CELSA- Université Paris IV Sorbonne École des hautes études en sciences de l’in

CELSA- Université Paris IV Sorbonne École des hautes études en sciences de l’information et de la communication MASTER 2ème année Section : Médias et Communication Option : Communication, Marketing et Management des Médias PROPRIÉTÉS ET APPROPRIATION DES LECTURES NUMÉRIQUES AU SEIN DU MEDIUM TABLETTE préparé sous la direction de M. Henri Danel Noam ASSAYAG - Octobre 2012 Remerciements à toute l’équipe pédagogique de ma formation de C3M au Celsa, à Mme Patrin-Leclère, Mme Barthes, M. Jeanneret et M. Aïm pour ces initiations aux Sciences de l’Information et à la sémiologie qui m’ont permis de passer de l’autre côté du miroir, à Céline Leclaire pour sa ténacité, à Kenza qui a soutenu mes lectures taciturnes, à M. Z. Danielewski pour avoir torpillé mon sens commun. illustration du projet Chorus Corpus sur lequel j’ai travaillé en parallèle les recherches accompagnant ce mémoire 2 Introduction 4 I. La réinvention de la tablette 11 1. Face à l’écran 11 a) Portrait et paysage 11 b) La notion d’information appliance 13 c) L’écran et son cadre 15 d) La tablette en héritage 16 2. Un objet en situation 18 a) Physique de l’haptique 18 b) Matérialités et fragilités 19 c) Faire lumière : les conditions physiques de la lecture 21 3. Textualités du numérique 23 II. Les éditions électroniques 30 1. Histoire, Préhistoire du livre électronique 31 2. Store Wars 35 a) Des écosystèmes industriels concurrents 35 b) Le cas Stanza : la mise à mal d’une technologie de lecture 38 c) L'ère du Play 41 3. De nouveaux circuits de distribution 43 III. Vers des lectures industrielles ? 47 1. Le lecteur face à l'industrie 47 a) Contrôle des pratiques de lectures 47 b) Attention et publicité 52 c) Lisibilité 55 2. Des lectures sociales 58 a) Sociabilité numérique du livre 58 b) Dans les marges du livre numérique 61 c) Pour les amateurs 64 3. Avenir de la lecture 67 a) Re-manier un texte numérique 68 b) L’école et l’apprentissage numérique 70 Conclusion 76 Bibliographie 80 Annexes 83 3 Introduction Le développement et la miniaturisation des terminaux électroniques, cristallisés en 2007 par le lancement, à quelques mois d’écart, de l’iPhone d’Apple et du Kindle d’Amazon, investissent un espace sous-développé jusque-là, celui de la lecture numérique nomade. Les premiers supports dédiés à la lecture électronique, comme le Cybook de la start-up Cytale apparu en France puis retiré du marché au début des années 2000, représentent rétrospectivement la commercialisation prématurée d’une technologie alors trop limitée et trop peu desservie pour pouvoir s’ancrer dans la société et faire concurrence aux supports papiers. L’essor récent du marché des tablettes multimédias et des liseuses électroniques, poussé par les investissements de grands groupes industriels voulant combiner leur rôle de constructeur informatique et celui de distributeur de biens culturels (du premier au second pour Apple, et vice-versa pour Amazon), agit en profondeur sur la promotion de tels supports et mise sur un changement du statut culturel de la lecture sur écran, par le biais du développement du livre numérique. Au fil de la popularisation de l’informatique et du micro-ordinateur puis de l’ordinateur portable, l'appréhension de la lecture numérique comme sujet de spéculation, d’espoir, mais aussi de préoccupation, s’est considérablement intensifiée. À l’heure actuelle, l’édition électronique dispose de supports mobiles et tactiles plus adaptés à la lecture soutenue que les ordinateurs personnels, mais cette numérisation des fonds éditoriaux s’inscrit dans un environnement où elle a perdu sa prédominance, l’expansion d’Internet et du web participatif ayant consacré l’importance croissante de ce qu’on peut étudier sous le terme d’« écrits d’écrans et de réseaux »1, natifs du numérique, émanant de nouveaux modes d’éditorialisation et de pratiques de lectures plus discontinues. L’inquiétude devant le recul de la lecture d’imprimés au profit du temps passé devant des écrans, tient bien évidemment au statut particulier de celle-ci, qui ne peut être considérée comme une technologie ou une pratique culturelle parmi d’autres, les compétences de lecture et d’écriture étant à la base de la civilisation et de la culture occidentale, en tant que medium privilégié de la pensée, de l’enseignement et de la tradition humaniste. Le concept même de 4 1 JEANNERET, Yves, Y-a-t-il (vraiment) des technologies de l'information ?, Presses Universitaires du Septentrion, 2007, p. 107. « livre numérique » pose la question cruciale d’une possible transition des pratiques de lecture classique, au sein du numérique. Le trouble jeté par la dématérialisation des supports ne doit pas toutefois faire oublier que l’externalisation de la mémoire a soulevé tout au long de l’histoire son lot de problématiques dont la plus célèbre est l’avertissement socratique concernant le passage à l’écriture dans la Phèdre de Platon : Car cette invention, en dispensant les hommes d'exercer leur mémoire, produira l'oubli dans l'âme de ceux qui en auront acquis la connaissance; en tant que, confiants dans l'écriture, ils chercheront au dehors, grâce à des caractères étrangers, non point au-dedans et grâce à eux-mêmes, le moyen de se ressouvenir; en conséquence, ce n'est pas pour la mémoire (mnèmès), c'est plutôt pour la procédure du ressouvenir (hypomnuseos) que tu as trouvé un remède (pharmakon). 2 L’emploi du grec pharmakos, qui peut selon le contexte signifier « poison » et « remède », cristallise cette vision à double-tranchant, que l’on retrouve dans le champ du numérique, offrant des possibilités inédites, mais aussi potentiellement destructrices. Yves Jeanneret, dans une analyse de ce passage fondamental, met en évidence « l'impossibilité de séparer les circuits documentaires (la logistique de la mémoire), les valeurs culturelles (la légitimation des savoirs) et les pouvoirs politiques (les rôles de décision et de diffusion) »3. Les enjeux de la lecture numérique s’inscrivent donc pleinement à l’intersection du politique, du culturel et de l’économique, dans un nouveau cadre technologique. Penser la révolution en cours de la lecture suppose de l’envisager sous l’angle de ce qu’il convient d’appeler — pour reprendre un vocable adopté par l’association Ars Industrialis — des « technologies de l’esprit », c’est-à-dire « l’ensemble formé par la convergence de l’audiovisuel, des télécommunications et de l’informatique »4 dont l’appropriation par l’utilisateur est problématique quand elles sont soumises aux critères de rentabilité du marché. Une telle perspective ne va pas sans de multiples difficultés théoriques, principalement en raison d’une séparation encore vivace entre les humanités et les sciences technologiques, et du caractère profondément fluctuant du phénomène à observer et à théoriser. Comme le remarque Claire Belisle, spécialiste des environnements de lecture numérique, « les innovations et les renouvellements successifs des matériels et des dispositifs rendent rapidement obsolètes toutes les descriptions un peu précises des fonctionnalités et des usages en cours »5, on peut cependant, dans une perspective plus large, identifier des tendances importantes au sein du panorama des appareils 5 1 PLATON, Phèdre, 275a, traduction Léon Robin, in Platon, œuvres complètes, Bibliothèque de la Pléiade, Paris, 1940. 2 JEANNERET, Yves, op. cit., p. 34. 3 ARS INDUSTRIALIS, « Technologies de l’esprit », [En ligne], http://www.arsindustrialis.org/amateur (page consultée le 10 avril 2012). 4 BELISLE, Claire (coord.), Lire dans un monde numérique, Villeurbanne, Presses de l'Enssib, 2011, p. 180. et des interfaces numériques. La multiplicité existante des modèles et des tailles d’écran est mieux compréhensible à travers l’introduction d’une définition large de la tablette numérique, c’est-à-dire de la tablette comme medium autonome de l’informatique mobile qui incarne un nouveau type de « machine à lire ». L’impulsion donnée par le lancement de l’iPad en 2010 comme fer de lance d’un nouveau marché arrivant à percer malgré la crise économique, celui de la tablette multimédia desservie par un écosystème d’applications dédiées, se fait lourdement sentir du point de vue de l’ergonomie et du design chez les constructeurs électroniques. En effet, les nouvelles générations de liseuses (par exemple chez Amazon, Kobo ou Bookeen) abandonnent progressivement la présence d’un clavier physique, et s’orientent vers les technologies d’écran tactile, et certains de ces constructeurs de liseuse se lancent même dans la production des modèles de « tablettes multimédia » (par exemple le Kindle Fire d’Amazon ou le Nook Tablet de Barnes & Nobles). La très importante similarité ergonomique des produits mobiles phares du groupe Apple, l’iPhone, l’iPod Touch et l’iPad, est révélatrice d’un certain paradigme dans lequel on ne fait que varier la taille et des fonctions spécifiques, ce que semble confirmer la démarche d’un constructeur de smartphones comme Samsung lançant des produits comme le Galaxy Note se plaçant par leur taille à mi-chemin entre le smartphone et la tablette généraliste. L’introduction de l’iPhone, dans le marché des téléphones mobiles, a propagé les postures de lecture du web en dehors du cadre de l’ordinateur, banalisé les gestes du tactile et servi de socle au déploiement de tablettes de plus grandes tailles. Du point de vue de notre interrogation des formes de la lecture numérique ces tablettes tactiles apparues dans le sillage de l’iPad possèdent un écran réfléchissant qui n’est pas optimisé pour la lecture en plein air, mais la diversité des applications dédiées à la lecture et la qualité de l’affichage en font une vitrine particulièrement visible de l’évolution du livre numérique. Nous proposons donc de faire usage uploads/Litterature/ proprietes-et-appropriation-des-lectures-numeriques-au-sein-du-medium-tablette.pdf

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