Revue des Études Augustiniennes, 40 (1994), 143-196 Nouveaux sermons de saint A
Revue des Études Augustiniennes, 40 (1994), 143-196 Nouveaux sermons de saint Augustin pour la conversion des païens et des donatistes (VII) Le recueil augustinien de Mayence (Mainz, Stadtbibliothek I 9, ca 1470- 1475), transmet, malgré sa date tardive, deux collections antiques de sermons. De la première, toutes les sections inédites sont désormais accessibles1. La publication de la seconde série, celle de Mayence-Lorsch, s'achève aussi avec le présent article2. La pièce qu'on va découvrir, Mayence 55, était déjà partiellement connue sous une forme tronquée, le S. 341 des Mauristes. Il faut avouer qu'elle ne fait allusion ni aux donatistes ni aux païens et qu'elle répond donc très mal, comme s'il s'agissait d'un élément un peu adventice, au titre général que j'ai attribué à la série. Augustin, qui cherche instamment à développer la lecture privée de la Bible3, y donne à son auditoire quelques rudiments d'exégèse. Le psaume du jour : «Ils ont percé mes mains et mes pieds...» était justiciable d'une interpré- tation christologique. L'orateur en profite pour dégager les grandes règles de ce type d'exégèse, permettant d'élucider nombre de difficultés scripturaires. En finale, afin d'illustrer son propos et d'en corriger le caractère trop abstrait, Augustin commente un récit spécialement énigmatique, celui des trois verges 1. Dans Analecta Bollandiana, t. 110, 1992, p. 263-310, et dans Revue Bénédictine, t. 101, 1991, p. 240-256 (I) ; t. 102, 1992, p. 44-74 et 267-297 (II-III) ; t. 103, 1993, p. 307-338 (IV) ; t. 104, 1994, p. 34-76 (V), à laquelle renvoie ci-dessous l'abréviation Sermons inédits I- V. 2. Cf. RÉAug, t. 37, 1991, p. 37-78 et 261-306 (III) ; t. 38, 1992, p. 50-79 (III) ; RecAug, t. 26, 1992, p. 69-141 (IV) ; RÉAug, t. 39, 1993, p. 57-108 et 371-423 (V-VI), à quoi fait référence l'abréviation Nouveaux sermons I-VI ; Philologia sacra. Biblische und patristische Studien für Hermann J. Frede und Walter Thiele, Freiburg, 1993, t. 2, p. 523-559. En Nouveaux sermons VI, j'ai commis une erreur grave qu'il importe de rectifier sans retard. Par un lapsus fréquent au moyen âge, mais moins excusable chez un moderne, j'ai transcrit deux fois mysterium en Mayence 7, 16 (p. 394,1. 243), là où M fournit l'abréviation de minis- terium. Le passage doit donc se lire ainsi : «Baptizat autem ebriosus : ministerium est ; baptiza- uit haereticus : ministerium est». 3. Voir déjà Nouveaux sermons IV, p. 105-106 : «Codices nostri publice uenales feruntur... Eme tu codicem et lege» ; Nouveaux sermons V, p. 85 : «Cottidie codices dominici uenales sunt, legit lector ; eme tibi et tu lege quando uacat, immo age ut uacet» ; In ps. 66,10. 144 FRANÇOIS DOLBEAU ou baguettes de Jacob, dont les essences (Genèse 30, 37) préfigurent le mystère de l'incarnation. L'exposé, à finalité didactique, est clair et bien structuré. De façon inhabituelle, il se transforme parfois en effusion du cœur : «O unicum uerbum, dulce uerbum, inspiret nobis amorem suum ; inspirât autem spiritu sancto. Ita enim trinitas : pater qui genuit, uerbum quod genuit, Spiritus quo inspiratur caritas... Vt ametur suauissima et excellentissima et ineffabilis trini- tas..., amantium corda desiderat (§ 7)4». Le phénomène, sans être inconnu5, est plutôt surprenant dans un texte qui ressemble, par bien des aspects, à une conférence d'exégèse. M. DE PS ALMO XXIO ET QVOMODO TRIBVS MODIS DICATVR CHRISTVS... Mayence n° 55 (Mainz, Stadtbibliothek I 9, f. 173-183 = M), dont le long titre initial énumère dans l'ordre les thèmes majeurs du prédicateur : «Sermo eiusdem de psalmo XXP et quomodo tribus modis dicatur Christus in scriptu- ris, secundum diuinitatem scilicet et secundum susceptum hominem et secun- dum quod caput est ecclesiae, et de tribus uirgis Iacob» ; Possidius X6 13 : «De tribus uirgis Iacob et psalmo uicensimo primo non toto» (où l'on reconnaît la fin et le début du titre précédent)6 ; Lorsch 25 : «De psalmo XXI et quomodo tribus modis Christus dicatur in scripturis secundum diuinitatem et secundum susceptum hominem7» (forme tronquée de la rubrique citée en premier). Le titre de M ne saurait remonter, tel quel, à l'auteur, car il procède d'une lecture hâtive du sermon. Il décrit mal en effet le dernier des trois modes selon lesquels le Christ est mentionné dans les Écritures. D'après le texte même d'Augustin8, les formules «secundum susceptum hominem et secundum quod caput est ecclesiae» renvoient, l'une et l'autre, au second mode ; le troisième devrait être défini par une expression renvoyant à l'union du Christ et de son Corps mystique, au Christ 'total', «in plenitudine ecclesiae, id est caput et corpus». Mayence 55 est en partie dirigé contre les ariens, qui sont expressément cités au chapitre 12 ; Augustin y traite en passant du verset : «Ego et pater 4. On notera que cet élan affectif s'adresse non à l'homme-Jésus, mais au Verbe divin et, à travers lui, à la Trinité. Augustin méditait-il alors sur le mystère trinitaire, en rédigeant l'un des livres de son De trinitate ? 5. Cf. K. BAUS, Die Stellung Christi im Beten des heiligen Augustinus, dans Trierer Theologische Zeitschrift, t. 63, 1954, p. 321-339. 6. Avec la précision : «psalmo ... non toto», que j'ai déjà commentée en Nouveaux sermons V, p. 88, n. 91. Il est notable que les deux numéros suivants de Possidius (X6 14-15) corres- pondent aussi à des pièces de la série de Mayence-Lorsch : «De decern chordis» (= S. 9, Lorsch 18) ; «De utilitate agendae paenitentiae» (= S. 352, Lorsch 27, Mayence 1). 7. Titre publié par P.-P. VERBRAKEN, Études critiques sur les sermons authentiques de saint Augustin, Steenbrugis, 1976, p. 233 (Instrumenta patristica, 12), d'après Vatican, Palat. lat. 1877, f. 17v. Dans le ms., figurent deux autres copies du catalogue de Lorsch, qui ajoutent en tête le terme tractatus (f. 58v et 74v). Dom Verbraken propose d'identifier cette entrée avec le sermon «344», qui traite d'un sujet différent : il s'agit sûrement d'un lapsus pour «341», lapsus répercuté hélas dans l'index. 8. Voir infra les paragraphes 2, 10 et 18. NOUVEAUX SERMONS D'AUGUSTIN VII 145 unum sumus» (Jean 10, 30)9. Dans M, la pièce suivante, qui correspond au n° 139 des Mauristes, est intitulée : «Sermo s e c u n d u s de uerbis euangelii : Ego et pater unum sumus, contra Arríanos». Elle y précède le sermon 117 : «De In principio erat uerbum...», qui, lui aussi, attaque les sectateurs d'Arius10. Ce groupement (Mayence 55, 56 = S. 139, 57 = S. 117) présente donc une justification thématique et pourrait remonter assez haut dans l'histoi- re de la transmission. Un autre texte anti-arien est le sermon 126 (ou Mayence 14)11, rapproché des trois précédents par le recueil de Lorsch, où figurait la série suivante : 22. «Contra arríanos» = Mayence 56 (S. 139)12 ; 23. «De sancta trinitate» = M. 57 (S. 117)13 ; 24. «De eo quod scriptum est in euange- lio : Non potest filius a se faceré quicquam, nisi quod uiderit patrem facien- tem» = M. 14 (S. 126) ; 25 = M. 55. Le manuscrit de Lorsch était sans doute plus proche de l'original, dans la mesure où il laissait le S. 126 avec les trois autres, mais lui aussi avait dû bousculer la succession primitive, puisque la rubrique du S. 139, qui a tout l'air d'être archaïque dans la forme donnée par M («Sermo s e c u n d u s ...»), n'y avait pas de raison d'être. Autres témoins du texte.— Mayence 55 transmet intégralement un sermon qu'on lisait jusqu'ici dans une recension amputée de plus de moitié (ou S. 341). Ses premières lignes, absentes du S. 341, avaient été préservées par un flori- lège véronais des VIe-VIIe siècles. Certains fragments, que Bède citait sous le titre «De tribus uirgis» et dont on ignorait l'origine, y trouvent aussi leur emplacement exact. Enfin, un recueil de Sententiae sanctorum Patrum, prove- nant de Reichenau, en reproduit quelques passages, selon une teneur qui est plus apparentée à celle de Mayence 55 qu'à la recension connue à ce jour. 1. Le S. 341 Cette pièce, qui omet à dessein le début («De psalmo XXI») et la fin du texte primitif («De tribus uirgis»), effectue aussi plusieurs coupures dans la section centrale, dont elle préserve néanmoins la structure. Comme elle est attestée, ainsi qu'on le verra bientôt, dans un manuscrit du début du VIIe s., elle remon- te forcément au très haut moyen âge. D'après sa transmission, Dom Lambot la considérait comme tronquée et remaniée par Césaire d'Arles14 : c'est la raison pour laquelle toutes les références au S. 341 ont été affectées d'un code spécial dans la récente concordance d'Augustin15. La découverte de M permet de 9. Au chapitre 13. 10. Possidius l'a versé dans la section «Aduersus arríanos» de son Indiculum (= VIII 13 : «Item de trinitate, de In principio erat uerbum»). 11. Coïncidant avec Possidius VIII 11 (et X6 159) : «Ex euangelio Iohannis : Non potest filius a se faceré quidquam, nisi quod uiderit patrem facientem». 12. Et non le S. 384, comme le supposait uploads/Litterature/ august-1994-40-1-143-nouveaux-sermons-de-saint-augustin-pour-la-conversion-des-paiens-et-des-donatistes-vii.pdf
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- Publié le Jui 21, 2022
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