Monsieur Yves Christe Apocalypses anglaises du XIIIe siècle In: Journal des sav
Monsieur Yves Christe Apocalypses anglaises du XIIIe siècle In: Journal des savants. 1984, N°1-2. pp. 79-91. Citer ce document / Cite this document : Christe Yves. Apocalypses anglaises du XIIIe siècle. In: Journal des savants. 1984, N°1-2. pp. 79-91. doi : 10.3406/jds.1984.1476 http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/jds_0021-8103_1984_num_1_1_1476 APOCALYPSES ANGLAISES DU XIII* SIÈCLE* Cette importante contribution, qui fera date dans l'histoire de ce thème, constitue le volume de commentaires à l'édition en fac-similé du MS Douce 180 de la Bodleian Library d'Oxford parue en 1981 chez le même éditeur (Codices selecti, t. LXXII). C'est donc le sous-titre qui rend le mieux compte de la matière de l'ouvrage, le titre principal, que pour ma part je juge un peu « accrocheur », résumant les réflexions du chap. vi. Avec ce gros volume, P. Klein achève ainsi le troisième volet d'un immense triptyque consacré aux illustrations narratives de l'Apocalypse. Après une thèse de doctorat centrée sur les cycles du commentaire de Beatus : Der altere Beatus-Kodex Vitr. 14-1 der Biblioteca Nacional zu Madrid. Studien zur Beatus-Illustration und der spanischen Buchmalerei des 10. Jahrhunderts (2 vol., Hildesheim- New York, 1976), l'auteur s'était attaché aux cycles archaïques d'origine italienne. La synthèse de ses travaux a fait l'objet d'une thèse d'habilitation de l'Université de Bamberg en voie de parution : Die friihen Apokalypse-Zyklen und verwandte Denkmâler von der Spdtantike bis zum Anbruch der Gotik, et le voici qui nous livre aujourd'hui son interprétation des cycles anglais. P. Klein attribue le manuscrit d'Oxford à l'école palatine de Westminster. Il le date des années 1270-1274 et le rattache étroitement à un manuscrit qui lui a partiellement servi de modèle, l' Apocalypse de Paris, Bibl. Nat., Ms lat. 10474. Il fut commandé par le prince héritier Edouard et par sa femme Eléonore de Castille peu de temps avant leur départ pour la septième croisade. L'image de dédicace est l'œuvre d'un premier peintre qui a subi l'influence de miniaturistes parisiens que Branner regroupe autour de 1' « atelier Grusch ». Quant à l'auteur principal du décor, le maître du cycle de l'Apocalypse, Klein y reconnaît un peintre de l'école de Westminster influencé par un * Peter Klein, Endzeiterwartung und Ritterideologie, Die englischen Bilderapoka- lypsen der Frûhgotik und MS Douce 180 (Graz, Akademische Druck- und Verlagsanstalt, 1983, VIII-242 p., 30 ill. en fac-similé et 175 fig. h. t.). 8o YVES CHRISTE autre courant stylistique parisien, celui de 1' « atelier de Cholet ». Le maître principal a laissé son ouvrage inachevé et c'est, semble-t-il, à la main d'un assistant qu'il faut attribuer les miniatures des deux derniers cahiers. Après Delisle, James, Millar, Saunders, et plus récemment Freyhan, Brieger, Poesch et Henderson, Klein a tenté de reconstituer la généalogie de ce groupe. Comme il l'avait fait précédemment pour les cycles ibé iques et « italiens », il a utilisé pour cela une méthode comparative assez élaborée. Près de trente images présentes dans plus de vingt manuscrits choisis parmi les plus anciens ont été analysées et confrontées dans leur moindre détail. La majeure partie du livre — p. 65-170 — est occupée par cette démonstrat ion que je résumerai brièvement. A l'origine des cycles anglais, l'auteur suppose un prototype unique, créé vers 1240 et issu, comme celui du Liber Floridus, ou de la Bible Mora- lisée, d'une variante romane des cycles du IIIe groupe de tradition italienne. J'avais soupçonné cette solution en publiant il y a quelques années les fra gments apocalyptiques de l'église de Méobecq dans l'Indre l. Je ne peux donc que me réjouir que P. Klein, par d'autres voies, reprenne cette hypothèse. De l'archétype anglais disparu, l'archétype de 1240, dérivent assez direct ement deux manuscrits jumeaux encore conservés : M. 524 de la Pierpont Morgan Library (vers 1250) et le MS Auct. D.4.17 de la Bodléienne (vers 1250-1260), ainsi que le fameux Ms franc. 403 de la Bibliothèque Nationale de Paris (vers 1245). Deux autres manuscrits étroitement apparentés, l'un à Londres, Lambeth Palace, MS. 434, l'autre à Eton College, MS. 177, pré sentent une version abrégée de cette première famille, déjà reconnue par Delisle et appelée « groupe ou famille Morgan » par P. Klein. La seconde famille, celle de Metz, dérive d'une révision assez radicale du prototype anglais disparu. L'auteur en situe la rédaction vers 1245. Elle est représentée par une série de versions dont la plus ancienne, celle de Metz, Ms. Salis 38 (milieu xine), a disparu durant la dernière guerre. Les princ ipaux témoins de cette seconde rédaction sont les suivants : Cambrai, Bibl. mun., Ms 482 ; Londres, Lambeth Palace, MS. 209, dont dérivent direct ement un manuscrit de la British Library, Add. 42555 et un autre de Lisbonne, Musée Gulbenkian, LA 139. Appartiennent également à cette seconde famille trois Apocalypses du xive siècle originaires de Normandie, celle des Cloisters 1. Le cavalier de Méobecq, dans Bulletin Archéologique, n.s., t. XII-XIII, Paris, 1978, p. 7-17. APOCALYPSES ANGLAISES 81 à New York, celle de la British Library, Add. 17333 et celle de Paris, Bibl. Nat., Ms. lat. 14410. L'Apocalypse de Trinity College à Cambridge, Ms.R. 16.2 (vers 1250- 1260), représente un cas à part. Elle combine la tradition des deux premières familles anglaises — Morgan et Metz — et celle des Beatus, une adjonction étrangère. Sa somptuosité, son caractère princier ne doivent pas faire illusion. Il ne s'agit pas d'un prototype ou de quelque chose qui y ressemble, mais d'un exemple isolé au sein des cycles anglais, d'une variante unique de ce groupe. A l'origine de la troisième famille — la famille de Westminster — Klein suppose un nouveau modèle dérivé de celui qui a donné naissance à la famille de Metz. L'Apocalypse de Trinity College s'y rattacherait partiellement. De celui-ci serait issu le prototype disparu d'une série de manuscrits dont voici les quatre principaux : les Apocalypses du Musée Paul Getty à Malibu et de la British Library Add. 35166 ; l'Apocalypse du roi Edouard à Oxford et celle de Paris, Bibl. Nat., Ms. lat. 10474. Les deux premières sont jumelles, alors que celle de Paris a partiellement servi de modèle à celle d'Oxford. Le stemma fort complexe que nous propose l'auteur (fig. 1) aura sans doute du mal à s'imposer. Les analyses comparatives qui le sous-tendent sont néanmoins fort strictes et pertinentes. Sur bien des points, les tentatives plus anciennes de regroupement en familles proposées par Freyhan, Brieger, Henderson ou Poesch ne résistent pas à la critique de Klein, qui pourtant a su maintes fois en reconnaître la valeur et le bien-fondé. En privilégiant le groupe Morgan, puis celui de Metz dans son histoire de la genèse des Apoc alypses anglaises, l'auteur suit ainsi la théorie de Freyhan, contre Brieger, Poesch et Henderson qui l'avaient contestée, chacun à leur manière. Pour l'explication des origines du groupe de Westminster, et partiellement aussi pour rendre compte de certaines particularités de l'Apocalypse de Trinity College, on retiendra surtout l'hypothèse nouvelle d'une variante amplif iée du modèle présumé de la famille de Metz. Ceci n'avait pas été reconnu jusqu'alors. De même, il convient de relever que Klein voit dans l'Apoca lypse du roi Edouard, comme dans celle de Trinity College, non pas si l'on peut dire des têtes de série, mais une synthèse originale de la tradition anté rieure. En résumé, trois familles de manuscrits qui dérivent toutes d'un proto type commun ! Dans son chapitre vi, avant de procéder à une description très fouillée des 98 enluminures (97 pour l'Apocalypse) conservées du manuscrit Douce 1240 1250 1300 Englischer " Archetyp (Morgan-Prototyp) Beatus T T Morgan Fr. 403 Metz- Prototyp Oxford r Lambeth 434 Metz Cambrai Lambeth I X2' Eton Abingdon Gul- ben- kian n r Tanner H Trinity Y3 r Add. P 35166 Fenland 1 1 Cloisters Afrz. Prosa- Version Fig. 1. - — Stemma des Apocalypses anglaises du xiii0 siècle selon Klein. APOCALYPSES ANGLAISES 83 180 qui lui a servi de point de départ, Klein nous propose un essai d'inter prétation historique et culturelle du succès extraordinaire dont ont joui ces cycles anglais, en particulier autour des années 1240-1275. Comme on le sait, Klingender y percevait un écho positif de l'exégèse « historique » nouvelle de l'Apocalypse telle que la propageaient les spirituels franciscains dans le si llage de Joachim de Flore. Freyhan, en revanche, croyait y reconnaître une réaction orthodoxe, d'inspiration aristocratique, une volonté de s'opposer, par le texte et par l'image, à la diffusion de déviations doctrinales qui fa isaient scandale au milieu du xine siècle, à la suite notamment de la publi cation à Paris, en 1254, Par Gerardo di Borgo San Donnino, un dissident franciscain, de son Liber Introductorius in Evangelium Aeternum, condamné solennellement par l'Église en 1255 déjà. Se fondant sur une nouvelle répartition des manuscrits, Klein insiste d'abord sur la précocité de l'apparition de l'archétype commun, vers 1240, soit bien avant le scandale de Paris et la date présumée de l'apparition de l'Antéchrist, en 1260, qui dans l'optique des spirituels les plus actifs devait inaugurer l'âge de l'Esprit. Il fait aussi remarquer que les Apocalypses anglaises de la première génération étaient dans leur majorité destinées uploads/Litterature/ article-jds-0021-8103-1984-num-1-1-1476.pdf
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- Publié le Jui 22, 2022
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