L’ASTROLOGIE GRECQUE LE PUY-EN-VELAY IMPRIMERIE RÉGIS MARC11ESS0U L’ASTROLOGIE
L’ASTROLOGIE GRECQUE LE PUY-EN-VELAY IMPRIMERIE RÉGIS MARC11ESS0U L’ASTROLOGIE GRECQUE PAR N BOUCHÉ-LECLERCQ MEMBRE DE l 'ïXSTITCT PROFESSEUR A LA FACULTÉ DES LETTRES DE PARIS Natales inquirunt : - - cxistvnant tôt circa union caput tumultuantes deos (Senec., Suasor., i). PARIS ERNEST LEROUX, ÉDITEUR 28, RUE BONAPARTE, 28 1899 595629 Zl. Io.54 PRÉFACE Ce livre est un chapitre de l’Histoire de la Divination dans rAntiquité, repris et développé dans les limites de temps et de lieu, nécessairement un peu indécises, qui circonscrivent l’histoire de 1’ « antiquité » classique. Le sujet avait autrefois vivement piqué ma curiosité; mais, comme je ne devais pas, dans une étude générale sur les méthodes divinatoires, lui donner un développement hors de proportion avec l’en semble, je ne m’étais pas cru obligé de m’engager à fond dans cette selva oscura. Je me contentai alors d’en faire le tour et d’y pratiquer provisoirement quelques éclaircies. Une nouvelle poussée de curiosité m’y ramène au bout de vingt ans, avec le ferme propos de débrouiller enfin cette étrange association — unique dans l’histoire de la pensée humaine — de raisonnements à forme scientifique et de foi masquée ; avec l’espoir de saisir l’enchaînement des idées maîtresses qui supportent tout l’assemblage et de noter les étapes par courues par la logique acharnée à la poursuite des secrets de l’avenir. Je n’ai rien changé à ma méthode, soit de recherche, soit d’exposition. Elle consiste, pour la recherche, à remonter vers les origines jusqu’à ce que l’on retrouve l’état d’esprit où ce qui est devenu plus tard inintelligible ou déraisonnable était le produit d’un raisonnement simple, parfaitement intel ligible; pour l’exposition, à refaire en sens inverse le chemin parcouru. On me permettra de dire que j’ai été encouragé à y persévérer par les constatations que j’ai pu faire depuis. En suivant, non pas de très près, mais avec assez d’attention, 11 PRÉFACE les enquêtes sporadiques du folk-lore, je n'y ai rencontré aucun fait concernant les pratiques divinatoires, aucun usage, si bizarre soit-il, qui ne rentre sans effort dans les cadres que j’ai tracés pour la divination gréco-romaine et n’y trouve son explication. L’esprit humain est partout le même, et on le constate plus aisément qu’ailleurs dans les ques tions de foi, où il opère sur un très petit nombre d’idées. Il ne crée pas volontairement le mystère : il le rencontre au bout des spéculations métaphysiques, par impuissance de comprendre l’infini ; mais, en deçà de ce terme, il ♦ n’est point d’arcane qui ne soit un oubli de sa genèse intellectuelle, du circuit plus ou moins sinueux par lequel telle croyance ou pratique est issue logiquement de croyances ou pratiques antérieures. Les superstitions sont des survivances dont on ne comprend plus la raison d’être, mais qui ont été en leur temps, et par un point de suture que l’on peut souvent retrouver, fort raisonnables. Ce qui est vrai des superstitions en général l’est, à plus forte raison, de l’astrologie, qui a essayé de rattacher d’une façon quelconque aux sciences exactes, à « la mathéma tique », les efforts les plus aventureux de l’imagination. L’as trologie une fois morte — je crois qu’elle l’est, en dépit de tentatives faites tout récemment pour la revivifier — a été traitée avec un dédain que l’on ne montre pas pour des ques tions d’importance historique infiniment moindre. On dirait qu’il entre encore dans ces façons méprisantes quelque chose de l’irritation qu’elle a causée autrefois à ses adversaires, à ceux qui, ne sachant trop par où la réfuter, se prenaient à la haïr. Letronne, soupçonnant quelque « vision astrologique » dans un détail des zodiaques d’Esneh, estime que « cette par ce ticularité tient à quelque combinaison d’astrologie qui ne « mérite guère la peine qu’on prendrait pour la découvrir ». Il constate que, une fois dépouillés « du caractère purement « astronomique qu'on leur avait supposé », ces zodiaques « ne seraient plus que l’expression de rêveries absurdes, et « la preuve encore vivante d’une des faiblesses qui ont le « plus déshonoré l’esprit humain ». Il laisse supposer qu’il a eu « le courage de parcourir des livres d’astrologie an- PHÉFACE 111 « cienne », mais sa patience s'est lassée avant qu’il fût en état de deviner les énigmes de ses zodiaques. « Nous n’en sommes « pas encore là », dit-il, « et nous n’y serons pas de long- « temps ; il est même douteux que personne entreprenne une « recherche dont le résultat ne peut plus avoir désormais « d’utilité scientifique ». La prédiction est hardie et le motif admirable. Si Lctronnc entend par utilité scientifique l’utilité pratique, il faut rejeter en bloc — en commençant par son œuvre à lui — toutes les études portant sur l’inventaire du passé, c’est-à-dire ce qui occupe les neuf dixièmes des savants et intéresse peu ou prou le reste de l’humanité. S’il reconnaît une utilité scientifique à tout ce qui accroît notre connais sance du réel, de ce qui est ou a été, prétendrait-il reléguer en dehors des choses réelles les faits d’ordre intellectuel et psychologique, les idées, les croyances, les systèmes qui ont provoqué par la pensée l’action, qui ont engendré des faits et sont en un certain sens plus réels que les faits eux-mêmes ? Je constate volontiers, et même avec plaisir, que peu de gens se soucient aujourd’hui de l’astrologie. Si elle est encore vivante et agissante dans les pays d’Orient, chez nous, elle appartient au passé et n’intéresse plus que les his toriens. Ce n’est pas une raison pour qu’elle les intéresse médiocrement. On a cru longtemps, on croit peut-être encore que la divination en général et l’astrologie en particulier ont tenu peu de place dans l’histoire. Sans doute, on constate que les oracles et les pronostics des devins interviennent à tout moment pour provoquer ou empêcher, hâter ou retarder les actes les plus graves ; mais on suppose que c’étaient là, pour les chefs d’Etat ou chefs d’armée, des prétextes plutôt que des raisons, des moyens commodes d’utiliser la crédulité popu laire, et que les choses se seraient passées de même, ou à peu près, sans cette intervention. C’est un point de vue qui a pu paraître, rationnel aux philosophes du siècle dernier, mais qui devrait être, comme on dit aujourd’hui, dépassé. Il est surtout inexact appliqué à l’astrologie, qui n’a jamais agi qu’à distance sur les masses populaires, mais qui, grâce à son prestige scientifique, à la rigidité implacable de ses calculs, avait tout ce qu’il fallait pour s’imposer à la foi des gouver- IV PRÉFACE nants. L’astrologie a réalisé de temps à autre le rêve des doc trinaires platoniciens et stoïciens; elle a mis parfois la main sur ces grands leviers que sont les volontés des rois. Qui sait combien de desseins, intéressant des millions d’hommes, elle a entravés ou favorisés, quand elle avait prise sur la pen sée d’un Auguste, d’un Tibère, d’un Charles-Quint, d’une Catherine de Médicis, d’un Wallenstein ou d’un Richelieu? Les historiens devront, à mon sens, rechercher avec plus de soin qu’ils ne l’ont fait jusqu’ici les traces de cette ingérence et ne pas se persuader aussi facilement qu’elle a été d’effet négligeable. Ils n’ont même pas besoin d’aller bien loin pour rencontrer, dans l’observance de la semaine, incorporée aux religions issues du judaïsme, la trace, désormais indélébile, d’une idée astrologique. En tout cas, l’étude de l’astrologie et de son histoire inté resse au premier chef ceux qui cherchent à connaître l’homme en analysant, dans ses œuvres collectives, la plus spontanée et la plus active de ses facultés, la faculté de croire et de se créer des raisons de croire. Après avoir fait taire la polémique religieuse suscitée par la prétendue antiquité des zodiaques égyptiens, Letronne déclarait que désormais, réduit à l’astrologie, le sujet n’offrait plus « aucun but de recherche « vraiment philosophique ». Je ne sais ce qu’il entendait au juste par philosophie, mais j’avouerai sans ambages que l’his toire de l’astrologie — c’est-à-dire de la formation de ses dogmes — me paraît, à bien des égards, de plus grande portée philosophique que l’histoire de l’astronomie, à laquelle elle est du reste intimement mêlée. Ce n’est pas, ou ce n’est pas seulement parce que l’astrologie a conservé, en se les appro priant comme données de ses calculs, les conquêtes de la science astronomique à travers des siècles où celle-ci risquait d’être délaissée et même oubliée ; ni parce que, entre tant de spéculations aventureuses, elle a posé, en prétendant les avoir résolues, des questions de physique et de mécanique célestes auxquelles n’eût pas conduit la pure géométrie des astronomes grecs. Je veux parler de ce qui fait son originalité propre, de cette association et pénétration réciproque d’élé ments hétérogènes, d’une foi qui parle le langage de la PRÉFACE V science, et d’une science qui ne peut trouver que dans la foi la justification de ses principes. Qu’un Ptolémée en soit arrive à « croire » que l’on « savait » au juste quel est le tempérament de la planète Saturne, par uploads/Litterature/ auguste-bouche-leclercq-l-x27-astrologie-grecque.pdf
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- Publié le Nov 26, 2021
- Catégorie Literature / Litté...
- Langue French
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