvoir se livrer à ses plaisirs en toute quiétude, qu’il prit l’habitude de fréquenter le pays. A l’époque, aller à V ersailles, c’est déjà un petit voyage : il faut presque une journée pour y accéder, et même si le bourg est uploads/Litterature/ alain-baraton-amour-a-versailles-l-x27.pdf