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HAL Id: halshs-00608174 https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-00608174 Submitted on 12 Jul 2011 HAL is a multi-disciplinary open access archive for the deposit and dissemination of sci- entific research documents, whether they are pub- lished or not. The documents may come from teaching and research institutions in France or abroad, or from public or private research centers. L’archive ouverte pluridisciplinaire HAL, est destinée au dépôt et à la diffusion de documents scientifiques de niveau recherche, publiés ou non, émanant des établissements d’enseignement et de recherche français ou étrangers, des laboratoires publics ou privés. La langue française dans l’enseignement public tunisien, entre héritage colonial et ” économie du savoir ” mondialisée Kmar Bendana, Sylvie Mazzella To cite this version: Kmar Bendana, Sylvie Mazzella. La langue française dans l’enseignement public tunisien, entre héritage colonial et ” économie du savoir ” mondialisée. Institut de recherche sur le Maghreb contemporain. L’enseignement supérieur dans la mondialisation libérale, 2007, pp.197-203, 2007, 9782706820199. halshs-00608174 Alfa 2007. Thème, 197-203. La langue française dans l’enseignement public tunisien Entre héritage colonial et « économie du savoir » mondialisée Entretien avec Kmar BENDANA Sylvie Mazzella : L’Enseignement supérieur tunisien affiche clairement son intention de revaloriser les langues étrangères. Avec le LMD, l’occasion est donnée de réfléchir à nouveau sur la place et le poids des langues à l’université publique, et en particulier sur la place du français et de l’arabe. Avant d’aborder cette question, peut-on revenir sur l’évolution du statut de la langue française en Tunisie depuis l’indépendance ? Kmar Bendana : À l’indépendance, l’enseignement en français était largement majoritaire. L’histoire coloniale a aussi été celle d’un enseignement imposé. Ce qu’on appelait l’enseignement franco-arabe était à visée francophone avec quelques ouvertures sur la langue et la civilisation arabes. Les conventions culturelles de 1955, principal acte accompa- gnant la « sortie » de la France, ont réglé, d’un point de vue pragmatique, la manière de continuer à utiliser et diffuser la langue française. Il s’agissait d’envisager la suite de la présence de la France, du seul point de vue paraissant possible, celui de la culture et de la reproduction des savoirs. Les Tunisiens ont conclu ces accords en tant que tenants d’une double culture, arabophone et francophone, même s’il y avait un dominant et un dominé. Il faut lire le texte des conventions culturelles comme un pacte, au sens politique du terme..Le « divorce » politique s’exprimait par un acte qui devait gérer, néanmoins, un héritage culturel commun. Là s’inscrivent les prémices de ce qui deviendra la coopération scientifique et technique de la France en Tunisie. Par la suite, d’autres pays européens ou américains entreprendront des actions de coopération dans l’enseignement et dans d’autres domaines. Mais, au cours des années 1950, la France était le partenaire principal des échanges culturels de la Tunisie avec l’étranger. 1. Articles sur ces différents sujets par le même auteur (NDLR) : « Ibla, la revue tunisienne des Pères Blancs, La Revue des revues, Paris IMEC/MSH, n° 12-13, 1992, 73-83. Extraits parus dans Hommes et Migrations, Paris, n° 1150, janvier 1992. Version remise à jour pour l’Annuaire de l’Afrique du Nord, Aix-en-Provence, 1999, IREMAM/CNRS, 539-548 ; « Générations d’imprimeurs et figures d’éditeurs à Tunis, entre 1850 et 1950 », Jacques Michon et Jean-Yves Mollier (dir.), Les mutations du livre et de l’édition dans le monde du XVIIIe siècle à l’an 2000, Québec : Paris, Les Presses de l’Université Laval : L’Harmattan, 2001, 349-359 ; « Les écrits de Thaâlbi, entre évidences et mystères de sa biographie », Rawafid, 2001, n° 5, Tunis, ISHMN, 93-108 ; « Pour une étude des interprètes et traducteurs en Tunisie à la fin du XIXe siècle », Revue d’Histoire Maghrébine, Mélanges André Raymond, série n° 10, vol. n° 11, FTERSI, Zaghouan, 2004, 73-88 ; « À la recherche des interprètes et traducteurs », in Jocelyne Dakhlia (dir.), Trames de langues. Usages et métissages linguistiques dans l’histoire du Maghreb, Paris, Maisonneuve & Larose, 2004, 331-339. La génération des universitaires tunisiens, formée à l’école bourguibienne, enseignant au moment de l’arabisation, est le témoin privilégié de l’évolution de la place du français dans le système éducatif post-colonial. Kmar Bendana aborde ici la question du bilinguisme en historienne, pour essayer de repérer, dans l’histoire culturelle de la Tunisie contemporaine, comment ces deux langues ont connu une vie mêlée, des rapports dialectiques, faits de rivalité et d’opposition mais aussi d’interpénétration et d’influence, de dialogue et de contradiction. Ses travaux visent plus largement à élaborer une approche historique et historienne du bilinguisme des discours (interprétariat et édition), en rapport avec la mise en pratique du bilinguisme dans les institutions (l’école, mais aussi les revues, la diplomatie, etc.) 1. Cet entretien permet de retracer certains aspects de l’évolution du statut des langues dans l’enseignement public tunisien depuis la fin du protectorat : l’héritage colonial de l’enseignement français, le bilinguisme de l’ère bourguibienne, l’arabisation et les transformations liées à la mondialisation du savoir, notamment l’introduction des « langues étrangères ». Le leitmotiv de modernisation, très présent dans l’actuel discours des acteurs des réformes universitaires, a pris des formes différentes au fil du temps. Il s’est construit, tour à tour, avec et contre l’usage du français dans l’enseignement public. L’enjeu économico-politique de la langue française au sein du système éducatif tunisien est aujourd’hui réactivé par la nécessaire revalorisation des langues étrangères dans un contexte de réformes mondialisées de l’enseignement. La France y renégocie sa présence et son statut d’ancien pays colonisateur devenu partenaire économique. Sylvie Mazzella 198 Le socle éducatif de la Tunisie indépendante est la réforme de 1958, dirigée par Mahmoud Messaâdi, qui met en forme un enseignement bilingue. Il fallait gérer l’héritage, car la situation de bilinguisme était alors largement en faveur de la langue française, l’arabe n’ayant pas encore eu le temps de se développer, de prendre plus de place dans le système éducatif. À la fin des années 1950, un des héritages résidait donc dans une infrastructure d’écoles et de collèges où l’enseignement était majori- tairement francophone. Pour parler de l’évolution de ce phénomène dans les années qui suivirent l’indépendance, il est bon de séparer les différents degrés du système éducatif car ils connurent des rythmes d’évolution différents. Dans l’enseignement primaire, les horaires furent partagés entre les langues française et arabe. Cette bipartition, d’abord à peu près équitable, réserva progres- sivement une place plus importante à l’arabe. Le français ne fut introduit qu’en troisième année Primaire, et non plus à l’entrée de l’école. Il y eut des hésitations, plusieurs règlements successifs, mais l’enseignement du français ne fut jamais abandonné dans le cycle primaire. Dans l’enseignement secondaire, en revanche, furent créées trois « sections » en fonction de l’importance accordée à l’arabe ou au français. La section A avait le plus fort taux d’arabi- sation ; les élèves y suivaient des études littéraires d’arabe approfondies, avec des matières enseignées en arabe en plus grand nombre que dans les autres filières. Dans la section B, médiane entre la A et la C, l’accent était mis sur l’arabe, alors que la section C privilégiait le français. La section B perpétuait, d’une certaine façon, l’esprit de l’enseignement du collège Sadiki, créé avant la colonisation (1875) et qui a d’abord formé des interprètes puis une élite d’élèves tunisiens bilingues (N. Sraïeb, 1995). Quant à la section C, elle dispensait un enseignement plus proche de celui de la Mission culturelle française, telle qu’ins- taurée par les conventions de 1955 : l’enseigne- ment de la langue et de la culture françaises (dont la littérature maghrébine d’expression francophone) y occupait une place plus importante comparée à celui de la langue et de la littérature arabes. Par ailleurs, l’éducation civique et religieuse était dispensée en arabe à tous les lycéens, mais elle différait dans son contenu et son volume horaire, selon les sections. Ainsi, cette formation différenciée, dans l’enseignement secondaire, proposait des niveaux et des usages de la langue française inégaux. Du point de vue du recrutement socio- logique, les élèves de la section A étaient moins nombreux à Tunis et dans les villes côtières qu’à l’intérieur du pays où l’on avait donc plus de chance d’être « arabisé » ; inversement, on pouvait d’être mieux « francisé » dans la capitale et dans les autres grandes villes du pays. L’enseignement en langue française paraissait plus urbain, plus féminisé, et plutôt répandu dans les milieux aisés. De nombreuses études ont été consacrées à ces questions, conduites par des linguistes, des sociologues ou des pédagogues 2. Dans l’enseignement supérieur, enfin, la langue française était davantage « établie », que ce soit dans certaines filières, artistiques et techniques, ou dans des institutions nouvel- lement créées telles que l’Institut des Hautes Études de Tunis (IHET), ouvert dès 1945 (K. Bendana, 1998, 99). Dans cet embryon d’Université, furent instituées des disciplines en langue française : les mathématiques, la chimie, l’archéologie marine, ou encore l’histoire ancienne et la sociologie 3. En parallèle, y étaient enseignés la littérature arabe et le droit musulman. En somme, si l’enseignement supérieur avant l’indépendance était beaucoup moins structuré que l’enseignement primaire ou secondaire, il était cependant très fortement francophone. SM uploads/Litterature/ alfa-2007-entretien-kmar-pdf.pdf
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- Publié le Apv 08, 2021
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