Sylvie Archaimbault Jacqueline Léon La langue intermédiaire dans la traduction
Sylvie Archaimbault Jacqueline Léon La langue intermédiaire dans la traduction automatique en URSS (1954-1960) In: Histoire Épistémologie Langage. Tome 19, fascicule 2, 1997. Construction des théories du son [Deuxième partie] pp. 105-132. Résumé résumé : Les premières recherches en Traduction Automatique (TA) débutèrent en URSS en 1954. Elles se distinguent des recherches américaines, commencées en 1948, par leur caractère théorique et le choix d'une méthode faisant appel à une langue intermédiaire. La création de langues intermédiaires prend sa source dans la linguistique comparative de Baudouin de Courtenay et dans la réflexion sur l'internationalisation des langues. Le travail pionnier de P.P. Trojanskij de 1933 est réactualisé par Panov en 1956, qui conçoit la langue intermédiaire comme devant être une langue naturelle, et spécifiquement le russe. Se développèrent parallèlement des modèles sémantiques de langue intermédiaire comme ceux d'Andreev ou de Mel'cuk, modèles qu'on peut apparenter à des tentatives de langues universelles. Abstract abstract : Research work on Automatic Translation (TA) started in the USSR in 1954. It differed from American research, started in 1948, by its theoretical slant and by the choice of a method that resorted to an intermediate language. The concept of intermediate languages springs from Baudouin de Courtenay' s comparative linguistics and from a reflection on the internationalisation of languages. In 1956, P. P. Trojanskij's pioneering work of 1933 was updated by Panov, who sees the intermediate language as a natural language, and more specifically Russian. At the same time, semantic models for intermediate languages were developed by, for instance, Andreev or Mel'cuk. These models may be seen as attempts to construct a universal language. Citer ce document / Cite this document : Archaimbault Sylvie, Léon Jacqueline. La langue intermédiaire dans la traduction automatique en URSS (1954-1960). In: Histoire Épistémologie Langage. Tome 19, fascicule 2, 1997. Construction des théories du son [Deuxième partie] pp. 105-132. doi : 10.3406/hel.1997.2679 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/hel_0750-8069_1997_num_19_2_2679 VARIA LA LANGUE INTERMEDIAIRE DANS LA TRADUCTION AUTOMATIQUE EN URSS (1954-1960) Filiations et modèles ' Sylvie ARCHAIMBAULT, Jacqueline LÉON URA CNRS 381 - Université Paris 7 résumé : Les premières recherches en Traduction Automatique (TA) débutèrent en URSS en 1954. Elles se distinguent des recherches américaines, commencées en 1948, par leur caractère théorique et le choix d'une méthode faisant appel à une langue intermédiaire. La création de lan gues intermédiaires prend sa source dans la linguistique comparative de Baudouin de Courtenay et dans la réflexion sur l'internationalisation des langues. Le travail pionnier de P.P. Trojanskij de 1933 est réactualisé par Panov en 1956, qui conçoit la langue intermédiaire comme devant être une langue naturelle, et spécifiquement le russe. Se développèrent parallèlement des modèles sémantiques de langue intermé diaire comme ceux d'Andreev ou de Mel'cuk, modèles qu'on peut apparenter à des tentatives de langues universelles. abstract : Research work on Automatic Translation (TA) started in the USSR in 1954. It differed from American research, started in 1948, by its theoretical slant and by the choice of a method that resorted to an intermediate language. The concept of intermediate languages springs from Baudouin de Courtenay' s comparative linguistics and from a reflection on the internationalisation of languages. In 1956, P. P. Trojanskij's pioneering work of 1933 was updated by Panov, who sees the intermediate language as a natural language, and more specifically Russian. At the same time, semantic models for intermediate languages were developed by, for instance, Andreev or Mel'cuk. These models may be seen as attempts to construct a universal language. Nous tenons à remercier Sylvain Auroux, Irina Ivanova, André Lentin et Patrice Pognan pour leur lecture attentive et leurs précieuses remarques et surtout Igor Mel'cuk pour les informations nombreuses et inédites qu'il nous a si généreusement fournies. Ils ne sauraient bien sûr être tenus responsables des éventuelles erreurs qui subsisteraient dans ce texte. Histoire Êpistémologie Langage 19/11 (1997) : 105-132 © SHESL, PUV 106 S. ARCHAIMBAULT, J. LÉON mots-clés : Histoire de la linguistique ; key words : History of linguistics ; USSR ; URSS ; Traduction Automatique ; Langue Machine translation ; Intermediary intermédiaire ; Langue universelle ; Se- language ; Universal language ; Semantics ; mantique ; XXe siècle ; Baudouin de 20th century ; Baudouin de Courtenay ; Courtenay ; Drezen E.K. ; Trojanskij P.P. ; Drezen E.K. ; Trojanskij P.P. ; Panov D. Panov D. Ju. ; Andreev N.D. ; Mel'cuk Ju. ; Andreev N.D. ; Mel'cuk I.A. LA. INTRODUCTION LA RECHERCHE en traduction automatique (désormais TA)2 commença en URSS en 1954 à la suite de la première démonstration sur calculatrice élec tronique qui eut lieu en janvier 1954 à New York. D. Ju. Panov eut ainsi connaissance des travaux du groupe de l'Université de Georgetown, notam ment du programme de TA élaboré par le linguiste Paul Garvin et l'ingénieur Paul Sheridan. Toutefois, les Soviétiques prirent d'emblée des options différentes pour des raisons à la fois théoriques, technologiques et pratiques. Comme les groupes américains, les groupes soviétiques comprennent peu de linguistes. Mais ces linguistes se rattachent à une solide tradition de li nguistique comparative 3 qui les amènera à poursuivre une réflexion théorique approfondie sur le passage d'une langue à l'autre et sur le processus de traduction multilingue. Par ailleurs, les groupes soviétiques comprennent un certain nombre de mathématiciens qui, face à la pénurie de machines élec troniques, presque entièrement monopolisées par les militaires et les services secrets, ont développé des algorithmes de préférence à des systèmes de TA « complets », c'est-à-dire comprenant un module programmé. Cette situation a une conséquence importante : les chercheurs sont moins soumis à la pres sion sociale et aux contraintes économiques ou politiques leur imposant de fournir des résultats rapides et performants. Les recherches peuvent donc être résolument théoriques. En outre, les chercheurs en TA, engagés dans des disciplines comme les mathématiques ou la linguistique mathématique, considérées à cette période comme peu « dangereuses » idéologiquement, bénéficiaient d'une certaine tranquillité, qui, même si elle les marginalisait 2. La présente étude s'appuie principalement sur des documents publiés. Nous avons fait appel autant que possible, pour les compléter, à des témçignages d'acteurs contemporains. On sait toutefois que, dans la Russie soviétique, l'activité scientifique était très fortement encadrée et contrôlée par le parti communiste, et que carrières scientifiques et politiques étaient souvent étroitement mêlées. En conséquence, on ne peut être sûr que les travaux les plus intéressants aient tous été publiés. On peut craindre d'ailleurs que cet état de chose ne perdure aujourd'hui {cf. Cejtin 1997). 3. Cette tradition est entretenue en Russie à travers l'influence de Baudouin de Courtenay (1845-1929) et de F.F. Fortunatov (1848-1914), fondateur de l'école linguistique de Moscou. Elle imprimera sa marque propre au développement de tous les domaines de la linguistique et reste très vivace dans la période qui nous occupe ici. Histoire Épistémologie Langage 19/11 (1997) : 105-132 © SHESL, PUV TRADUCTION AUTOMATIQUE EN URSS 107 en partie, leur ont permis de jeter les bases d'une linguistique originale, de telle sorte que le mathématicien V.A. Uspenskij (né en 1937), qui a participé à ces travaux, a qualifié l'époque 1955-1967 de « cercle d'argent » de la linguistique russe. Enfin, les Soviétiques se trouvent confrontés à des pro blèmes linguistiques et algorithmiques spécifiques liés à la direction dans laquelle s'opère la traduction. La traduction anglais /français vers le russe, à laquelle ils doivent s'atteler, impose des contraintes très différentes de la traduction du russe comme langue source, qui est le lot des Américains. La commande des autorités en URSS est spécifique. Outre les besoins de traduction scientifique et technique, préoccupation commune à tous les états au lendemain de la Seconde Guerre mondiale, il existe en URSS une vo lonté politique de traduction du russe en diverses langues de l'Union. La traduction multilingue correspond à une nécessité. Si, dès le départ, les Soviétiques confrontent leurs propres recherches aux travaux américains, du moins à ceux qui leur sont accessibles, ils cherchent à développer des conceptions et des méthodes originales et enracinées dans une continuité scientifique et culturelle. La langue intermédiaire constitue précisément l'un des thèmes les plus originaux des recherches russes en TA. La question de la traduction multilingue et l'idée d'utiliser une langue intermédiaire n'étaient certes pas totalement absentes des premiers travaux américains, ainsi qu'en témoignent plusieurs articles du premier recueil de TA, publié en 1955 par A.D. Booth et W.N. Locke. Reifler préconisait d'utiliser, à des fins de traduction multilingue, une langue « à grammaire et morphologie simple » telle que le chinois comme pivot language. Booth évoquait la création d'une langue artificielle, le Machinese (y avait-t-il jeu de mots ?), susceptible de rendre compte des concepts de toutes les langues. S. Dodd proposait quant à lui une version simplifiée et standardisée de l'anglais, le Model English. Enfin, Dostert se déclarait en faveur du dévelop pement d'une syntaxe générale (core syntax). Toutefois aucune de ces idées, issues de conceptions trop diverses, peu étayées théoriquement4 ou bien ne trouvant pas d'écho dans les discussions en cours, n'a donné lieu à une véritable application, à l'exception du groupe britannique de Cambridge qui a développé une méthode sémantique par thesaurus uploads/Litterature/ article-hel-0750-8069-1997-num-19-2-2679-pdf 1 .pdf
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- Publié le Apv 23, 2022
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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