LE STATUT DU PERSONNAGE DANS LA LITTERATURE DE L’IMMIGRATION : RUPTURE OU CONTI
LE STATUT DU PERSONNAGE DANS LA LITTERATURE DE L’IMMIGRATION : RUPTURE OU CONTINUITE LE PERSONNAGE DE L’IMMIGRE CHEZ LES ECRIVAINS DE LA PREMIERE GENERATION LE PERSONNAGE DE L’IMMIGRE CHEZ LES ECRIVAINS DE LA DEUXIEME GENERATION La première littérature de l’émigration a développé la figure de l’étudiant noir. À la suite du Congrès des intellectuels et écrivains négroafricains à Paris en 1956, on assiste à une conscience de l’intelligentsia de l’Afrique noire à la veille des indépendances africaines, avec l’apparition d’une forme de littérature montrant l’émigration vers l’Europe comme la seule alternative pour concevoir l’avenir de la future Afrique indépendante. De ce fait, dans Kocoumbo, L’étudiant noir d’Aké Loba, c’est d’ores et déjà l’image valorisante du jeune étudiant africain noir qui s’impose comme motif littéraire. À la veille et au lendemain des indépendances africaines en 1960, un nombre important de romans ont comme héros un étudiant. Il en va ainsi dans Kocoumbo L’étudiant noir d’Ake Loba, L’Enfant noir de Camara Laye, Mirages de Paris d’Ousmane Socé, Chemin d’Europe de Ferdinand Oyono, L’Aventure ambiguë de Hamidou Kane, qui tous traitent l’émigration vers la France comme le seul moyen d’envisager l’avenir du héros mais aussi celui du continent comme la seule voie possible puisque l’Europe et notamment la France au yeux des colonisés est source de progrès et de modernité. Dans Un nègre à Paris de Bernard Dadié, le héros, loin d’être un étudiant, est un touriste poussé par l’envie de visiter Paris. Son statut est ambigu quand on se rend compte de sa formation, de son objectif de visiter Paris qui est à mi-chemin entre la simple visite touristique et la volonté de s’affirmer à la suite d’un séjour à Paris. Les héros sont poussés par le rêve de l’Europe qui « répond à des stratégies de promotions sociales de la part des personnages narrateurs dont le statut d’intellectuels leur permet de prendre une certaine distance par rapport à leur situation d’étranger en France » Christiane Albert, op. cit., p.30 L’envie de « devenir quelqu’un », d’être promu socialement a été le sentiment qui a prédominé chez les héros des romans autobiographiques des années soixante puisque ces jeunes étudiants sont représentés comme les futurs intellectuels, pour qui venir en France est le passage obligé pour poursuivre des études. À côté de la figure d’étudiant des années soixante apparaît en même temps celle des premiers travailleurs immigrés dans des récits mettant en scène des travailleurs immigrés en France comme c’est le cas du roman Le Docker noir et de la nouvelle La Noire de … de Sembene Ousmane témoignant de leur statut donc de travailleurs mais particulièrement de docker et de domestique ou d’étudiant. Toutefois ces récits d’expatriés « exposent les peines et les souffrances, les misères matérielles et d’avantage encore le sentiment de solitude et d’abandon ressenti à être « nègre à Paris », à se sentir différent, situation qui exacerbe sans doute une certaine sensibilité sociale qu’expose Frantz Fanon dans Peau noire masques blancs (1952) » 86Ibid., p.31 En effet les textes de Sembene Ousmane sont les premiers récits sur l’exil et son amertume. Déjà par la nouvelle, Lettres de France87, Ousmane Sembene, Voltaïque, Paris, Présence Africaine, 1962 l’auteur expose les souffrances de Nafi prise par le sentiment d’abandon et de solitude. Le statut de travailleur immigré a également prévalu dans le roman autobiographique des années soixante avec l’apparition de récits peignant la figure d’immigrés sur le sol Européen mais la particularité de ces premiers immigrés, c’est qu’ils sont attachés à leurs origines avec l’envie d’y revenir un jour comme indique déjà C. Albert : « L’immigré est avant tout un expatrié voué nécessairement au retour au pays, son vrai pays était au Maghreb, aux Antilles ou en Afriques et son identité est clairement définie par son appartenance ethnique. 88 Christiane Albert, op.cit., p.45 Les auteurs de tous ces récits des années soixante qui ont pour référence la négrité 89, nous ont habitué à « la confrontation entre l’Afrique et l’Occident »90en nous exposant la réalité sociale de l’immigration en France et généralement en Europe. Dans la même lignée, l’écrivain sénégalais Moyoro Diop met en scène Samba, un immigré sénégalais, vivant à Cologne en Allemagne avec son épouse et leurs deux enfants mais frappés par la réalité tragique de l’immigration avec le sentiment d’être différent des autres par la couleur de sa peau malgré son épouse allemande. Les épigones ne sont pas les seuls à avoir mis en scène des travailleurs immigrés. Ceux de la Migritude appelés par Christiane Albert « les écrivains de l’immigration » parce que eux- mêmes ont choisi comme lieu de résidence l’Europe, et notamment la France pour les écrivains francophones, ont abordé l’immigration et surtout celle des réfugiés économiques de façon nouvelle. En effet, ils ont superposé l’immigration clandestine des réfugiés économiques et l’immigration légale des travailleurs immigrés en France. Mais quel que soit son statut, l’immigré est représenté comme un expatrié vivant dans la précarité, comme le montre C. Albert : « Les personnages mis en scènes dans ces récits sont d’origine sociale souvent humble et illettrée. Ils occupent des emplois subalternes ; petite bonne exploitée et sans défense comme dans la Noire de … de Sembene Ousmane. Ils sont aussi chômeurs et complètement marginalisés comme Les Boucs. » Christiane Albert, op.cit., p.32-33. Les écrivains de la migritude ont développé la figure de l’émigré et notamment celle de l’immigré économique dont l’ambition est d’améliorer sa condition de vie parce qu’il vit déjà chez lui dans la misère et la précarité. De ce fait, l’émigration vers la France ou généralement en Europe est son seul rêve pour améliorer sa condition économique et sociale. Dans le cadre de la thématique de l’émigration clandestine, nombreux sont les écrivains de la Migritude qui ont mis en scène des personnages voulant migrer vers l’Europe. Dans Le Ventre de L’Atlantique de Fatou Diome, la narratrice s’entretient au téléphone avec son frère candidat à l’émigration vers la France parce que celle-ci représente pour lui le pays de la réussite. Dans Les Honneurs perdus de Calixthe Beyala, Saïda émigre vers la France sans imaginer les mésaventures qu’elle aura à vivre. Massala-Massala dans Bleu blanc rouge d’Alain Mabanckou, quitte l’Afrique, pensant trouver un mieux-être en Occident. 1. Le clandestin et le sans-papiers320 (Personne immigrée se trouvant en situation irrégulière du fait qu’elle ne possède pas de pièces d’identité reconnues par les autorités du pays où elle réside et ce, le plus souvent, malgré sa volonté de régularisation. (Le nouveau Littré, Paris, Editions Garnier, 2007, p.1688). Avec le durcissement de la politique de l’immigration en Europe est apparue une nouvelle figure d’immigré désigné par les termes de clandestins et « sans-papiers ». Soit le personnage est entré clandestinement dans le territoire, soit après être entré légalement, et avoir séjourné sur le territoire avec un titre de séjour renouvelable à certaines conditions, ledit titre ne peut plus être accordé parce que la personne ne peut plus répondre aux conditions requises pour y avoir droit. Il résulte que dans les deux cas l’individu se retrouve en situation irrégulière. Ce qui alors complique son statut et l’accule à la clandestinité. Sa présence dans le pays d’accueil n’est donc plus désirée. Il doit faire face à la police et aux lois répressives contre l’immigration clandestine. Cependant, dans les romans de premiers auteurs, cette figure d’immigré clandestin n’existait pas comme l’affirme Alain Mabanckou : « A l’époque de la publication de Mirages de Paris, du Sénégalais Ousmane Socé Diop, quand, rappelons-le, la plupart des ressortissants des anciennes colonies étaient des citoyens français et pouvaient aisément se rendre en Métropole s’ils en avaient les moyens » Alain Mabanckou, Le Sanglot de l’Homme Noir, op. cit., p.15 Pour celui qui voulait retourner dans son pays, un ministère de rapatriement était mis en place, pour l’aider à rentrer au pays avec un soutien financier qui lui était octroyé. C’est pour cette raison que Fara voulant retourner en Afrique apprend de la bouche d’Ambo qu’il existe un ministère des colonies chargés des Africains désireux de se faire rapatrier : -Dis- moi, reprit Fara, comment faut-il que je m’y prenne ? - Te faire rapatrier, va au ministère des Colonies -Crois-tu que l’on voudra m’accorder cette faveur ? -Bien sûr, on l’accorde à tous les Noirs résidant en France qui désirent rentrer chez eux. 322Ousmane Socé Diop, Mirages de Paris, op. cit., p.174 Ce personnage expatrié qui veut retourner à sa terre natale est différente des personnages des auteurs de la seconde génération puisque « les personnages des romans de ces dernières années sont des désespérés. Ils font face à des lois qui n’existaient pas en 1937 ». 323Alain Mabanckou, Le Sanglot de l’Homme Noir, p.153 Ils sont alors dans des situations délicates : ayant fui leur pays pour des raisons d’ordre économique, et étant à la recherche de meilleure condition de vie, ils se voient condamnés à vivre dans la clandestinité parce que la politique de l’immigration des pays européens et notamment celle de la France ne cesse de se durcir et de prendre uploads/Litterature/ article-statut-du-personnage.pdf
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- Publié le Mai 03, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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